Le ballon de rouge quotidien serait cancérigène ?

par Dominique Dupagne
jeudi 19 février 2009

Un rapport très médiatisé pointe du doigt la consommation quotidienne et modérée de vin qui serait cancérigène. Une lecture détaillée du rapport officiel qui sous-tend cette affirmation montre qu’elle ne repose sur rien de solide. 

Depuis quelques jours, on lit partout que boire un verre de vin par jour est cancérigène. Diable ! Après avoir porté aux nues le "french paradox", faible risque cardiovasculaire associé à la consommation de Bordeaux, voilà que les médecins nous demandent de choisir entre infarctus et cancer.

Etonné par cette histoire, j’ai un peu creusé.

L’affaire vient du grand INCA en personne (Institut National du Cancer français), et de la Direction Générale de la Santé assistés d’une flopée de scientifiques. Le tout s’appuie sur une énorme bibliographie et un rapport d’allure respectable. Bref, voila qui paraît solide et tous les journalistes ont repris en coeur l’information.

Voyons le rapport : http://tempsreel.nouvelobs.com/file/642367.pdf

En creusant, on trouve facilement l’erreur, qui est un cas typique d’emboîtement tel que décrit dans l’éclatement de la bulle médicale, déjà publié sur Agoravox (mis à jour sur Knol depuis).



Il est précisé page 16, dans le tableau qui montre le risque attribuable à un verre par jour : "Une augmentation de risque de cancers de 10 % pour les sujets consommant un verre par jour correspond à un risque relatif estimé de 1,10. Une consommation d’un verre par jour correspond aussi bien à une consommation journalière d’un verre qu’à une consommation de sept verres une fois dans la semaine (pendant une soirée le week-end par exemple)."

Auparavant, on nous précise que tout est calculé en "équivalent alcool". Un verre de vin rouge peut être en fait un verre de 3cl de Ricard pur.

Donc, les faits montrent un lien statistique entre une cuite hebdomadaire au pastis ou à la vodka et les cancers de l’oesophage, et cela devient dans le résumé "Un ballon de rouge par jour donne le cancer".

Imaginez qu’un journal titre "Les coiffeurs mangent des enfants". Etonné, vous creusez un peu pour découvrir qu’en fait de coiffeurs, ces sont les mammifères carnivores en général, dont font partie les coiffeurs, et que les bébés sont pris au sens large pour les jeunes animaux. Nous sommes exactement dans le même type de manipulation de l’information.

Indépendamment de ce raccourci audacieux, le lien causal est présenté comme "convaincant". Sachant qu’il n’y a aucune étude prospective (fiable), mais des liens statistiques ou quelques études cas-témoin, ce "convaincant" est très exagéré. Il est tout à fait possible que les gens qui ne boivent pas du tout de vin ou d’alcool mènent par ailleurs une vie plus saine qui explique leur moindre risque de cancer  : sport, aliments bios et plus sains en général, moins de tabac. Même si ces éléments sont censés être corrigés dans les études, il est impossible d’être certain d’avoir tout pris en compte.

Un des grands pièges de l’épidémiologie, science descriptive, est de croire qu’un lien statistique est un lien causal. Par exemple, les voitures rouges provoquent plus d’accidents que les blanches. Ce lien n’est pas causal. C’est la personnalité du conducteur des voitures rouges qui est en cause, et non la peinture. 

La confusion entre le lien statistique et la relation de cause à effet est un des principaux pourvoyeur d’informations médicales fausses.

Ces experts nous désinforment. Du fait de l’effet protecteur cardiovasculaire potentiel du verre de rouge quotidien (sur des bases tout aussi floues), il n’est pas exclu que l’INCA et la DGS participent à une dégradation de la santé publique.

L’effondrement de la crédibilité des experts devient un phénomène scientifique préoccupant.

L’auteur précise qu’il n’a aucun lien d’intérêt avec les alcooliers.


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