L’Internet et le génome de l’influenza de 1918
par Francis Pisani
mardi 18 octobre 2005
C’est une folie terriblement dangereuse, affirment dans un éditorial (Op-ed pour être plus exact) publié par le New York Times, Ray Kurzweil et Bill Joy, deux des noms les plus respectés dans le domaine des technologies de l’information et des réflexions sur le futur.
Il est en effet plus facile de créer et de produire cette forme de virus extrêmement destructif à partir des informations publiées, qu’il ne le serait de créer et de produire une bombe atomique à partir d’un mode d’emploi détaillé (qui n’est pas accessible).
Pire encore, un tel virus pourrait tuer beaucoup, beaucoup plus de personnes qu’une bombe atomique. Explosant dans une ville, cette dernière pourrait tuer jusqu’à un million de personnes, alors que le virus ferait des dizaines, voire des centaines de millions de victimes.
La reconstitution du génome de la grippe de 1918 est le fruit d’une décennie de travail. Il s’agissait d’une grippe aviaire capable d’attaquer les humains.
Au moment de publier l’article sur les résultats de la recherche sur l’influenza de 1918, le journal Science a exigé que les informations soient intégralement publiées sur l’internet. L’idée est que divulguer l’information peut contribuer à accélérer la recherche sur des réponses à la grippe aviaire qui nous menace aujourd’hui.
Kurzweil et Joy invitent à une approche plus prudente, et concluent en affirmant que :
We should, however, treat the genetic sequences of pathological biological viruses with no less care than designs for nuclear weapons.
C’est le contrepied des points de vue généralement défendus par les digerati. Mais le sujet mérite sans doute d’exceptionnelles précautions.
Qu’en pensez-vous ?
Pour ceux que ces sujets préoccupent, je signale :
Un billet de Roland Piquepaille sur les positions prises par ces deux chercheurs sur les dangers de la recherche en génétique, nanotechnologie et robotique.
Un texte de RayKurzveil sur les « Promesses et dangers du XXIe siècle »(2003).
L’article publié par Bill Joy dans Wired, en avril 2000, dans lequel il expliquait « Pourquoi le futur n’a pas besoin de nous ».
[Photo du National Museum of Health and Medecine, Washington DC]