La médecine numérisée

par Jacques-Michel Lacroix
jeudi 22 décembre 2016

La circulation du savoir et de l'information passe désormais par des canaux qui n'existaient pas autrefois. Il est très facile d'aller chercher des informations sur Internet. Ces nouvelles façons de partager un savoir peuvent remettre en cause le dialogue médecin-malade.

Court circuiter la consultation médicale et mettre directement le patient en relation avec un algorithme chargé d'évaluer son cas, n'importe où et à n'importe quelle heure, peut présenter des avantages, que les concepteurs de logiciels vont chercher à exploiter.

Comment le monde médical pourra-t-il réagir face à ce mode de fonctionnement, car à l’évidence il ne saurait y échapper ?

- Ai-je besoin de consulter ? - S'agit-il d'une affection que je peux traiter moi-même ?

Questions auquelles se propose déjà de répondre une société spécialisée dans l’électronique médicale, avec une application (Bewell-connect) qu’elle définit comme étant un « service de santé augmenté ». Cette application moyennant un abonnement mensuel d’environ 20 € propose une consultation médicale virtuelle, qui a la suite d’un questionnaire, vous indique le niveau de gravité et d’urgence où elle estime que vous vous situez, l’attitude à adopter, et si nécessaire vous propose la recherche d’un médecin 7 jours/7, 24h/24, n’importe où dans le monde.

Cela peut éventuellement paraître séduisant, malheureusement tout n'est pas aussi simple.

L'établissement d’un diagnostic se base sur la valorisation des symptômes que décrit le malade spontanément, mais aussi sur ceux que le praticien va rechercher par un questionnement adapté. Ensuite, c'est par l'examen physique du malade que le médecin va compléter son recueil de données (et éventuellement prescrire des examens complémentaires), avant d'envisager un diagnostic et un traitement.

Simplifier cette procédure peut entraîner de graves erreurs, mais il n'est pas impossible que dans quelques temps cette application se développe chez les possesseurs d'un smartphone. Son usage risque être favorisé par la difficulté qu'il y a maintenant (à cause du manque de médecins) à trouver un praticien disponible pour vous recevoir rapidement.

 

L'intelligence artificielle va faire de tels progrès que dans quelque temps, nous dit-on, on pourra se passer de médecin, et établir un diagnostic et un traitement, à l'aide des données recueillies par l'interrogatoire et des capteurs externes, voire éventuellement même implantés à l'intérieur du corps.

Bien sûr, en théorie cela sera sans doute possible, mais on oublie que l'humain est variable, et la norme peut-être différente d’un individu à l'autre.

Les algorithmes chargés de veiller sur notre santé se référent à des données standards statistiquement validées, établies à partir d'un panel d'individus censés représenter la norme, mais qu’en sera-t-il pour ceux qui seront de part et d'autre de cette courbe de Gauss, en raison d’une particularité génétique, d’une influence environnementale inhabituelle, ou tout simplement de leur âge ?

Cette relation exclurait également toute empathie, toute chaleur humaine, qui en agrémentant les relations inter-individuelles permet souvent d’atténuer la douleur et la souffrance.

Ces simples constatations m’incitent à penser que même, si dans certains domaines la machine peut se révéler supérieure à l'homme, il en est d'autres où on doit veiller à ce qu'elle ne le remplace pas.

 

Dr Jacques-Michel Lacroix

22 decembre 2016


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