Les déficiences du service de santé québécois

par mappamundi
mercredi 12 juillet 2006

Mourir ou ne pas mourir au Québec ? Question sensible pour tout immigrant... Le Québec m’a accueilli depuis douze ans. Dans des enquêtes avec mes étudiants de l’UQAM auprès des immigrants qui résident à Montréal, la question délicate du lieu d’enterrement montrait le degré d’appartenance à une communauté. Où reposer pour l’éternité ? L’immigration choisie devrait évidemment conduire à vouloir finir ses jours définitivement dans le pays d’accueil. Pas si sûr...

Je ne veux pas parler ici au nom de tous les immigrants, et les cas de figures sont certes multiples et variés, mais choisir un nouveau pays de son plein gré ne signifie pas qu’on le fasse pour de bonnes raisons ni de façon éclairée.

Alors qu’en France on vante le Québec et on le vend comme une destination miraculeuse à tout bout de champ, à l’usage, le portrait du Québec se teinte pour certains immigrants français de déception, puis de désillusion, et cela peut se terminer mal même par de la rancœur, comme dans l’article de février 2005, paru dans le journal Voir : Maudit Québec.

Ainsi, bien des constats d’immigrants français sur ce bel espace québécois, tant désiré au départ et porteur de trop d’attentes, ressemblent à celui d’Alphajet sur le site décrié Immigrer-contact :


Si cela peut paraître exagéré, on ne peut toutefois pas nier le premier point. La maladie est un sujet extrêmement sensible pour les Français qui s’angoissent d’autant plus quand ils se sentent déracinés ici.

Toutefois, les citoyens du Québec, qu’ils soient pure laine ou immigrants, reconnaissent et déplorent l’état tiers-mondiste de leur système de santé. J’en veux pour preuve un article et les commentaires faits sur Internet sur le site du Journal La Presse de Montréal.

Je vous laisse lire ces phrases publiées concernant les urgences :

« Premier constat, les patients attendent encore trop longtemps sur les civières. La durée moyenne du séjour est de 15,9 heures dans les urgences du Québec. C’est quatre heures de trop, si l’on se fie aux objectifs fixés par le ministère de la Santé.
Dans les pires cas, les patients passent une journée entière aux urgences. À l’Hôtel-Dieu du CHUM, à Montréal, la durée moyenne du séjour est de 28,2 heures. À l’Hôtel-Dieu de Sorel, les patients restent 29,7 heures aux urgences. »

Donc vous avez bien lu : au Québec, il serait normal et légal d’attendre 12 heures pour se faire traiter aux urgences. Cette seule phrase me fait frémir, car cette norme ne me semble pas digne d’un pays riche. Mais vous avez vu qu’à Montréal, à l’hôpital universitaire, on attend plus de 29 heures. Je vous rappelle que si vous émigrez, vous serez probablement comme la majorité des immigrants (plus de 80%) sur l’Île de Montréal ou l’agglomération montréalaise. La moitié des résidents du Québec sont là aussi !

Si bien que l’on peut lire, repris dans les colonnes d’Immigrer-Contact, des commentaires de Québécois sortis de la Belle Province et qui connaissent les hôpitaux français avancer :

J. Grenier


Un des problèmes vient sans doute du fait qu’on ne se compare pas avec l’extérieur du Québec. Imaginez, au Québec, moins de 12 heures d’attente, ça mérite un "A" ! Dites ça aux Français, et ils sortent dans la rue... Ex. : J’ai dû aller aux urgences à Paris il y a quelques années, près de Notre-Dame. J’ai attendu au plus vingt minutes avant d’être soigné. De plus, aucun patient n’attendait sur une civière depuis des heures. Et chez nous, moins de 12 heures d’attente, c’est une excellente performance !

Je vous convie à aller voir le palmarès des urgences du Québec  :

Bien sûr, quand on est jeune et qu’on a une bonne santé, toutes ces considérations sont sans importance. Mais je vous dirai que le problème est tellement criant qu’il touche tout le monde. Un commentaire sur le site du journal La presse est éloquent, ce jeune homme s’était cassé une jambe et il a dû attendre 32 heures pour qu’on s’occupe de son cas... Est-ce admissible ?

