Les hôpitaux sont-ils au bord du gouffre ?
par citoyen
jeudi 18 mai 2006
Depuis le 16 mai et jusqu’au 19, l’hôpital s’expose Porte de Versailles à l’occasion du salon « Hôpital Expo-Intermedica » qui se tient tous les deux ans. C’est l’occasion pour le Blog citoyen de faire un point sur la situation délicate des hôpitaux. En effet, l’analyse des problèmes budgétaires décriés depuis ce début d’année conduit à penser que les établissements hospitaliers sont au bord du gouffre. Les réponses apportées par le ministre de la santé et des solidarités se veulent pourtant rassurantes, et celui-ci a mis en garde mercredi les professionnels de l’hôpital qui dénoncent les conditions budgétaires difficiles des établissements. Néanmoins, lors des questions au gouvernement, mercredi 17 mai à l’Assemblée nationale, le député Olivier Jardé (UDF, Somme) a interpellé le ministre de la santé sur la situation budgétaire difficile des hôpitaux, qui seraient « au bord du gouffre » avec un déficit de 1,5 milliard d’euros. Alors, qui faut-il croire ?
La manifestation Hôpital Expo-Intermedica rassemble 800 exposants de tous les secteurs liés au monde hospitalier, autour de six zones thématiques : administration et gestion, logistique, plateau technique, informatique et NTIC, gérontologie, soins et hébergement. Ce sont 26 000 visiteurs sur quatre jours qui sont attendus. Vous l’aurez compris, il s’agit de l’une des plus importantes manifestations ayant pour thème l’hôpital. Alors, si le monde de la santé vous intéresse, comme professionnel ou comme simple citoyen, n’hésitez pas à venir y faire un tour.
Cette année, ce salon est organisé dans un contexte difficile. Alors que les Français ont récemment confirmé leur attachement à l’hôpital (cf. sondage TNS Sofres réalisé pour le compte de la FHF), les professionnels de santé, que ce soient les médecins récemment en grève (cf. article du NouvelObs, ou de l’Humanité), les directeurs ou les entreprises sont inquiets de l’évolution du contexte budgétaire engagé en ce début d’année 2006, et sont particulièrement à l’écoute de toutes les informations que les personnalités invitées et présentes sur le salon pourraient apporter.
C’est ainsi que Claude Evin, ancien ministre et actuel président de la FHF, s’exprimant devant le ministre de la santé, Xavier Bertrand, est revenu longuement, dans son discours d’inauguration, sur la politique budgétaire actuelle conduisant à une « insécurité financière » des établissements de santé et participant au « remodelage du paysage hospitalier par la pénurie ». Il faut dire que ses propos ne semblent pas affectés par une exagération de la situation, si nombreux apparaissent les établissements hospitaliers à devoir présenter un budget 2006 en déficit, voire à rejeter le budget qui leur est présenté. Ainsi, Claude Evin a souligné qu’après un premier recensement, il apparaissait que « 158 hôpitaux dont 18 centres hospitaliers universitaires (CHU) ont évalué leur compte prévisionnel d’exploitation en déficit, pour un montant cumulé qui atteint plus de 400 millions d’euros. » Claude Evin a dit attendre « avec patience mais vigilance la concrétisation des intentions » du ministre de la santé, lequel a indiqué la semaine dernière que les crédits, tels qu’ils sont prévus, seront bien affectés aux hôpitaux sur l’ensemble de l’exercice. Claude Evin a également critiqué le rapport du Pr Guy Vallancien sur la restructuration de la chirurgie, notamment en raison de l’accent mis sur le seul secteur public, et conduisant à une « simplification dangereuse » entre sécurité et proximité des soins (Retrouvez plus détails sur le site de la FHF)
Quant au ministre de la santé et des solidarités, Xavier Bertrand, il s’est engagé à faire un point « sur la situation budgétaire des hôpitaux au cours de la première quinzaine de juillet », et de préciser que tous les crédits correspondant à la progression de 3,44% fixée pour les dépenses hospitalières en 2006 « n’ont pas encore été délégués ». Il a néanmoins appelé l’hôpital à participer à « l’effort de redressement » des comptes de l’assurance maladie. Lorsqu’on analyse les situations budgétaires des établissements hospitaliers, ce type de discours relève quasiment de l’injonction paradoxale.
Il convient de préciser qu’un grand nombre d’établissements hospitaliers sont contraints de présenter un budget prévisionnel 2006 en déficit. Ainsi, le CHR d’Orléans a présenté un budget avec un déficit prévisionnel de 1 million d’euros, obligeant la direction à prévoir un plan d’économie pour satisfaire aux exigences de retour à l’équilibre. C’est également le cas du CHU de Rouen (déficit prévisionnel de 15 millions d’euros), de celui de Besançon (déficit prévisionnel de 13,3 millions d’euros), de celui de Strasbourg (déficit prévisionnel de 11 millions d’euros), de celui de Toulouse (déficit prévisionnel de 15,3 millions d’euros), de celui de Nice (déficit prévisionnel de 3 millions d’euros). L’un des rares à faire exception est le CHU de Poitiers, avec celui de Nîmes, puisque l’exercice budgétaire 2005 s’est même conclu avec un excédent de plus de 9 millions d’euros sur un budget de l’ordre de 316 millions, ayant permis de présenter en 2006 un budget en équilibre.
Ces situations budgétaires tendues ne sont pas spécifiques aux établissements les plus importants, loin s’en faut. On peut ainsi citer le Centre hospitalier d’Elbeuf, qui demande une enveloppe de 2,8 millions d’euros à l’ARH pour couvrir le déficit prévisionnel 2006. Même chose pour le Centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet qui a demandé des moyens supplémentaires pour assurer le fonctionnement de l’établissement à hauteur environ 3 millions d’euros.
Dans d’autres établissements, notamment en psychiatrie, les conseils d’administration sont allés au bout de la logique en votant contre le budget présenté. C’est le cas du Centre hospitalier Paul Guiraud de Villejuif.
On comprend mieux, au vu de ces éléments, les inquiétudes formulées par les représentants des personnels hospitaliers, dont la Fédération santé FO, sur des diverses propositions et rapports ciblant les personnels hospitaliers comme sources d’économies.
Ces éléments de difficulté sont souvent méconnus du grand public bien que concernant chaque citoyen. Aussi faut-il saluer l’annonce faite par Claude Evin de la décision de la FHF d’informer le grand public sur le fonctionnement des hôpitaux publics via un portail Internet « hopital.fr » qui devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année.
C’est dans ce contexte particulièrement tendu que la Cour des comptes préconise, dans son rapport sur les personnels hospitaliers, l’accélération des restructurations hospitalières pour mettre fin aux irrégularités visant à pallier la pénurie démographique de médecins. La haute juridiction précise ainsi que le recours à des remplaçants médicaux dans des conditions irrégulières s’est récemment aggravé « sous l’effet conjugué de l’augmentation du nombre de postes vacants dans les hôpitaux et des dispositions sur le temps de travail qui ont réduit le temps médical disponible tout en augmentant le temps libre des praticiens hospitaliers ».