Pour les « pauvres », entre 2019 et 2023, 1 seul fruit ou légume par jour est suffisant selon le Haut Conseil de la Santé Publique
par Abolab
lundi 26 avril 2021
Alors que les confinements successifs ont entraîné une récession économique et une explosion de la précarité et de la pauvreté partout dans le monde, n'allez pas chercher plus loin afin de savoir pourquoi la France est dans le top 10 des pays avec le plus de mortalité en matière de COVID : les institutions de Santé Publique sont également au top... mais dans un univers où l'on marche sur la tête. En effet, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a des objectifs particulièrement "ambitieux" en ce qui concerne la santé de la population et notamment en ce qui concerne les "personnes en situation de pauvreté". Tellement "ambitieux" que les objectifs sanitaires pour 2019-2023 sont non seulement en régression par rapport aux communications nationales et aux avis scientifiques internationaux, mais plus indigne encore, sont établis en fonction de la catégorie sociale de la population... organisant ainsi une véritable discrimination sociale, nutritionnelle et sanitaire dans les objectifs affichés de santé publique par les plus hautes instances médicales, et donc dans les politiques qui se basent sur ces recommandations.
En France, dans un pays où il y a plus de vignes (destinées à la production d'alcool, cytotoxique et cancérigène) que de maraîchage ou de cultures de fruits, l'objectif quotidien connu de tous, pour la population, de 5 portions de fruits et légumes au minimum (préférablement biologique) est aujourd'hui considéré comme étant une recommandation sanitaire minimaliste au regard de la littérature scientifique, car une vaste méta-analyse parue dans l'International Journal of Epidemiology en 2017 suggère la nécessité d'au moins 10 portions de fruits et légumes au minimum (au moins 800 grammes) pour commencer à voir des effets bénéfiques sur la santé de la population, notamment au regard des maladies chroniques et des premières causes de mortalité (Aune et al), et ce afin de prévenir des millions de morts.
Cependant, dans l'ANNEXE 3 du Programme National Nutrition et Santé (PNNS) 2019-2023 (page 86), intitulée : "Objectifs spécifiques du Programme national nutrition santé 2019-2023 définis par le Haut Conseil de la santé publique (avis du 9 février 2018)", l'objectif n'est même plus que la totalité de la population française mange au minimum 5 portions de fruits et légumes, mais seulement que la moitié des classes moyennes ou aisées en mangent au moins 5 portions et que la moitié des classes pauvres en mangent au moins 3.5 portions... caractérisant une véritable régression arbitraire des objectifs de santé publique en France et une discrimination des citoyens selon le statut social au regard de leur santé.
Mais l'objectif le plus indigne et écrit noir sur blanc dans le PNNS, imaginé par le Haut-Conseil de la Santé Publique, est que 100% des personnes en situation de pauvreté mangent seulement au moins 1 fruit ou 1 légume par jour...
Fruits et légumes
Augmenter chez les adultes la consommation de fruits et légumes, de sorte que :
80% au moins consomment au moins 3,5 portions de fruits et légumes par jour ;
55% au moins consomment au moins 5 portions de fruits et légumes par jour.
Augmenter chez les adultes en situation de pauvreté, la consommation de fruits et légumes, de
sorte que :
100% des adultes consomment au moins un fruit ou légume par jour ;
50% des adultes consomment au moins 3,5 fruits et légumes par jour.
Cette régression dans les objectifs nutritionnels de la population est scandaleuse d'un point de vue sanitaire car totalement arbitraire et injustifiée, tandis que la distinction de "classe" ou de statut social établie entre population générale et population en situation de pauvreté dans les objectifs du PNNS apparaît comme totalement indigne de la part des institutions françaises, et d'une société dans laquelle "tous les membres naissent libres et égaux en droits" (Constitution), notamment le droit d'accès à une alimentation de qualité et promotrice de la santé.
Le PNNS établit ainsi que les objectifs de santé publique ne sont pas les mêmes pour tous selon le statut social et que la population est globalement sous-nutrie, bien qu'elle ait actuellement accès à une abondance d'aliments caloriques de mauvaise qualité nutritionnelle (nourritures ultratransformées industrielles et produits de l'agriculture animale, déficients en vitamines, antioxydants et phytonutriments et accumulateurs de dioxines et autres polluants organiques persistants).
L'avis du Haut-Conseil de la Santé Publique est particulièrement choquant en cette période de pandémie. Les personnes en situation de pauvreté sont les plus touchées par les maladies chroniques et les comorbidités, et sont également de ce fait les plus vulnérables à la COVID. Cependant, aucune recommandation publique n'a été faite afin d'augmenter la consommation de fruits et légumes dans la population, globalement sous-nutrie, et particulièrement en ce qui concerne les personnes à risque de COVID sévère.
Il est pourtant montré, épidémiologiquement mais également par de nombreuses interventions cliniques, que la mort précoce des personnes vulnérables avec comorbidités pourrait être évitée par une meilleure nutrition, à base d'aliments végétaux peu transformés, riche en légumes (particulièrement), en fruits et à base de féculents (cérales complètes, légumes racines et légumineuses). Une alimentation végétalisée est ainsi une recommandation faite aux médecins pour leurs patients depuis 2013 par la plus grande compagnie d'assurance-santé aux Etats-Unis, car, parce qu'elle est efficace, elle est également économe pour les compagnies d'assurances et la société toute entière, permettant ainsi une meilleure organisation des dépenses publiques et privées relatives aux soins de santé.
L'ignorance du rôle clé de la nutrition dans la préservation de la santé, dans le maintien d'un système immunitaire opérationnel et dans la réduction des coûts de santé publique est intolérable de la part des institutions françaises.
Comme l'affirmait dans JAMA internal medicine le Dr Neal Barnard, qui depuis de longues années recommande une alimentation végétale peu transformée dans la prévention et le traitement des maladies chroniques, "l'ignorance de la nutrition n'est plus défendable", et Sheldon Ungar, dans le British Journal of Sociology, "l'ignorance parmi les individus, les experts et les organisations, est un problème sérieux avec des conséquences potentiellement mortelles", soulignant la "production culturelle et institutionnelle de l'ignorance comme un problème social sous-identifié".
Il apparaît ainsi plus qu'urgent aujourd'hui, en période de pandémie, de conduire des politiques agricoles et de santé publique afin que la consommation de fruits et légumes augmente drastiquement dans la totalité de la population sans distinction de statut social, et avec comme objectif minimal 10 portions de fruits et légumes comme base médicale et sanitaire nutritionnelle, et ce de manière particulièrement urgente dans les EHPAD, dans lesquels les résidents n'ont parfois accès à aucun fruit et légume frais quotidien (zéro), comme cela a été révélé en Alsace et en Bretagne et qui semble être le produit d'une politique systémique nationale de réduction des coûts d'opération au détriment de la santé des personnes vulnérables.
Image : Un oignon par jour pour les personnes en situation de pauvreté - l'objectif sanitaire et nutritionnel ambitieux du Haut Conseil de la Santé Publique pour 2019-2023. (Wikipedia)