Les élèves les plus sages qui soient !

par C’est Nabum
vendredi 18 septembre 2015

Le Bonimenteur en Ephad ...

Reconversion réussie

Le bonheur d'une écoute attentive.

Je viens d'effectuer avec mon ami Casimir deux heures de spectacle qui furent un total ravissement. Nous étions conviés dans un EPHAD, une maison qui se qualifiait autrefois de retraite pour évoquer la Loire à nos anciens, ceux qui ont cessé d'être autonomes et qui se retrouvent ici : le plus souvent pour y terminer leurs jours.

La formule ne convient guère en cette maison où la vitalité est au rendez-vous. Si les corps sont un peu fatigués, si quelques têtes perdent parfois leur disque dur, rien pourtant ici ne semble signifier le retour en enfance, la réduction des ambitions et du respect dû à des adultes. Il paraît clair que l'esprit de la maison passe impérativement par ce postulat qui n'est, hélas, pas toujours de mise.

Le public qui a répondu à notre invitation est nombreux ; les femmes y sont majoritaires : ce n'est pas pour nous surprendre. Nous avons prévu un programme de neuf chansons de notre cru autour desquelles je vais improviser, entre récits, explications, contes et interventions drolatiques. Je n'ai rien prévu de particulier : je compte me laisser porter par les réactions du public.

Mon dieu qu'ils sont sages malgré leur grande impatience que débute la séance. Pour les faire attendre, alors que les arrivées s'échelonnent en fonction des difficultés de déplacement des uns et des autres, je leur commente les premiers clichés : des photographies offertes par tous mes amis photographes de Loire, projetées sur un grand écran. Ils reconnaissent quelques lieux, se souviennent d'y être passés ; la rivière est notre fil conducteur, la glace est déjà brisée.

Puis je me lance, prenant la parole à la manière d'un vieux maître d'école qui déraille un peu, qui sort du sérieux nécessaire à sa profession pour s'en aller du côté du raconteur d'histoires. Ils sont attentifs, répondent à mes questions, s'exclament. Ils suivent les explications ; je devine leur désir d'écouter, de ne point en perdre une miette. J'articule, je parle distinctement, le micro est parfaitement réglé : ils me le diront à la fin de la séance.

Immédiatement, ils ont embarqué à bord de notre bateau imaginaire. La première chanson de Casimir va les transporter d'aise : une belle voix, une musique comme dans leur jeune temps, un texte qui veut dire quelque chose. Ce n'est pas très compliqué, c'est certainement la moindre des choses. Ils adhèrent : personne ne retournera dans sa chambre, la terrible sanction qui ne manque pas d'arriver quand le spectacle n'est pas adapté à leurs désirs.

Je reprends la main ou plutôt la parole. Jamais vraiment sérieux, jamais tout à fait conteur, pas vraiment professeur : la nuance est délicate, il faut se laisser porter par leurs réactions, privilégier les sujets qui les font réagir davantage. La classe suit le cours de la Loire, remonte le temps, se laisse prendre par la perte des repères chronologiques, je baigne dans l'uchronie. Ils sont contemporains des Gaulois, ils accompagnent Saint Martin et son âne, ils naviguent sur un coche d'eau en compagnie de Vert-Vert, le perroquet.

 

Nous alternons ; Casimir les enchante, ils frappent des mains, ils s'exclament : « Mon Dieu qu'il chante bien ! ». Ils l'applaudissent puis se remettent à suivre sérieusement la suite de l'exposé sans se priver de rire à mes farces. Deux heures durant, ils vont être accrochés à nos propos. Ils ont laissé passer l'heure du goûter : la plus belle récompense qui soit. L'animatrice me fait signe que c'est l'heure mais une dame me redemande une histoire, une autre veut encore une chanson et tous de ne pas protester et de se laisser mener par le cœur.

La séance se termine, les remerciements ne cessent de fuser, chacun y va alors de son récit, de son rapport à la Loire, des souvenirs de jeunesse au bord de l'eau et son amour de notre rivière. La magie a opéré, ce n'est sans doute pas de notre seul mérite. Il y a véritablement un trait d'union ligérien qui agit à chaque fois ; un besoin impérieux de connaître cette histoire qui fit la grandeur de notre région.

Nous les avons respectés, sans jamais bêtifier, sans jamais abaisser le niveau d'exigence, en nous impliquant sans feindre ni composer dans le souci de leurs attentes. Décidément j'aime ce public ; j'ai sans doute trouvé ma reconversion idéale. Ce sont les plus attentifs et les plus sages qui soient. La grande difficulté réside surtout à se faire connaître de ces maisons, des animatrices et des décideurs.

J'espère que le bouche à oreille fonctionnera et j'ose croire que ce billet contribuera à nous permettre de renouveler cette merveilleuse aventure. Maintenant que je me consacre exclusivement à cette activité, il n'y a pas de raison de se priver de ce bonheur. Merci à eux pour ces deux heures magnifiques.

Ligériennement leur


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