La franchise selon Nicolas Sarkozy
par Christian LEHMANN
vendredi 30 mars 2007
En matière d’assurance maladie l’UMP et Nicolas Sarkozy ont une idée fixe : l’augmentation des dépenses de santé, ce serait d’abord et avant tout la faute des patients. Il faudrait donc les « responsabiliser », c’est à dire les pénaliser financièrement pour « qu’ils consomment moins » ou, au minimum, pour que « la Sécu rembourse de moins en moins ».
Déremboursements incohérents, augmentation du « ticket modérateur » sur des soins courants, généralisation des dépassements tarifaires pour les médecins spécialistes, invention du forfait de 1€ par acte de soins ou de biologie, du forfait de 18 euros sur les actes supérieurs à 91€, l’actuelle majorité a multiplié les atteintes à la prise en charge solidaire des soins.
Mais si elle a augmenté le reste à la charge des patients, le déficit de l’assurance maladie n’en a pas été comblé pour autant.
Aujourd’hui Nicolas Sarkozy va plus loin, beaucoup plus loin, en annonçant que s’il est élu il mettra en place une FRANCHISE c’est-à-dire un seuil annuel de dépenses en dessous duquel l’assurance maladie ne remboursera rien.
Rien du tout.
Franchise qui, pour mieux jouer son rôle de dissuasion de la consommation, ne sera pas remboursable par les assurances complémentaires, au moins dans un premier temps.
À la convention Santé de l’UMP, en juin 2006, après l’habituel couplet sur les abus et les fraudes (parfait pour désespérer la population de la notion de solidarité), Nicolas Sarkozy pose LA question : « Nous parlons d’assurance maladie... Y a-t-il une seule assurance sans franchise ? ».
Escamotant habilement le mot « solidaire », il traite la protection sociale comme une simple question d’assurance commerciale. Mais se garde d’avancer un chiffre. Car la franchise sur les remboursements modifierait profondément le système de protection sociale. L’entourage néolibéral de l’homme qui cite Jaurès pour appliquer le programme de Thatcher le sait bien : un système de franchise « forfaitaire et acquittée chaque trimestre » aurait des effets dramatiques pour les patients aux faibles revenus, mais pas assez pauvres pour en être dispensés. Certains d’entre eux amputeraient leur train de vie modeste pour pouvoir accéder aux soins. D’autres tenteraient de les retarder, y renonceraient. Tous seraient fragilisés, et cette précarité dans le domaine fondamental qu’est la santé les rendrait plus « flexibles » encore.
LA « FRANCHISE », UN THEME RÉCURRENT POUR NICOLAS SARKOZY.
La « franchise » ce n’est pas un mot lâché un peu vite dans un discours de campagne mais bien une constante (une des rares !!!) de la pensée politique de cet admirateur des « néo conservateurs » américains ( USA = le plus haut niveau de dépense par habitant, mais 40 millions d’américains sans assurance maladie et un résultat sanitaire déplorable).
Dès 2001, dans son livre Libre :
« Je crois utile qu’un système de franchise soit mis en place comme pour tout processus d’assurance. Ainsi les 500 premiers francs (76,22 €) de dépenses de santé annuelles des assurés sociaux ne seraient pas remboursés afin de responsabiliser ceux-ci ».
Mais étrangement, devant le panel venu récemment l’interroger sur TF1 - et près de 9 milllions de téléspectateurs - Nicolas Sarkozy livre un tout autre chiffre : sa franchise n’est plus de 50, 76 ou 100 euros, mais... représenterait seulement « les 5 ou 10 premiers euros de dépense de santé chaque année » ; puis, dans un autre entretien, « quelques centimes à quelques euros pour chaque acte ».
Nous, professionnels de santé, acteurs du monde associatif ou médico-social, universitaires, représentants des usagers et/ou usagers du système de santé dénonçons les RISQUES MAJEURS D’UNE TELLE FRANCHISE.
Nous refusons l’instauration d’une telle « FRANCHISE », socialement injuste, économiquement inefficace et dangereuse pour la santé publique. Rejoignez-nous afin d’exiger des candidats à la présidentielle une clarification de leur position face à cette menace inacceptable sur l’accès aux soins en France.
Christian Lehmann - Martin Winckler - Philippe Sopena.