La « circulation silencieuse des coronavirus » chez les cochons inquiète des chercheurs et remontre que l’élevage menace la santé planétaire

par Abolab
samedi 18 avril 2020

Le 11 mars, le jour même où le COVID-19 était déclaré pandémie par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), et une semaine avant le début du confinement décidé par le gouvernement français, la France envoyait 2000 cochons par avions en Chine, tandis que dans le même temps, des chercheurs vétérinaires italiens avertissaient la communauté scientifique du danger de la "circulation silencieuse des coronavirus" chez ces mêmes animaux. Les cochons peuvent en effet être "porteurs asymptomatiques" des coronavirus comme le COVID-19 et constituer une vaste réserve virale de préservation, de transmission, ou d'amplification épidémique, et même de création de nouveaux pathogènes infectieux issus de multiples coronavirus différents, posant ainsi une menace planétaire à la fois pour les animaux et la santé humaine. Ces découvertes, pour autant, ne sont pas nouvelles, car la nature problématique de la consommation de ces animaux pour la santé humaine semble être connue depuis de nombreux siècles voire millénaires dans de nombreuses cultures différentes, et notamment au Moyen-Orient, où leur consommation à fin alimentaire est culturellement découragée. Aussi, l'origine porcine et humaine (élevage intensif) du COVID-2019 ou d'épidémies passées et futures n'est plus à écarter et redémontre, comme pour les grippes aviaires, que l'élevage intensif, en plus de la pandémie des maladies non transmissibles ou "chroniques" (StorzBodai et al, Gustafson et al), pose également une menace épidémique globale de nature virale sur la santé humaine.

Ces dernières semaines, la recherche scientifique en virologie a ouvert la porte à une remise en question des origines géographique et temporelle de l'épidémie de COVID-19 chez l'homme, qui pourrait très bien avoir pu commencer dès septembre 2019 et en-dehors de Chine, ce qui vient notamment corroborer la description de premiers cas de pneumonies atypiques graves dès novembre 2019 en Europe par des médecins italiens, et ce qui repose la question de l'origine de la source animale de la transmission du coronavirus à l'homme.

Le 12 mars 2020, des chercheurs vétérinaires italiens ont averti la communauté scientifique dans une courte "lettre - avis" scientifique paru(e) dans le British Medical Journal (BMJ) en exprimant leur inquiétude quant à la "circulation silencieuse des coronavirus" chez les cochons (Leopardy et al).

En effet, tout comme les humains, les cochons peuvent être des porteurs asymptomatiques des coronavirus, ce qui est susceptible de poser des risques majeurs pour la santé animale et humaine, étant donné que le cochon, avec un ADN très proche de celui des humains, peut contaminer l'homme et être également contaminé par l'homme.

La circulation subclinique des coronavirus dans les cochons pourrait représenter un risque pour les animaux et, potentiellement, pour la santé humaine. Des coronavirus différents pourraient interagir durant des coinfections, influençant à la fois la réplication virale et les conséquences pathologiques 5. La cocirculation de coronavirus est inquiétante car cela pourrait favoriser l'émergence de potentielles souches virales épidémiques par des événements de recombinaisons 6.

Pourtant, le 11 mars 2020, et de manière très étrange, le jour même de l'envoi par avions de 2000 cochons par la France en Chine, dont les bases commerciales avaient été préparées par le Président Emmanuel Macron même, lors de sa visite en Chine en novembre 2019, l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail (ANSES) publiait un avis dans lequel elle affirmait sans source scientifique aucune que la "contamination d'un animal est peu probable", qu'il n'y a "pas de transmission par des animaux d'élevage ou de compagnie", et précisant également sans justification que "seule l’hypothèse de la contamination de l’aliment par un humain malade, ou porteur asymptomatique du virus SARS-CoV-2, a été investiguée"...

Le 12 mars 2020, les chercheurs vétérinaires italiens, au regard de la littérature scientifique déjà existante, émettait pourtant un avis tout-à-fait différent de celui de l'ANSES, en précisant :

Tandis qu'il y a un besoin de comprendre le rôle des animaux dans l'émergence du SARS-CoV-2 en Chine, la surveillance des animaux domestiques à la lumière des épidémies humaines ne devrait pas être négligée ; nous avons besoin de comprendre si ils jouent un rôle dans l'épidémiologie du virus, incluant la transmission, l'amplification, l'évolution ou la maintenance. En effet, le SARS-CoV-2 a été montré être capable d'interagir avec le récepteur enzyme de conversion de l'angiotensine 2 chez les primates non-humains, les cochons, les chats et les furets 8,9. De manière critique, ces données suggèrent que la circulation des coronavirus chez les cochons pourrait passer inaperçue si elle ne cause pas de maladie grave. La plupart des infections symptomatiques des coronavirus sont cliniquement indiscernables chez les cochons, et cela pourrait entraîner des retards dans la détection précoce de pathogènes nouveaux [...].

En pleine pandémie mondiale de coronavirus, et en dépit de tout principe de précaution, le commerce avec la Chine d'animaux d'élevage susceptibles d'être porteurs silencieux du SARS-CoV-2, a donc été autorisé au plus haut sommet de l'Etat et justifié notamment par l'ANSES, alors qu'aucun test diagnostic n'a pu être mené sur ces animaux, étant donné que les tests manquaient déjà pour la population, et que ce commerce s'est également effectué sans masque de protection par le personnel en charge de cette livraison, comme en témoigne la vidéo.

Dans beaucoup de cultures, les cochons ont pourtant depuis de nombreux siècles voire millénaires été considérés comme un animal à ne pas manger voire "impur" , comme cela a été ou est toujours le cas "chez les Hébreux, les Phéniciens, les Cananéens, les Crétois, les Éthiopiens, les Indiens" ainsi que dans le monde arabe, et c'est sans doute du fait que ces cultures se sont très vite rendues compte au fil des siècles, que cet animal pouvait être potentiellement porteur de virus très facilement contagieux pour l'être humain, et qu'il représente donc un danger sanitaire à éviter.

L'élevage intensif, que ce soit des volailles avec notamment la grippe aviaire, des bovins avec les leucémies et virus oncogènes, ou des porcs avec les coronavirus, pose donc plus que jamais une menace sur la santé humaine planétaire, et des mesures fortes de changement de direction agricole et agro-alimentaire devraient être prises par les gouvernements responsables, tandis que des changements alimentaires devraient également être spontanément adoptés par la population responsable et correctement informée, non pas par des motivations politiques ou économiques comme celles de l'ANSES, mais sanitaires et environnementales nécessaires et plus que jamais urgentes, en parallèle à l'aspect de sensibilité humaine qui fait voir à toute personne un tant soit peu sensible qu'il n'est pas nécessaire de tuer des êtres vivants pour se nourrir ou pour toute autre raison que ce soit.
 

Illustration : Cochons français à destination de la Chine, en pleine pandémie mondiale de COVID-19 et potentiellement porteurs asymptomatiques de coronavirus et réservoirs d'infections virales présentes et futures. (France 3)


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