Le phénomène « nolife », la pathologie de demain ?

par C.G.
jeudi 16 août 2007

Le terme « nolife », que l’on peut traduire en français par « sans vie », apparu il y a quelques années sur internet, désignait au départ les mordus des jeux vidéo en réseaux tels le mondialement célèbre World Of Warcraft offrant des univers parallèles en constante évolution. Mais depuis quelques temps, le terme « nolife » revêt une tournure beaucoup plus préoccupante puisqu’il définit un individu totalement accro à son ordinateur et partiellement ou entièrement « déconnecté » de la réalité. Le phénomène qui se cantonnait auparavant aux adolescents s’est progressivement élargi à toutes les classes et catégories sociales de la population. Quelles sont donc les causes et les conséquences de ce nouveau phénomène d’asservissement ? Existe-t-il des traitements adaptés ?

Le phénomène "nolife" implique comme l’agoraphobie un mécanisme de défense par évitement des situations stressantes générées par le monde extérieur. Cependant, si l’agoraphobe souffre d’une peur panique des espaces libres et des lieux publics, il sera soulagé d’engager une conversation alors que les cas les plus extrêmes de nolife refusent toute implication relationnelle et préféreront ainsi sortir en pleine nuit pour éviter tout contact et possibilité de communication même gestuelle.

Les causes d’un tel phénomène trouvent comme souvent leurs sources dans l’enfance. Les traumatismes familiaux, les brimades vécues à l’extérieur, une sensibilité exacerbée, la pression sociale et familiale exercée dès la scolarisation, les normes esthétiques, sociales à respecter sont autant de raison qui peuvent pousser un individu à se retirer complètement de la société. L’individu ainsi privé de confiance en soi va alors s’isoler, à l’abri des regards et des jugements, s’enfermer dans sa chambre des heures durant et trouver dans les jeux vidéo en réseau sur internet, un moyen privilégié de communication anonyme, un exutoire à sa souffrance, un univers parallèle bien plus rassurant que le monde extérieur.

En effet, ces jeux dont le but est de devenir le meilleur vont permettre au nolife de prendre sa « revanche » sur sa vie en lui offrant en quelque sorte une nouvelle naissance comme dans Second Life où il peut non seulement choisir l’apparence physique de son avatar, mais aussi retrouver une forme de sociabilité par l’entremise des clans et tribus qui existent dans de tels jeux. Sa vie par procuration, dont il a toutes les cartes en mains, va alors peu à peu remplacer sa véritable existence. Par le biais des épreuves qu’il réussit, il va chercher à briller et à obtenir la reconnaissance, voire l’admiration des autres joueurs, en compensation de la considération non obtenue dans la vie de tous les jours. Il va même pouvoir accumuler des "richesses" virtuelles en grande quantité (pièces d’or, objets rares) qui vont lui accorder une importance accrue.

Mais ces heures passées devant l’écran de l’ordinateur ne sont pas sans conséquence et affectent à la fois l’entourage et l’individu "nolife". Cette coupure du réel va ainsi engendrer des incompréhensions, voire une implosion de la structure familiale, susciter des interrogations, des moqueries, des échecs scolaires ou professionnels. Les liens affectifs, amicaux, sociaux risquent de se dissoudre. La santé de l’individu est également en jeu puisque, tout à ses parties, il va négliger son hygiène pour ne pas perdre de temps et même mettre parfois en péril son équilibre alimentaire en oubliant, volontairement ou non, de se nourrir. Des comportements agressifs vont aussi se développer accentués par la souffrance et la solitude. Enfin, le nolife retranché sur lui-même va peu apporter à la société, consommant peu et ne produisant rien pendant de longs mois pour se consacrer à sa passion maladive, son énergie accaparée par un passe-temps finalement peu constructif pour son développement personnel.

Le cas extrême du nolife est incarné par les hikikomori, jeunes Japonais, vivant quasi perpétuellement enfermés dans leur chambre, volets fermés (jusqu’à plusieurs années d’affilée pour les plus touchés !) et refusant toute communication avec leurs proches. Ces jeunes, souvent qualifiés d’enfants rois ou tyrans, coupés de la réalité et n’allant plus à l’école seraient ainsi près d’un million au Japon ! Les Japonais, pionniers des jeux vidéo, sont en effet confrontés plus qu’ailleurs à une pression excessivement forte dès leur plus jeune âge que ce soit à l’école où les classements et les concours d’entrée sont légions, ou dans la vie active depuis la récession économique et la fin du « système d’emploi à vie ». Plutôt que d’échouer aux examens ou de faillir dans leur emploi et de subir des humiliations, ils préfèrent ainsi se réfugier dans un monde virtuel, et le "nolife" est considéré au Japon comme une alternative au suicide.

Pour aider le "nolife" à réintégrer la société, une thérapie de longue haleine est nécessaire. Les spécialistes japonais préconisent ainsi une aide psychologique à domicile et la présence d’assistantes sociales pour soutenir des parents souvent totalement désorientés. Les Occidentaux sont, quant à eux, plus enclins à une consultation psychiatrique externe et une approche à la fois sociale et médicamenteuse.

Pour éviter d’avoir à affronter une telle épreuve, il faudrait imposer des horaires stricts de jeu aux adolescents ou les inciter à aller consulter dès les premiers symptômes de mal-être. Le plus préoccupant néanmoins reste l’expansion de ce phénomène qui témoigne d’un malaise général de la société actuelle.


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