Le beau Danube rouge

par olivier cabanel
jeudi 14 octobre 2010

L’accident récent dans l’usine de bauxite Aluminium de la ville d’Ajka, pose à nouveau la question de la sécurité industrielle, mais au delà de ce drame, la question de l’implication de l’aluminium dans différentes maladies, dont Alzheimer, reste posée.

On le sait, 700 000 tonnes de boues rouges toxiques se sont déversées dans le ruisseau Torna. vidéo

Le 7 octobre 2010 à 6h30 du matin, les boues toxiques ont atteint la rivière Raab, puis finalement le Danube. lien

Sur cette vidéo, des images impressionnantes du flot de boues rouges dans la ville.

On a aujourd’hui plus de détails sur les causes de l’accident : la population s’était inquiétée des fissures apparues sur les murs des bassins de stockage.

Le réservoir de boues toxiques fuyait depuis des mois, mais la direction de l’usine n’en a pas tenu compte, continuant d’élever les murs du bassin de stockage. lien

Gabor Figeczky, directeur du WWF à Budapest estime qu’il faudra plusieurs années (3 à 5) pour que la vie puisse renaître, mais il ajoute que l’ampleur de la catastrophe reste difficile à cerner.

La toxicité des boues inquiète les populations, et on peut voir sur cette vidéo les moyens déployés en vain pour enrayer la catastrophe.

Les analyses de l’eau menées par les services de celle-ci ont pourtant permis de constater une augmentation anormale du taux alcalin de la Rivière Raab. Il est passé de 8, qui est la norme, à 9,4.

Les conséquences pour les habitants touchés par l’accident sont catastrophiques, car outre les 8 morts(provisoires), et les 150 blessés, le premier ministre Hongrois Viktor Orban a déclaré :

« Malheureusement, j’ai l’impression que tout effort de reconstruction ici, au-delà du pont, est inutile (…) il faudra probablement ouvrir un nouveau territoire pour les habitants du village et raser cette partie du village à tout jamais, car il est impossible de vivre ici ». lien

Zsolt Szegfalvi (Greenpeace) s’inquiète : « pour l’instant, il pleut sur la région, mais quand la boue séchera, elle pourra devenir de la poussière toxique »

Emmanuel Bourguignon, microbiologiste au LAMS (laboratoire d’analyses microbiologiques des sols) affirme : « dans les boues, ces substances sont de l’ordre du micron. Quand la boue sèche et que le vent souffle, les éléments fins s’envolent. Çà risque de créer des nuages de poussières qui ne seront pas forcément visibles. Les substances entreront dans les poumons et le sang des population locales »

Il ajoute : « çà peut avoir un effet de bombe à retardement si le sous-sol est de nature à filtration lente. Les substances pourront prendre 20 ans à migrer » lien

Si le vent se met à souffler, la pollution pourrait se déplacer bien au-delà des 40 km2 aujourd’hui sinistrés.

Personne n’a oublié Tchernobyl.

La nature de ces boues rouges reste à déterminer, car si l’on sait qu’elles contiennent du plomb, du mercure, de l’arsenic, on sait moins qu’elles sont « légèrement » radioactives.

Le taux d’arsenic, 2 fois supérieur à la norme fixée, est de 110 mg par kilolien

Aujourd’hui, les autorités hongroises, craignant une nouvelle coulée de boues rouges viennent de finir une digue.

Elle fait 4 mètres de haut et 1500 mètres de long et est destinée à retenir les 500 000 mètres cubes de boues rouges encore contenues dans le bassin de rétention.

En effet, d’autres fissures sont apparues sur la digue du réservoir, laissant craindre une deuxième vague de boues rouges.

Du coup, le Parlement vient de décider le 12 octobre la nationalisation de l’entreprise MAL (MagyarAluminium), et c’est György Bakondi, le chef national des services de lutte contre les catastrophes qui a pris les choses en main.

Quant à Zoltan Bakonyi il a été placé en garde à vue et le tribunal se prononcera le 13 octobre sur son maintien en détention. lien

Mais revenons à Alzheimer.

En janvier 1997 une émission belge (aluminium folie) lève la polémique.

Dans ce documentaire, les scientifiques qui s’expriment, affirment, preuve à l’appui que l’aluminium pénètre dans le cerveau, provoquant de graves lésions pouvant entraîner la mort.

Ce qui est contesté par un représentant de l’association européenne des industriels de l’aluminium qui affirme le contraire : « la majorité des chercheurs ne trouve aucun lien causal entre l’absorption d’aluminium et l’apparition de lésions cérébrales ».

Vient ensuite la guerre des chiffres concernant la norme d’aluminium que l’on puisse ingérer « sans danger ».

