Maltraitance en EHPAD : lynchage sur ordre et chiffon rouge

par I.A.
mercredi 2 février 2022

En EHPAD, le sous-traitant est majoritairement une femme qu’on appelle auxiliaire de vie. Elle doit faire 10 toilettes en 1 heure (avec change des "protections"), puis lever et habiller les 10 clients en question, faire un peu de rangement, servir à manger et faire manger ceux qui ne parviennent plus à se nourrir seuls. La sous-payée est essentiellement d’origine étrangère. Et la maltraitance qu’elle exerce sur les résidents, c’est essentiellement une absence d’aides ou de soins, par absence de temps. Le ruissellement de haut en bas, souviens-toi.

Lynchage sur ordre, ou perspective de séquence émotionnelle aux relents fétides

Tu le sais pourtant depuis quelques années : celui qui maltraite a généralement été maltraité. Il reproduit le plus souvent inconsciemment les sévices qu’il a vécus ou qu’il vit encore, et qui ont fait ou qui font encore partie de sa vie quotidienne.

Cette violence relationnelle étant nécessairement devenue sa « normalité » à lui, il la perpétue dans son travail sans nécessairement penser à mal. Et c’est sans doute en la restituant, en la renvoyant ainsi, qu’il se fait du bien, qu’il se soulage.

D’amont en aval, tu le sais également, tout ruisselle – la richesse comme la pauvreté, la brutalité comme la gentillesse. Dans un tel contexte, tu devines que la sous-traitance porte formidablement bien son nom : le sous-traitant est celui qui fait le travail demandé à quelqu’un d’autre, le commanditaire en l’occurrence. Un commanditaire qui reflète la marque, qui vante le produit ou l’ouvrage, qui établit le prix et en reçoit le règlement, comme il reçoit les louanges ou les critiques s’il y a lieu…

Le sous-traitant, quant à lui, reste en-dessous. Balayé sous le tapis. Il est mal payé, mal considéré, mal traité.

 

En EHPAD, le sous-traitant est majoritairement une femme qu’on appelle auxiliaire de vie. Elle doit faire 10 toilettes en 1 heure (avec change des protections), puis lever et habiller les 10 clients en question, faire un peu de rangement, servir à manger et faire manger ceux qui ne parviennent plus à se nourrir seuls. La sous-payée est essentiellement d’origine étrangère. Et la maltraitance qu’elle exerce sur les résidents, c’est essentiellement une absence d’aides ou de soins, par absence de temps. Le ruissellement de haut en bas, souviens-toi.

 

À ce sujet d’ailleurs, voici aussi ce que tu devines confusément depuis longtemps :

L'usage veut qu’un bas salaire soit le châtiment consensuel pour n'avoir pas suffisamment travaillé à l'école, n'avoir pas été assez audacieux, chanceux ou talentueux. Comme d'habitude, bien qu'officielle, cette pratique n'est jamais formulée telle quelle, et pour cause : c'est une sorte de perpétuité, par condamnation à la survie quotidienne jusqu'à ce que mort s'ensuive. Torturée tout à la fois physiquement et moralement, la sous-payée ne peut que s'abîmer, assujettie qu'elle est à satisfaire ses supérieurs en composant avec la phobie du licenciement, à tenir scrupuleusement ses comptes, à toujours quêter les produits les moins chers pour limiter ses dépenses, à languir de mois en mois après sa paie et d'année en année après ses primes. Vacances courtes et raisonnables, tentations multiples tenant lieu de privations croissantes, jalousies dévorantes sur rancœurs ravalées, plaisirs reportés, soins différés, alimentation régressive autant qu’immodérée, l'altérité à vif, la culpabilité ex æquo avec l'espoir... Épuisée de n'être rien mais cruellement consciente d'être utile aux dures besognes, tout en s'échinant à faire bonne figure sans y parvenir vraiment. Vers le bout du chemin, il y a cette attente convenue de l'accalmie palliative, la retraite enfin, comme un acquittement, et c'est déjà la perspective de la mort – néanmoins presque une délivrance.

Il n’est pas question ici de pardonner ou de ne pas pardonner. Juste de voir d’où vient la maltraitance.

 

Tu risques aussi de te demander pourquoi je te tutoie. Eh bien parce que tu es la foule, tu es le peuple, parce que je te ressemble et que c’est agaçant. Parce que j’ai beau dire, j’ai beau faire, je suis aussi toi.

 

Chiffon rouge, pour « tracter » l’opinion publique loin de l’essentiel

Il serait mieux cependant que tu te demandes ce que vient faire le « chiffon rouge » dans cette histoire. Le chiffon rouge, c’est ce que le toréador secoue devant le taureau pour focaliser son attention. Et à chaque fois, la malheureuse bête fonce tête baissée dans le piège. Le chiffon rouge, c’est toujours de l’émotionnel :

 

Le torero, inévitablement, c’est Macron, son gouvernement, son Conseil Scientifique et les PUPH-de-plateaux-télé. Le taureau, bien sûr, c’est toi, donc moi.

Et ce que tu ne dois pas voir, ce sont ces lits d’hôpitaux – dont soins intensifs – qu’ils ont continué à fermer en 2020 et 2021. Alors, c’est qui, les fossoyeurs ?

 

Pour la petite histoire, le manque de soignants est directement lié au fondamentalisme-covid hospitalier des 3 premières vagues, qui ont vu plusieurs salles ou services reconfigurés pour des soins intensifs. En ce qui concerne les départs définitifs, il est clair que l’on vit mieux pour le même salaire en province, ou qu’on est mieux payé dans le privé (pas besoin de chercher, les boîtes d’intérim sont débordées par les demandes du Public). Pour les absences ponctuelles, il suffit de constater le méli-mélo des ouvertures/fermetures de classes dans les écoles, pour comprendre que les protocoles de tests à tout-va permettent ni plus ni moins aux soignants de rester chez eux – soit pour prendre un peu de repos, soit pour garder le petit dernier dont la classe vient de fermer, soit par respect des protocoles, quels qu’ils soient…

 

Le manque de soignants, c’est donc définitif : il n’y aura désormais plus aucune création de lits dans les hôpitaux publics.


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