La longévité, pour quoi faire ?

par citoyen
mardi 22 novembre 2005

​​La révolution de la longévité est en marche. Tout un ensemble de progrès, plus ou moins difficiles à percevoir, ont eu pour effet d’allonger de manière substantielle notre espérance de vie. Cette bonne nouvelle, du point de vue de l’individu, n’en constitue pas moins un défi pour la société. Le livre Une vie en plus, co-rédigé par Joël De Rosnay [E1] , Jean-Louis Servan-Schreiber [E2] , François de Closets [E3] et Dominique Simonnet, nous raconte l’histoire de cette révolution paradoxale, en nous amenant à dépasser le simple constat pour aller chercher la réponse à cette question : la longévité, pour quoi faire ? Papa d’un joli bébé depuis peu, il me faut bien considérer que cet enfant dispose d’une grande probabilité de devenir centenaire, et cette vie en plus doit m’amener à l’aider à répondre à cette question.

Nous sommes rentrés dans l’ère des seniors. Le vieillissement, il y a encore peu considéré comme une fatalité, devient l’enjeu de recherches, et surtout de progrès scientifiques. Les mécanismes en sont identifiés, et nous découvrons que l’individu détient certaines clefs de sa longévité à la condition d’être à l’écoute de son corps.

Inscrit au cœur de nos cellules [E4], le processus de vieillissement reste inéluctable. En effet, pour vivre, notre corps a besoin d’absorber de grandes quantités de substances, avalées ou inhalées. Cependant, ce processus indispensable à la vie-elle même conduit nos organes à s’encrasser, à se dérégler. Mais cette fatalité détient en elle les clefs de notre longévité. Joël De Rosnay nous l’explique de manière didactique, si nous sommes attentifs à la manière dont nous traitons notre corps en veillant notamment à l’équilibre de notre alimentation, à la qualité de ce que nous respirons, en évitant de brûler notre corps trop vite et trop fort, l’enjeu ne sera plus tellement de vivre longtemps, mais de bien vivre ce supplément d’âge. L’homme sera ainsi un jour capable de vivre jusqu’à 120-140 ans, nous dit-il. A la lumière des découvertes récentes, il nous livre là un véritable petit guide pour garantir notre longévité. Ainsi, il nous démontre que, tout comme l’économie [E5] constitue avec l’écologie [E6] la face d’une même médaille, la biologie [E7] implique de manière indissociable la « bionomie [E8] », ou l’art de manager [E9]

son corps. Il ne s’agit pas de devenir tous adeptes d’une morale spartiate, comme nous le rappelle Edgar Morin : l’homme est un animal déraisonnable, mais d’apprendre à maîtriser son corps.

Jean-Louis Servan-Schreiber, quant à lui, nous invite à comprendre que c’est d’abord dans nos pensées que s’instaure la vieillesse, et donc c’est là aussi que l’on peut la faire reculer. La longévité n’est pas le monopole de notre temps. Mais force est de constater que la longévité a longtemps été une exception [E10]. Aujourd’hui la longévité va de pair avec la prospérité : plus le niveau de vie augmente, plus la vie se prolonge. Le défi de ce nouvel âge est qu’il constitue une terra incognita. L’âge conduit à se poser une foule de questions, à remettre en cause ses valeurs, et à cette étape que d’aucuns nomment « maturescence », chaque individu dispose les clefs de sa longévité face à l’alternative : soit céder du terrain, et se considérer comme vieux, soit se lancer des défis, et continuer à se penser jeune. Car vivre jeune est avant tout un état d’esprit. Il ne s’agit pas de se raconter des histoires et d’imaginer que nous aurions le pouvoir de vaincre notre condition de mortel vulnérable. Car c’est bien dans cette période des troisième et quatrième âges qu’on a plus de risques de payer les négligences et les erreurs du passé. Et même si l’on respecte les conseils de Joël De Rosnay, il faut convenir que « la longévité est un combat que nous finirons par perdre, mais il faut quand même le mener, car il est porteur de sens ». Jean-Louis Servan-Schreiber nous invite donc à cultiver notre jardin intérieur, sans renoncer au monde pour autant, mais en se montrant moins conquérant, plus humble. L’important, c’est la perception de soi-même, de son bien-être, et le sens que l’on donne à cette longévité. Là encore, Jean-Louis Servan-Schreiber nous offre un petit guide pour vivre moins vieux qu’on en a l’air. L’intelligence de la longévité, c’est de percevoir à tout moment jusqu’où on peut aller pour s’occuper de soi-même, tout en restant supportable aux autres. Attention, donc, aux miroirs, surtout au miroir aux alouettes ! Et ne pas oublier ce que nous disait Montaigne : « Philosopher, c’est apprendre à mourir ».

