La marée noire que l’on croyait perdue...

par olivier cabanel
lundi 23 août 2010

On pensait le problème définitivement réglé. La marée noire du golfe du Mexique n’était plus qu’un mauvais souvenir.

On vient de la retrouver... et ce n’est pas rassurant.

Déjà, il y a un mois, le journal « le Monde » du 28 juillet affirmait sans sourire « le pétrole à pratiquement disparu de la surface du golfe du Mexique ». lien

Ce qui n’était pas totalement faux, puisqu’effectivement on ne le voyait plus , ou presque plus, en surface, et pour cause.

L’utilisation du Corexit 9500 avait pour but de le « disperser ».

Mais disperser la poussière, ne la fait pas pour autant disparaitre...comme enterrer des déchets nucléaires n’empêche pas leur nocivité.

Les scientifiques qui se trouvaient à bord du « Pelican » avaient détecté, dès le mois de mai, plusieurs nappes sous-marines, d’hydrocarbure dont certaines avaient une superficie de 16 km, sur 5 km de large, et 90 mètres de profondeur. lien

Samantha Joye, chercheuse de l’université de Géorgie à bord du « Pélican » affirmait :

« Il y a une quantité abominable de pétrole dans les profondeurs en comparaison avec ce que vous voyez à la surface. Il y a une énorme quantité de pétrole sur plusieurs couches, qui s’étagent sur trois, quatre ou cinq niveaux ».

Cette déclaration avait fait pousser des cris d’indignation à BP, et au gouvernement américain.

Le 19 août 2010, une équipe du WHOI (Woods Hole Oceanographic Institution) a confirmé pourtant la présence d’un « panache d’hydrocarbures sous-marin impressionnant ». lien

Il a pris de l’ampleur depuis l’observation des chercheurs du « Pélican  ».

Long d’environ 35 kilomètres, large de 2 km, et épais d’environ 200 mètres, il dérive doucement à plus de 1000 mètres de profondeur.

Les chercheurs de la WHOI ont analysé minutieusement la constitution de ce « nuage de pétrole sous-marin » lors d’une campagne menée à bord du navire océanographique l’Endeavor. lien

Grace à l’utilisation de véhicules autonomes sous-marins (SENTRY) et d’un spectromètre de masse (TETHYS) Ils ont réalisé 57 000 analyses chimiques.

C’est ce que l’on peut lire dans la revue « Sciences  » du 20 août. lien

Sans le moindre doute, ce nuage contient des quantités appréciables d’hydrocarbures : benzène, toluène, ethylbenzène et xylène.

Ces composés organiques s’évaporent habituellement très vite lorsque le pétrole est en surface, mais à cette profondeur, ils estiment qu’il mettra beaucoup de temps à se dégrader ou même que ce pétrole n’est peut-être pas biodégradable, contrairement à ce qui était affirmé par les autorités.

En tout cas, en 5 jours d’observation, ils ont constaté que le volume d’hydrocarbures n’avait pratiquement pas diminué.

Ils ont pu mesurer plus de 50 microgrammes d’hydrocarbures par litre, et ils ne peuvent pas dire s’il est nocif, ou pas, pour l’environnement.

Ils affirment que cette découverte pourrait avoir des conséquences importantes :

« Les hydrocarbures peuvent persister pendant un « certain temps », et il est donc possible que le pétrole soit transporté sur des distances considérable avant d’être dégradé ».

Par contre, les chercheurs n’ont pas constaté une disparition de l’oxygène dans cette nappe, (anoxie) ce que craignaient de nombreux scientifiques.

On est très loin des affirmations très optimistes du gouvernement américain qui déclarait au début du mois d’aout que 74% du pétrole de Deepwater avaient été éliminés par évaporation, biodégradation, récupération et autres moyens. lien

Au sujet de l’éventuel colmatage de la fuite (ou des fuites), il reste un doute, puisque nous savons qu’à la suite de l’explosion, le sol sous-marin a été fissuré : des images montraient que le pétrole sortait aussi de ces fissures.

BP affirme avoir réussi la cimentation du puits de Deepwater. lien

Ce qui ne semble pas tout à fait exact puisque l’amiral Thad Allen, qui supervise cette catastrophe, affirme que « ce n’est pas fini », et que dans le courant du mois d’août, BP injectera à nouveau des boues et du ciment dans le puits explosé. lien

En tout cas, ce que l’on sait, c’est que la facture s’alourdit chaque jour un peu plus.

BP a dépensé plus de 6 milliards de dollars, et pourrait être contraint selon la Maison Blanche de verser un supplément qui portera l’addition à plus de 17 milliards de dollars. lien

Certains experts disaient que la facture définitive pourrait se placer dans une fourchette entre 1000 et 3000 milliards de dollars. lien

On est encore donc loin du compte.

Les règles juridiques restent floues, et peuvent fluctuer d’un état à l’autre.

Comme le dit Bernard Bouloc, professeur à « l’Université Paris 1 » : «  on sait que le droit français s’est durci au fil des années, et est devenu un « monstre marin ». Mais outre les difficultés liées à la définition des infractions par suite du renvoi à des normes conventionnelles internationales, alors que la loi doit être claire, précise et aisément lisible, d’autres difficultés surgissent quant à la mise en œuvre des poursuites et aux personnes pouvant se prétendre lésées par lesdites infractions  ». lien

Dans le cas de Deepwater, combien de millions de citoyens pourront se prétendre lésés ?

Sur quelles bases ?

Outre les milliers d’animaux qui ont souffert de cette catastrophe, il y a déjà de nombreux américains qui sont atteints dans leur chair, des emplois qui ont été perdus, et nous ignorons à ce jour les conséquences du « panache d’hydrocarbure sous-marin  » pour les mois… ou les années à venir.

D’après les autorités, près de 800 millions de litres de pétrole brut et de méthane se sont échappés du puits depuis l’explosion, ce qui est vingt fois plus que la catastrophe de l’Exxon Valdez.

On ne sait rien de l’action du « panache d’hydrocarbures sous-marin  » sur la faune et la flore sous marine.

Sur quelle distance va-t-il dériver ?

Combien de temps lui faudra-t-il pour se dégrader, ou pire, pourra-t-il se dégrader ?

Beaucoup de questions sans réponses, et mon vieil ami africain aurait surement conclu par cette pensée définitive :

« La route ne dit pas au voyageur ce qui l’attend à l’arrivée ».

 

L’image illustrant l’article est issue du blog : http://mapassionmanature.unblog.fr/

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