Les ministres européens de l’environnement ont fixé la valeur limite d’aluminium à 0,2 mg/l, mais la norme n’empêche pas le danger.

Ce qui est relativisé par l’OMS qui déclare : « compte tenu de l’incertitude des résultats sur l’homme, comte tenu des limitations du modèle animal, la valeur guide pour la concentration de l’aluminium ne peut être encore à ce jour établie ».

Les doutes sur les dangers que pourrait faire courir l’aluminium pour les organismes ont commencé à apparaitre vers 1975, lorsque des chercheurs du laboratoire de microanalyse de l’INSERM de Créteil.

Un homme décédé à l’âge de 37 ans présente un fort dépoussiérage pulmonaire constitué essentiellement de poussière d’aluminium : il souffrait d’une détérioration progressive de ses fonctions cérébrales et mentales.

Dans le « New England Journal of Medecine” un article paru en 1976 fait état de taux importants d’aluminium dans le cerveau de malades insuffisants rénaux traités par hémodialyse.

Avant de décéder, ces malades présentaient tous des symptômes démentiels ainsi que des lésions osseuses.

Les chercheurs ont démontré que l’aluminium soluble présent dans les fluides servant à la dialyse etait responsable de la mort des malades.

Puis, jusqu’en 1990, les études sur la toxicité de l’aluminium se multiplient.

Des scientifiques découvrent des dégénérescences dans le cerveau de lapin auxquels on a injecté des sels d’aluminium, qui ressemblent à s’y méprendre aux lésions cérébrales des patients décédés suite à la maladie d’Alzheimer.

Dans un article signé Sylvie Gruszow, paru dans « la Recherche » une longue analyse de la situation nous est proposée. lien

« Plusieurs études réalisées en France, au Canada, en Norvège et en Grande-Bretagne plusieurs études portant sur l’exposition à l’aluminium via l’eau de boisson semblent indiquer une association positive entre cette exposition et la maladie d’Alzheimer ».

Malgré tout, d’autres scientifiques ne sont pas persuadés qu’il existe un lien entre l’aluminium et Alzheimer.

Idem pour la présence d’aluminium dans les médicaments antiacide.

Sur la base d’une étude épidémiologique portant sur 10 000 patients ayant suivi un traitement antiacide pendant 9 ans, 20 % des patients étaient décédés, dont seulement 1 de la maladie d’Alzheimer.

Il y a donc polémique.

Un documentaire de FR3, réalisé en 2010 par Sophie Le Gall (ligne de mire Production) affirme que la poudre d’aluminium utilisée pour filtrer nitrates et pesticides par les distributeurs d’eau « potable » serait responsable de la maladie d’Alzheimer.

Revenons à nos boues rouges.

On aurait tort de nous croire à l’abri en France :

L’usine du groupe Rio Tinto, située à Gardanne rejette 200 000 tonnes de boues rouges dans la Méditerranée.

Le groupe se veut rassurant, affirmant que les résidus stockés ne sont plus toxiques, et se trouvent sous une forme solide. Sauf que ces déchets stockés ne représentent que 20% de ce qui est produit, et que le reste est dilué avant d’être versé dans la mer, au large de Cassis.

Le tunnel de déversement fait 47 km de long, et libère sa dangereuse cargaison à 320 mètres de profondeur.

Ce manège dure depuis 40 ans, et devrait s’arrêter en 2015, aux termes d’un engagement pris entre « Rio Tinto » et Pechiney, l’ancien exploitant du site.

On s’interroge dans les milieux environnementaux des retombées pour les humains, les animaux, les plantes, et on s’étonne qu’une enquête épidémiologique n’ait jamais été réalisée pour savoir s’il y a dans ce secteur un nombre croissants de malades d’Alzheimer. lien

A part ce site, le groupe Rio Tinto possède d’autres sites, celui de st Jean de Maurienne, en Savoie, (avec sa production annuelle de 136 000 tonnes), et celui de Dunkerque (250 000 tonnes annuels). lien

Chantal Jouano affirme que les boues rouges envoyés dans la Mer du Nord à 7 km des cotes de Dunkerque dans une « fosse sous-marine » ne présentent pas de danger pour la faune en place. On ne demande qu’à la croire. lien

Mathilde Ontato qui habite à moins d’un kilomètre du site de Gardanne s’inquiète des poussières de boues rouge qui recouvrent quotidiennement sa terrasse. lien

Car comme disait mon vieil ami africain :

« Quelque soit la taille de la pirogue, elle peut toujours chavirer ».

L’image illustrant l’article est tirée de elmoujahid.com


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