François de Closets aborde, quant à lui, la part la plus délicate de la longévité. Car ce destin si merveilleux, que l’on promet à l’individu, se transforme pour la collectivité en un véritable défi. Et d’aborder les questions d’actualité : les retraites pour les uns, chômage pour les autres. Et comme un écho aux événements récents, il dresse le diagnostic : « Les économiquement faibles sont les jeunes », tandis que les seniors ne sont vus que comme des consommateurs, alors que le défi de la longévité nous conduit à imaginer d’autres perspectives si l’on veut que le pacte intergénérationnel soit préservé. A tel point que le journaliste nous prévient : la longévité constitue une bombe ! Alors, ne faut-il pas prendre au pied de la lettre Colette, qui nous disait : « L’ennui quand on vieillit, c’est que l’on reste jeune ! » : ?

Retrouvez le blog "Une vie en plus".


[E1] Joël De Rosnay :

Juste après sa thèse de doctorat es science en 1965, Joël De Rosnay publie son premier ouvrage pour le grand public intitulé Les Origines de la vie. Après quatre années de recherches et d’enseignement au M.I.T. de Boston - de 1967 à 1971 - il s’oriente vers un autre monde, celui de l’entreprise, expérience dont il tire l’outil symbolique, le macroscope. Depuis, il n’a eu de cesse d’approfondir et d’élargir son savoir, et surtout de le faire partager aux autres. Il a ainsi publié de nombreux ouvrages dont L’homme symbiotique, regards sur le troisième millénaire.

[E2] Jean-Louis Servan-Schreiber :

A l’âge de 15-16 ans, on lui a offert L’Introduction à la psychanalyse, de Freud. Il y a une trentaine d’années, il est parti en Californie et j’ai enseigné un an à l’université de Stanford, au moment où se développait le "mouvement du potentiel humain". Aujourd’hui journaliste et patron de presse, il est le fondateur du magazine l’Expansion en 1967 avec Jean Boissonnat. Depuis environ deux ans, il est directeur de Psychologies. Rappelons que de 1973 à 1981, il produit et présente l’émission « Questionnaire » sur TF1.

[E3] François de Closets

Journaliste et écrivain, à l’origine de nombreux magazines d’information comme ’L’enjeu’, ’Médiations’ sur TF1, ’Savoir plus santé’ sur France 2, il produit et anime depuis 1992 ’Les grandes énigmes de la science’ et ne recule pas devant les débats les plus rudes.

[E4] Les mitochondries, en grand nombre à l’intérieur de chaque cellule, constituent de véritables microcentrales qui nous permettent de bouger, de réfléchir, etc .

Or, pour faire leur travail, les mitochondries ont besoin d’oxygène et comme toute chaudière, les mitochondries produisent certes de l’énergie, mais aussi de la pollution : les radicaux libres qui agissent sur nos cellules saines, comme le fait la rouille par un phénomène d’oxydation ;

[E5] Du grec « oikos » signifiant la maison et « nomos », la règle : la gestion de la maison.

[E6] Du grec « oikos » signifiant la maison et « logos », la science : la science de la maison.

[E7] Du grec « bios » signifiant vie et « logos », science : la science de la vie.

[E8] Du grec « bios » signifiant vie et « nomos », la règle : la gestion de la vie.

[E9] Au sens de « ménager » dont le terme anglo-saxon « management » provient.

[E10] Dans la Grèce antique, quelques philosophes ont bien vécu au-delà de 80 ans, voire plus :

Platon, 81 ans
Hippocrate, 90 ans
Pythagore, 95 ans


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