La santé bientôt passée de date dans plusieurs pays ?

par Michel Monette
mardi 6 mars 2007

Dans certains pays, plus de la moitié des médicaments offerts sur le marché sont périmés. Cela est d’autant plus déplorable que dans ces mêmes pays les médicaments appropriés font cruellement défaut. Mais le plus paradoxal, c’est que la générosité n’est pas tout à fait étrangère au phénomène.

Pourquoi autant de médicaments périmés là où il en manque si cruellement ? « Souvent, les médicaments arrivent déjà périmés car, pour certains pays, cela coûte moins cher de les envoyer à l’étranger que de les détruire sur place », racontait à Libération Laurence Boiron, de Pharmaciens sans frontières.

Les médicaments périmés ont été une véritable plaie en Indonésie lors du tsunami de 2004. Le quart des médicaments donnés généreusement avaient un problème de péremption. Plus de six médicaments sur dix n’étaient pas inscrits dans la liste des médicaments jugés essentiels et, comble de l’ironie, sept médicaments sur dix étaient libellés dans une langue que les professionnels sur place ne pouvaient pas comprendre.

L’Indonésie doit détruire de nombreux médicaments (plus de 600 tonnes), ce qui entraîne des coûts et une mobilisation d’énergies qui seraient mieux utilisées ailleurs. Le phénomène est tel que les Indonésiens le qualifient de second tsunami.

Le cas indonésien n’est pas un phénomène isolé.

Au Cameroun, le rapport 2006 de l’Association suisse Medibus sur le système de gestion en commun des pharmacies mis en place par la Coopération Cameroun-Jura-Suisse fait état de pertes importantes dues aux médicaments périmés. Or, les dons de cette association se font surtout en médicaments.

En France récemment, l’association Cyclamed s’est vue interdire de redistribuer à des fins humanitaires
des médicaments non utilisés collectés dans les pharmacies. Ces médicaments n’étaient pas forcément périmés, mais trop souvent ils n’étaient pas adaptés aux maladies des pays où on les expédiait (Les vieux médicaments n’iront plus au Tiers-Monde).

Il semble qu’une partie non négligeable des médicaments humanitaires se retrouvent sur les marchés parallèles. Ces marchés sont particulièrement florissants là ou il n’y a pas d’assurance maladie et une insuffisance de médicaments officiels dans les pharmacies (Arcat. Ne nous trompons pas de débat).

Ces médicaments, je le répète, ne sont pas forcément périmés.

Vous trouvez cette situation scandaleuse ? Attendez, vous n’avez pas fini de vous scandaliser.

Les médicaments périmés sont la composante d’un autre marché, beaucoup plus lucratif celui-là, le marché de la contrefaçon :

Les médicaments contrefaits peuvent contenir trop, pas assez ou aucun principe actif, des ingrédients incorrects ou des niveaux élevés d’impuretés, des contaminants et même des substances toxiques. Il peut s’agir de formules rejetées ou périmées, retirées du marché, que les contrefacteurs se sont procurées, ont re-étiquetées comme des produits authentiques et ont remises en circulation. Elles tuent et lèsent des milliers, voire des millions, de personnes dans le monde.

Reconnaissance International. Communiqué (format Word) émis à l’occasion du 2e Forum mondial sur la lutte contre la contrefaçon pharmaceutique qui s’est tenu à Paris du 15 au 17 mars 2005.

Selon l’Organisation mondiale pour la santé, les médicaments contrefaits représentent environ 10% des médicaments consommés dans le monde, mais ces chiffres sont de plus de 25% dans le cas des pays pauvres. Ne vous y trompez pas, c’est un marché très lucratif : plus de 32 milliards de dollars US par an (chiffres de 2004).

Il ne faut pas s’étonner que la vente des médicaments soit aussi malade. Depuis de trop nombreuses années déjà, les systèmes publics de santé se détériorent au nom d’une idéologie prônant la supériorité du privé qui les gangrène.

Au rythme où vont les choses, la santé elle-même va finir par être périmée.... ou bien contrefaite.


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