Le sens de la maladie

par lephénix
mardi 4 août 2020

Serions-nous prisonniers de nos « compensations symboliques inconscientes » (CSI) ? Voire même habités par un « monstre » qui se chargerait de leur mise en oeuvre au détriment de notre santé ? Un neurologue, le Dr Pierre-Jean Thomas-Lamotte, rappelle qu’on ne peut prétendre soigner les maux du corps sans se mettre à l’écoute des manifestations de l’esprit - et des souffrances silencieuses qui nous taraudent.

La santé est un bien précieux que l'on aimerait pouvoir pérenniser tout au long de sa vie. Mais voilà : il semble plus facile de "suivre le mouvement de forces mortifères" (peur irraisonnée pour sa vie, colère refoulée, etc.) qui affaiblissent la vie que de cultiver et soutenir en nous celles qui la renforcent... Chacun d’entre nous ne participerait-il pas plus ou moins activement et consciemment tant à sa bonne santé qu’à ses maladies ?

Ainsi, un glioblastome (cancer primitif du cerveau) peut-il survenir suite à un besoin de reconnaissance tardivement comblé ? Le neurologue Pierre-Jean Thomas-Lamotte a observé des cas de tumeurs gliales de natures différentes se développant au moment où « le sujet vient enfin de vivre une reconnaissance très attendue après une longue période d’humiliation  ». Ce serait donc au moment où « tout s’arrange » enfin que surviendrait la maladie, par un « bug du cerveau stratégique » ?

Sous ce terme, le praticien désigne « l’ensemble des structures fonctionnelles, cérébrales qui, à chaque instant, régulent l’équilibre psychosomatique du sujet, l’état de santé ou de maladie ». Après des « dizaines de milliers d’heures d’écoute » de patients, le Dr Pierre-Jean Thomas-Lamotte en conclut que la maladie n’est pas un « dysfonctionnement survenant par hasard ou à cause de facteurs de risques  » mais une « Compensation symbolique Inconsciente automatique d’une souffrance intime et d’une culpabilité gardée secrète, inavouée et refoulée ».

La compensation (du latin compensare : contrebalancer, faire un contrepoids) surviendrait alors « comme une nécessité » pour tenter de retrouver un équilibre. La maladie serait une manifestation symbolique et une métaphore. Par ce mécanisme de la compensation symbolique, le cerveau nous détournerait « de la douleur morale vécue dans la réalité vers une douleur physique, équivalent symbolique d’un fort contact souhaité »...

Toute notre vie serait-elle tissée de la « succession d’une multitude de compensations » ? Le neurologue propose des outils pour décrypter « le langage symbolique utilisé par les inconscients pour dire la souffrance, pour dire nos maux et pour les compenser ». Car les souffrances tues peuvent se réveiller à l’instar d’un volcan et se traduire par des pathologies plus ou moins graves...

Le 15 octobre 2011, le CRIDOMH (Centre de Recherce indépendant de l’Origine des Misères humaines) est créé à Lyon afin de favoriser une mise en commun des résultats de recherches portant sur des milliers de patients « écoutés » et « susciter l’émergence de nouvelles pratiques ». Le Jardin des Livres publie les premiers travaux du Dr Thomas-Lamotte, initialement éditées dans le cadre des « Cahiers du CRIDOMH, sur cette relation de cause à effet entre souffrances refoulées et maladies en une inextricable et intolérable intimité.

Le passé compensé

L’être humain n’aurait que rarement l’occasion d’exercer son présumé libre arbitre et de s’affirmer en sujet pleinement responsable : sans le savoir, «  il vit en permanence au passé compensé » : « Chaque instant du présent s’organise en fonction et autour des événements décevants du passé  ».

Or, tout individu sait qu’il ne peut endurer « les blessures de l’âme » ou le « manque de satisfactions : « Ce qu’il ne sait pas, c’est que ces situations de souffrance intime doivent impérativement être racontées, avouées à un tiers pour apporter un soulagement définitif à la tension psychique créée. L’être humain doit se décharger de ses fardeaux en conscience, en les nommant. »

Pour le Dr Pierre-Jean Thomas-Lamotte, la « confidence de nos souffrances peut influencer et même changer le cours des choses ». Décrypter et verbaliser nos maux permettrait d’en finir avec cette accumulation de souffrances qui sature l’air du temps : « depuis qu’il existe, l’homme pollue abondamment l’univers en y déversant sa culpabilité  ». La CSI n’est pas un « retraitement efficace de cette culpabilité mais un leurre qui la recycle sous une autre forme pour mieux la propager dans l’espace et dans le temps ».

Le praticien se livre à un véritable travail de détective, rassemblant les différents indices symboliques pour aider le patient à dénouer ses culpabilités et confier une souffrance inexprimée afin de favoriser une guérison de lésions traumatiques se fixant sur tel ou tel organe d’élection – notamment ceux servant à l’échange, au passage et à l’ouverture sur l’extérieur. Dans tous les cas, souligne-t-il, « il s’agit de retrouver ce que le sujet n’a jamais dit à personne » afin de lui permettre de redevenir seul pilote et « auteur » de sa santé – une « santé triomphante » si possible... C’est aussi le rappel d’une évidence pressentie par les pionniers de la médecine psychosomatique : la réalité humaine est faite d’une substance indissociablement corporelle et psychique.

 

Dr Pierre-Jean Thomas-Lamotte, Comment notre inconscient nous rend malades lorsqu’on se ment à soi-même, 246 p., 24 €

La compensation symbolique – comprendre les hasards de la vie, Le Jardin des livres, 320 p., 25 €


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