Le labo lāche le magot

par Pharmaleaks
mercredi 4 juillet 2012

L'information ne mérite pas plus d'une simple phrase défilante sur BFM-TV dans la rubrique "économie". Le géant pharmaceutique GlaxoSmithKline va payer 3 milliards de dollars pour mettre fin à des poursuites judiciaires aux Etats-Unis.

Attendez... Rubrique "économie" ? Pourquoi pas "santé" tout simplement ? Mais qu'ont-ils donc fait pour être condamnés à l'amende la plus importante de tous les temps ?

Même constat dans la presse écrite. Le Monde éclaire à peine davantage notre lanterne :

GlaxoSmithKline était accusé d'avoir fait la "promotion illégale de certains médicaments, de ne pas avoir dévoilé certaines données liées à la sûreté (des médicaments) et d'avoir fait de fausses déclarations sur les prix", a indiqué lundi le département de la justice américain dans un communiqué. "Il s'agit du plus gros accord à l'amiable d'un groupe de santé dans l'histoire des Etats-Unis et du plus gros versement par un groupe pharmaceutique", a commenté le département. "Cet accord est le résultat de négociations qui ont mené à un accord de principe en novembre 2011. GSK fera des paiements qui totaliseront 3 milliards de dollars et qui sont couverts par les provisions existantes et seront financés par des réserves de liquidités existantes", a commenté le géant pharmaceutique dans un communiqué.

Le nom des médicaments n'est pas dévoilé. Dans un enthousiasme "Freudien", le journaliste s'extasie devant "le plus gros accord", "le plus gros versement"... et nous rassure car heureusement ces 3 milliards sont "couverts par les provisions existantes et seront financés par des réserves de liquidités existantes".

Inutile de stresser les marchés, la firme ne déposera donc pas bilan.

Revenons sur ce scandale à l'américaine.

Comme souvent dans ce type d'affaire, c'est dans la langue de Shakespeare qu'il nous faut rechercher les informations pertinentes.

Le communiqué "Associated Press" se montre déjà un peu plus explicite : "GlaxoSmithKline to pay $3B for health fraud". Cette fois-ci on nous parle de fraude sanitaire. Le premier paragraphe est plus virulent que le texte économique du Monde : "la plus grande indemnisation pour fraude sanitaire de toute l'histoire américaine pour des violations pénales et civiles impliquant 10 médicaments consommés par des millions de citoyens".

Côté "accroche", c'est du grand Hollywood !

Tout a commencé en 2003 grâce au courage et à la pugnacité de deux lanceurs d'alerte : Greg Thorpe et Blair Hamrick, deux visiteurs médicaux de la firme. Inutile de vous dire qu'il leur est arrivé quelques misères comme c'est malheureusement souvent le cas. Allez savoir pourquoi, les grandes entreprises n'aiment pas les lanceurs d'alertes...


Le communiqué nous apprend tout d'abord que la firme pharmaceutique GSK plaide coupable. Faute avouée, mi-pardonnée. C'est un bon début. Elle aurait donc promu illégalement 2 antidépresseurs.

Le premier, le Paxil (paroxetine) commercialisé sous le nom de Deroxat en France aurait été promu illégalement pour une utilisation sur des enfants et des adolescents de 1998 à 2003.

Glaxo plaide ensuite coupable pour avoir promu le Wellbutrin, un autre antidépresseur comme coupe-faim de 1999 à 2003. Tiens donc ! Les Etats-unis auraient-ils eux aussi leur Médiator ? La molécule du Wellbutrin est le bupropion, une amphétamine, qui s'appelait autrefois l'amfebutamone. La firme GSK a semble-t-il eu plus de succès que Servier en son temps pour faire changer ce nom chimique très évocateur de l'amphétamine.

En France, la revue Prescrire se bat depuis des années contre cette molécule commercialisée chez nous dans le sevrage tabagique sous le nom de Zyban. Nous avions déjà eu l'occasion de rédiger un article sur le sujet il y a quelques mois.

Selon l'article du Los Angeles Times, Glaxo incitait les médecins à le prescrire à des doses un peu plus musclées que la normale pour obtenir l'effet coupe-faim ou une certaine efficacité dans les troubles sexuels. Ah ? parce que ça marche également pour ça ? C'est tout l'intérêt des amphets, ça donne la fr... pêche !

Ils ont également promu le cet antidépresseur comme traitement des addictions et de l'hyperactivité.

Revenons à nos lanceurs d'alertes. La direction Générale de Glaxo n'a que moyennement apprécié que ces deux zigotos viennent troubler cette rente juteuse.

Selon Associated Press, elle a fait pression sur Thorpe pour qu'il démissionne et Hamrick s'est fait virer peu de temps après. Thorpe a ensuite expliqué au juge que des avantages ont été payés aux médecins pour qu'ils prescrivent "hors indication", notamment chez l'enfant.

L'histoire se finit bien pour les deux lanceurs d'alerte qui toucheront une partie de l'argent provisionnée dans les 3 milliards de dollars.

A ces scandales se surajoutent de sombres histoires de malversations financières concernant le prix des médicaments au dépends des organismes de protection sociale.

Ah ! Et les juges reprochent également à GSK d'avoir oublié de déclarer les effets secondaires cardiovasculaires de son antidiabétique Avandia, retiré du marché chez nous en 2010. Cet antidiabétique est soupçonné d'avoir causé aux Etats-Unis 83 000 infarctus.

La liste des charges est encore longue : Advair (traitement antiasthmatique commercialisé chez nous sous le nom de Seretide), Lamictal,...

Il faut dire que pour 3 milliards, on peut s'en faire pardonner des choses !

Et chez nous ? La presse classe cette "anecdote" dans la rubrique "économie" et la classe politique se mue dans un silence suspect. Les actions de lobbying de la firme porteraient-elles leurs fruits ?

Vu l'avalanche de scandales américains qui ne manquera pas tôt ou tard de déferler sur nos côtes bretonnes, GSK a intérêt à blinder ses positions. Ca tombe bien puisque Hervé Gisserot, directeur général de GSK France, est pressenti pour succéder à Christian Lajoux à la tête du LEEM (Les Entreprises du Médicament), le porte-parole auprès des autorités françaises de toute l'industrie pharmaceutique. Nous sommes tellement impatients de le voir à l'antenne nous parler d'éthique et de déontologie.

Allez ! Le changement, c'est ... euh... ça arrive !

Source :

GSK paie une amende record de 3 milliards de dollars aux Etats-Unis, Le Monde, 02/07/2012

"GlaxoSmithKline to pay $3B for health fraud", associated Press, 03/07/2012

Le Zyban, (encore) une amphétamine qui cache bien son nom...

GlaxoSmithKline to pay $3 billion healthcare fraud settlement, U.S. says

Le Club Avenir de la Santé : 23 années de lobbying pharmaceutique intensif


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