Les médecins sont aussi dépendants de l’industrie pharmaceutique que le fumeur de sa cigarette

par Luc DUSSART
lundi 12 janvier 2009

Pour ce qui concerne les aides à l’arrêt du tabac, même si une étude d’envergure mondiale avec toutes les garanties scientifiques possibles montrait que les produits pharmaceutiques sont généralement inutiles, il ne serait pas certain que les médecins ne persisteraient pas à prescrire de nouvelles molécules (et ils l’espèrent bientôt des vaccins). La tabacologie médicale n’est plus dirigée par l’intérêt des fumeurs.

"Les médecins ne sont pas formés à gérer la communication des laboratoires" explique le Dr Philippe Foucras, médecin généraliste et président du collectif Formindep dans l’excellent dossier du journal La Croix en date du 6 janvier dernier Les médecins sont-ils indépendants ?

« L’influence des laboratoires est avérée. Un récent article du New York Times montre comment l’industrie a réussi à “étouffer” les résultats d’un grand essai clinique réalisé en 2002 aux États-Unis. Financé par de l’argent public, cet essai a montré que les médicaments les plus efficaces dans le traitement de l’hypertension étaient les diurétiques, des produits anciens, “génériquables” et très peu chers.

Logiquement, il aurait dû modifier en profondeur les prescriptions des médecins, les incitant à privilégier ces produits au détriment des nouveaux antihypertenseurs, très promus par l’industrie et très onéreux. Or, aujourd’hui, on se rend compte que cet essai n’a eu aucun effet sur les médecins, qui continuent à préférer les produits vantés par les laboratoires. »

Michel Chassang, président de la Confédération syndicale des médecins français (CSMF) lui répond en écho (contre l’évidence !) : "Nous pouvons faire la différence entre information et promotion."
« Il faut être réaliste : sans le financement de l’industrie, plus aucun congrès médical ne pourrait avoir lieu aujourd’hui. Tous les grands congrès internationaux qui font référence bénéficient du soutien des laboratoires. Mais cela ne signifie pas que les travaux qui y sont présentés sont soumis à leur influence. »
A titre d’exemple de la dépendance des congrès nationaux aux financement des firmes pharmaceutiques  le site des actualités des remèdes au tabagisme unairneuf.org dénonçait il y a peu le congrès de la Société Française de Tabacologie SFT : La tabacologie sous influence de la pharmacie, un congrès tronqué. La tabacologie aujourd’hui se résume essentiellement au dosage des produits chimiques censés aider au sevrage, avec l’efficacité que l’on sait...

Comme le faisait remarquer le pr Robert MOLIMARD, fondateur de la Tabacologie médicale en France et coordinateur du DIU de Tabacologie Paris 11-Paris 12 dans la revue Réalités Cardiologiques de juin 2008 (n° 247), un lecteur curieux et attentif du rapport de Smoke Free Partnership Europe “Lifting the smokescreen, 10 reasons for a smokefree Europe” y trouvera dans les soutiens qu’il a reçus de quoi nourrir ses réflexions quant au rôle des perspectives de profits commerciaux dans le déferlement actuel des législations répressives.
La Conférence Europe sans fumée organisé par le comité d’organisation de ce rapport avec le parrainage de GlaxoSmithKline et Pfizer s’est tenue le 2 Juin 2005 à Luxembourg sous les auspices de la La Présidence luxembourgeoise de l’UE.

La conférence a réuni au niveau européen pour la première fois, les organisations de santé, des chercheurs et des représentants des employeurs des secteurs public et privé européens, les syndicats, les inspecteurs de la santé au travail, la Commission Européenne et les hommes politiques pour débattre des politiques anti-tabac.

Les points clé de l’agenda étaient :
• La fumée secondaire est mortelle (’a killer’)
• Toute personne a droit à un milieu de travail sans fumée
• Les lois anti-tabac sont bonnes pour l’entreprise
• Les lois anti-tabac sont bonnes pour les hommes politiques
• Les lois anti-tabac sont aident les gens à arrêter de fumer

• etc.

Il y a mieux encore (ou plutôt pire) : la conférence mondiale sur le tabac WCTOH, organisée à Bombay dans deux mois avec le soutien technique de l’Organisation Mondiale de la Santé, dépend elle aussi du soutien financier des mêmes généreux ’sponsors’. Le Champix° de Pfizer est le seul traitement non génériqué indiqué pour l’aide au sevrage tabagique actuellement.

En voici la preuve en image (extrait du site de ma manifestation) :

Morale de l’histoire

  1. Les prescriptions médicales sont dépendantes des communications promotionnelles des firmes pharmaceutiques ;

  2. Les firmes pharmaceutiques financent et participent directement à toutes les grandes manifestations relatives à la lutte contre le tabagisme : France, Europe, monde ;

  3. Donc les politiques publiques et les prescriptions médicales sont orientées dans l’intérêt commercial des firmes pharmaceutiques. L’intérêt des firmes est de satisfaire leurs actionnaires, pas les fumeurs, qui sont considérés que comme une source de profits.

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