Le nouveau code du travail arrive en mai, gardez l’ancien !

par carnac
lundi 31 mars 2008

Ne jetez pas votre ultime exemplaire 2007 du code du travail, il pourrait demeurer fort longtemps d’une très grande utilité.

On nous l’avait promis, le nouveau code "toiletté" devait être plus aisé à manier dans sa conception et devait se faire à "droits constants".

Déléguée du personnel, j’étais saisie il y a un mois d’une demande d’explication sur ce que l’on appelle "le droit de retrait" et comme notre entreprise dispose également d’un "CHSCT" (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), j’entreprenais de mettre à jour les deux fiches afférentes à cette problématique de la prévention par les salariés eux-mêmes des accidents du travail et des maladies professionnelles dans l’entreprise.

Je n’ai qu’un conseil à vous donner : gardez précieusement votre dernière édition de l’ancien code du travail car il va y avoir une recrudescence des litiges !

En effet, l’usager des règles du travail que vous êtes, aura plus de mal qu’auparavant à connaître tant ses droits que ses obligations dans l’entreprise.

La nouvelle nomenclature est une véritable rente de situation pour les métiers juridiques !

Un seul exemple suffira à illustrer mon propos : parmi les consultations obligatoires du CHSCT on relève qu’il y a celle relative au programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.

On relève immédiatement qu’en lieu et place d’un unique article issu d’une loi, puisque référencé "L", à savoir l’article L236-4 , on se doit désormais d’en connaître trois de type législatif :

et deux de type réglementaire :

La consultation des deux fiches mises à jour pour le droit de retrait et pour le rôle du CHSCT vous permettra de constater que l’exemple donné vaut pour nombre d’autres dispositions et que l’ensemble du dispositif s’est grandement complexifié.

Gérard Filoche, dans un article publié par le Monde diplomatique au mois de mars 2008, relevait qu’aux 271 subdivisions du code du travail initial (ce qui était déjà trop) s’en sont substituées 8190 et qu’aux 1891 articles initiaux s’en sont substitués 3652 !

Il n’est pas certain non plus qu’avec la déclassification de 500 textes d’origine législative (référencés "L") en textes réglementaires (référencés "R"), situation illustrée par l’exemple précité, nous demeurions conforme à la règle initiale d’une recodification "à droits constants".

Comparer l’ancien et le nouveau code du travail va donc être un travail préliminaire lors de tout contentieux : en effet si les textes ne sont pas parfaitement identiques, il y a fort à parier qu’il y aura des tentatives de modification de la jurisprudence actuellement admise et qu’il faudra argumenter sur l’ordonnance de recodification "à droits constants" pour obtenir le maintien d’une jurisprudence issue de l’ancien code du travail.

Reprenons l’exemple de notre système de prévention des accidents et maladies professionnelles en entreprise pour rappeler qu’il repose notamment sur une concertation entre employeurs et salariés.

Il s’avère que tous les seuils sociaux imposant la désignation de représentants du personnel sont passés en classification réglementaire ce qui veut dire que leur modification pourra désormais intervenir, en dehors de tout débat parlementaire, par simple décret.

Le rapport Attali préconise un seuil de 100 salariés pour la mise en place d’un comité d’entreprise et donc d’un CHSCT au lieu du seuil de 50 aujourd’hui pratiqué.

La CGPME voudrait, quant à elle, se défaire des délégués du personnel qui font office de CHSCT jusqu’à 25 temps plein alors que le seuil est de 11 salariés à temps plein actuellement.

Ce sont là deux signes avant-coureur d’une déréglementation qui ne peut qu’avoir des répercussions néfastes sur la santé au travail.

Rappelons qu’en France, en 2005, la branche "Accidents du travail et Maladies professionnelles" de la Caisse nationale d’assurance-maladie a indemnisé 1,4 million d’accidents du travail dont près de 700 000 ont donné lieu à un arrêt de travail.

En 2003, près de 35 000 cas de maladies professionnelles ont été reconnus en France. En 1998, seuls 15 000 avaient été déclarés.

Alors que les organisations syndicales, face à ce gâchis, revendiquent la mise en place de CHSCT de bassin d’emplois, précisément pour couvrir le nombre considérable de salariés de petites entreprises qui ne peuvent actuellement s’exprimer sur leurs conditions de travail, le gouvernement ne cesse de contourner les dispositifs existants.

Il en est ainsi dans les pôles de compétitivité où, par le jeu de la "mise à disposition" sur des sites de recherche de salariés qui ne relèvent plus des dispositions protectrices de leurs entreprises d’origine, on laisse sans représentation des salariés travaillant dans des domaines hautement sensibles comme les nanotechnologies. (Voir les questionnements des salariés du pôle Minalogic.)

Dans un tel contexte, la détermination du seuil de mise en place d’un CHSCT par voie réglementaire et non législative n’est évidemment pas neutre.

Autre difficulté notoire, la question de la durée du travail, car cette durée a évidemment des incidences sur la santé au travail.

Comme je l’avais indiqué dans un précédent article force est de constater, statistiques à l’appui, qu’il y a un écart d’espérance de vie moyen de 7 ans entre un cadre qui part à la retraite et un ouvrier.

Il y a donc un certain cynisme à offrir à ces derniers de « travailler plus pour gagner plus » sauf à vouloir que, perdant la vie avant la retraite ou peu après, la masse des « sans-grade » ne pèse pas sur le financement des retraites de ceux qui n’ont pas connu la « pénibilité » du travail.

Or, qu’observe-t-on ? la durée légale du travail figurait dans le livre II relatif aux conditions de travail de l’ancien code car cette durée était considérée sous l’angle de la santé. Ce domaine est désormais abordé sous la rubrique salariale.

Comme le relève Gérard Filoche « la durée maximale du travail doit-elle être encadrée selon les besoins biologiques, sociaux, collectifs des salariés ou laissée aux seules exigences de productivité des employeurs ? »

Au moment où les organisations syndicales constatent qu’au terme de 5 ans de tergiversations patronales (2003-2008) il est impossible d’aboutir à un accord sur la prévention et la réparation de la pénibilité du travail, la nouvelle nomenclature du code du travail ne peut que susciter des interrogations sur l’idéologie qui la sous-tend.


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