L’optique, ou tout ce qui va mal avec la privatisation de la santé

par Laurent Herblay
jeudi 19 septembre 2013

C’est une des polémiques de la semaine : après l’UFC Que Choisir au printemps, la Cour des Comptes a dénoncé les tarifs de l’optique en France, allant même jusqu’à suggérer que la Sécurité Sociale se désengage du secteur. Une illustration des dangers de la privatisation de la santé.

Un coût exorbitant
 
Bien sûr, les grandes chaines nationales ont investi tous les médias pour défendre leur situation en affirmant que si les prix sont plus élevés en France, c’est parce que nous bénéficierions des meilleurs produits du monde, fruit de l’excellence d’Essilor mais aussi des lunettiers de l’hexagone. Une vision trop idyllique pour y croire… Déjà, en avril, l’UFC Que Choisir avait souligné que la marge brute atteignait la bagatelle de 275 euros par paire de lunettes, soit 70% du prix de vente. Elle notait que le nombre d’opticiens avait augmenté de 47% en 12 ans pour une hausse de la demande de 13%. Le nombre excessif augmenterait le prix des lunettes de 54 euros et les dépenses de marketing de 60 euros !
 
Bien sûr, pour les Français qui ont une mutuelle généreuse, cela ne semble pas poser de problème, puisqu’elles peuvent largement rembourser les frais d’optique. Mais cela se répercute dans le prix des mutuelles, en constante progression. Le coût est caché, mais il est bien payé au final. Et puis surtout, cela pose un gros problème pour les personnes à faibles revenus qui ne disposent pas d’une mutuelle ou d’une protection a minima, pour lesquels les frais d’optique deviennent rédibitoires. Heureusement qu’il existe quelques offres moins chères, notamment sur Internet.
 
Le problème avec les mutuelles

C’est tout le problème du système choisi par l’Etat de déremboursement de certaines dépenses de santé, qui finissent pas être confiées à des mutuelles privées. Outre des frais de gestion largement supérieurs à la Sécurité Sociale et des dépenses somptuaires totalement injustifiées (sponsoring sportif par exemple), le système actuel tourne au profit des opticiens et des mutuelles au détriment des citoyens qui sont les dindons de la farce. Les mutuelles sont souvent obligatoires et elles ont tout intérêt à ce que les opticiens montent leur prix puisque cela augmente leur chiffre d’affaire. Et pour les salariés, la note est noyée dans le bulletin de salaire dans les innombrables lignes qui le rendent illisible.

A petite échelle, cela explique pourquoi les Etats-Unis dépensent tant pour leur santé. Il y a une alliance de fait entre les prestataires de santé et les mutuelles pour entretenir la hausse des coûts sur laquelle ils vivent. Et cette privatisation permet des dépenses de communication excessives. Bien sûr, cela permet aussi l’innovation et le progrès, mais le cas de l’optique montre que cela génère des abus considérables. En revanche, la Cour des Comptes fait fausse route en proposant le déremboursement complet. Ici, il y a besoin de plus d’Etat, comme le soutient l’UFC Que Choisir en réponse à l’institution.

Il est effarant que les sages de la rue de Cambon propose comme souligne un désengagement complet de l’Etat. Cela ne règlerait en aucun cas les problèmes qu’elle dénonce. Au contraire, ce sont les rentes que l’Etat a accordées aux opticiens et aux mutuelles qui doivent être remises en question.


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