Et ce témoignage n’est-il pas encore plus convaincant ?
Eva Dublin
Mon fils (44 ans) est arrivé à l’urgence de la Cité de la santé dimanche le 30 avril vers 13h pour douleur à la poitrine. Après avoir pris un numéro il a été appelé à son tour et l’infirmière lui a fait passer un électro. Puis plus rien. Il a rencontré le médecin qui commençait sa garde de 8h le 1er mai. Prise de sang etc. Il est rentré chez lui à 10h50. (Cela lui prend environ 20 minutes pour se rendre à la Cité). Environ 20h dans une salle d’attente pour voir un médecin. Vers la fin de la nuit lorsqu’un patient était appelé tous les autres criaient des bravos et applaudissaient. C’est au-delà du réel. Ne me dites pas qu’ils ne peuvent pas avoir deux médecins et trois lorsque la situation l’oblige ?

Il serait bon de faire une petite enquête ?

Peut-on oser une comparaison ?

Alors que j’étais en France comme prof invitée, mon beau frère de 59 ans a pris une très forte douleur dans la poitrine alors qu’il faisait son jardin près de Bourg-en- Bresse, un mercredi après-midi. Il a tout de suite consulté son médecin de famille disponible dans son village qui l’a envoyé d’urgence à l’hôpital de Bourg-en-Bresse où on a confirmé le diagnostic d’une attaque cardiaque. Il fallait opérer d’urgence car c’était un rétrécissement coronarien. Comme l’hôpital de Bourg n’est pas équipé pour la microchirurgie, mon beau-frère a été immédiatement transféré en hélicoptère aux services spécialisés de Villeurbanne, où il a été opéré sur le champ. Samedi matin, il était de retour à Bourg pour le suivi post-opératoire. Non seulement tous les soins ont été prodigués avec compétence et célérité, mais en plus tout a été pris en charge par la Sécurité sociale.

Eh bien, je vous avouerai que cela me fatigue de voir comment les Québécois et tous les citoyens du Québec sont traités face à la maladie. Je trouve réellement inhumaines ces conditions, et surtout inacceptables pour un pays occidental.

Vous savez, aimer un pays est un faux problème, on peut adorer un lieu, ses paysages et ses attraits festifs, mais face à l’incapacité d’une société à prendre en charge dignement ses malades, on est en droit de vouloir quitter ce pays. Je ne parle pas là pour les seuls immigrants mais aussi pour les Québécois pure laine. Ils ne s’en privent plus d’ailleurs et j’ai découvert qu’ils avaient créé une page Internet avec forum sur ce sujet : www.quitterlequebec.com

Ils ne partent pas tous à l’étranger, mais déjà dans les autres provinces, car ils savent combien cet ailleurs anglophone n’est pas aussi terrible que le leur susurrent leurs élites de tous bords depuis des lustres.

Ainsi ce témoignage d’un mari québécois perplexe :
Jacques
Ma femme devait attendre 6 mois pour un test disponible à Montréal. A Timmins (Ontario) l’attente fut de moins d’une semaine. On nous demande de se présenter à midi afin de passer le test à 13h. Imaginez, à 12h45, nous étions au restaurant et le test d’une durée de 30 minutes était fait. Un an plus tard, une voisine a vécu exactement la même expérience. Ne pourrions-nous pas gérer autrement ?

Alors certains Français se posent ainsi le problème... Je laisse la parole à un autre membre d’ Immigrer-contact, Micniatis :

Qu’adviendra-t-il avec une maladie grave comme un cancer ? Vous prendrez vos cliques et vos claques pour rentrer en France et vous oublierez d’un seul coup vos week-ends dans les Laurentides ou alors vous êtes prêts à rester et à faire face au manque de moyens des hôpitaux et aux délais d’attente pour vous faire opérer ?

Cela fait réfléchir... mais probablement uniquement si vous passez par là.

Moi, je lui réponds... Non, il n’y a pas obligation à passer par le pire pour réfléchir sur les manquements d’une société. Et si on a un minimum d’empathie on peut comprendre ce que souffrent nos congénères. En même temps, un Français possède un ultime avantage sur un Québécois, il peut retourner en France même après quinze ans passés hors de France. Il pourra transformer son passage au Canada en aventure qui l’aura probablement fait grandir. Écoutez ce qu’en dit Alphajet :

Je réalise seulement maintenant que je n’ai rien fait pour changer la vie en France alors qu’elle ne me convenait pas. J’ai choisi la voie la plus facile : tout quitter. Il m’a fallu un choc culturel pour réaliser cela.
Lorsque je reviendrai, que rapporterai-je ? Je rapporterai l’ouverture vers les autres que j’étais loin d’avoir il y a cinq ans, et une incroyable envie de dévorer l’Europe, mon pays si grand, si imposant par la diversité de ses cultures et de ses paysages.

Et si je me posais la même question... quel serait mon choix ?

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