Non à la solution finale, légale...
par libertylover
lundi 12 mars 2007
Le 7 mars, le Nouvel Observateur publiait un appel en forme de pétition, signé par 2 000 soignants, déclarant « en conscience, avoir aidé médicalement des patients à mourir... » et réclamant « une révision de la loi dans les plus brefs délais, dépénalisant sous conditions les pratiques d’euthanasie ».
Ce sujet mériterait des développements qu’un simple article ne peut contenir, tant il est complexe et tant il est indissociablement lié à la tragique et indicible finitude de la destinée humaine.
Les
gens qui réclament depuis quelques années à grands cris des lois pour «
médicaliser » la mort sont certainement bien intentionnés. Mais leurs
gesticulations et leur zèle ont quelque chose de terriblement gênant.
J’ai exercé la médecine clinique pendant plus de deux décennies et vu,
hélas, la détresse de beaucoup de malades, jeunes ou vieux. J’ai vu sur
leur visage l’empreinte atroce de la douleur et perçu dans leur regard
la peur et le désespoir qui les habitaient. Pourtant, à travers ces
misères j’ai cru discerner parfois une étrange grâce, une sorte
d’apaisement, de détachement devant l’infini tout proche.
Aussi,
bien que fermement opposé à certains acharnements thérapeutiques
insensés, bien qu’étant ardemment convaincu qu’avant de songer à
guérir, le devoir des soignants est avant tout de soulager, même au
risque de raccourcir l’espérance de vie, je ne peux me résoudre à
imaginer la légalisation de l’euthanasie.
Ensuite parce qu’on conclut à mon sens un peu vite la question du libre choix de la personne concernée. Les pétitionnaires imaginent leur attitude légitimée « parce que le malade souhaitait en finir » et vont souvent jusqu’à envisager que chacun puisse anticiper ce choix avant d’être dans la situation où il se pose vraiment.
Mais de quel choix parle-t-on ? Selon quels critères peut-on juger qu’il soit objectif, même si le malade est pleinement conscient ? Et dans ce cas, imagine-t-on l’état d’esprit d’une personne plongée dans une situation de dépendance totale mais aussi d’inutilité, d’absurdité, de vanité absolue ? Tout bien pesé, en quoi est-ce différent du désespoir d’un suicidant ? N’évoque-t-on pas d’ailleurs en pareil cas la notion de « suicide assisté » ? Et cet anéantissement moral est-il inéluctable et irréversible ?
Tout étant relatif en ce bas monde, on peut dire par exemple que la situation du désormais célèbre Vincent Humbert n’était guère différente de celle du non moins fameux astrophysicien anglais Stephen Hawking.
Peut-être
aussi, dans de telles situations, sous-estime-t-on le poids réel que
fait peser consciemment ou non sur l’individu concerné, l’attitude de
son entourage, pour lequel la situation paraît souvent au moins aussi
intolérable. A moins qu’il ne soit animé d’un amour assez intense pour
continuer de voir une valeur inestimable à ce qui reste de vie et lui
conférer, malgré tout, un souffle d’espoir...
A bien y regarder, ne
sommes-nous pas confrontés à une alternative aussi indécidable que le
fameux « Choix de Sophie » ? Celui laissé par un officier nazi
diaboliquement « bien intentionné », à une mère horrifiée, de désigner
celui de ses deux enfants qu’elle souhaitait voir échapper à la
déportation et donc à une mort quasi certaine...
Il
faut ajouter que les moyens utilisés pour aider médicalement des
patients à mourir ont parfois de quoi faire frémir. La fin programmée
des jours de Vincent Humbert ne fut pas le résultat d’un simple arrêt
des thérapeutiques ni celui de la prescription massive de médications
destinés à « soulager les souffrances » mais, comme l’a rappelé le
procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, « de l’administration
de Nesdonal et de chlorure de potassium, pratiquée par le médecin sous
forme de deux injections successives » (il s’agit à peu de chose près,
de la procédure employée pour exécuter les condamnés à mort aux USA).
On ne saurait oublier le cas de Terry Schiavo
aux Etats-Unis, plongée dans un état végétatif chronique à la suite
d’un accident cérébral et pour laquelle l’attitude préconisée par ceux
qui voulaient « interrompre ses souffrances », consistait ni plus ni
moins à « interrompre l’alimentation artificielle ». Ce qui signifiait
en clair qu’on la condamnait à mourir de soif et de faim !