Pour une santé solidaire, responsable et humaniste
par bretagnetv
jeudi 9 avril 2009
Un travail de sape de destruction des fondamentaux de la sécurité sociale est mené depuis 20 ans sur la santé
Nous devons reconnaître que les mesures prises par ce gouvernement sont la continuité des politiques de santé menées depuis les années 80. Après 30 ans d’expansion sans compter des forces vives de notre système de santé - doublement du nombre des hôpitaux et multiplication par six du nombre des médecins libéraux entre 1945 et 1975, le tout financé par la prospérité économique des 30 glorieuses - a suivi 30 ans d’une approche gestionnaire dite maîtrise médicalisée (ou comptable diront certains). Ces décennies ont été dominées par la technostructure qui n’ayant pas de légitimité politique ne pouvait pas agir sur les comportements individuels (sur la demande de soins) mais sur un ajustement de l’offre de soins. Ceci a conduit aujourd’hui à une démographie médicale inadaptée aux besoins, à une rémunération horaire des médecins généralistes parmi les plus faibles des pays développés, à un réseau hospitalier public en déliquescence et à une espérance de vie sans incapacité parmi les plus faibles des grands pays européens. Pendant ce temps, les pays Scandinaves, l’Angleterre, l’Allemagne et bientôt les Etats-Unis ont revu en profondeur leur système de santé pour l’adapter aux nouveaux défis du XXIeme siècle.
La rénovation du système français est une vraie priorité nationale et devrait reposer sur le triptyque de la solidarité, la responsabilité et l’humanisme.
Pour une santé solidaire
Le premier dogme de la sécurité sociale - un système financé par tous en fonction de ses moyens et qui profite à chacun en fonction de ses besoins – ne correspond plus à la réalité en France pour la santé. Les inégalités face à l’accès aux soins sont chaque jour plus criantes en fonction de son niveau de revenus, son réseau relationnel et sa zone géographique. Les déficits chroniques de l’assurance maladie sont une menace à court et à long terme au fonctionnement solidaire du système de santé, et donc du maintien de la sécurité sociale. Laisser fonctionner notre système dans une culture du déficit entraîne inéluctablement à terme le déremboursement de soins et la non prise en charge par la collectivité de thérapies nouvelles et innovantes. L’Allemagne a démontré qu’une gestion régionale des caisses d’assurance maladie avec une exigence d’équilibre budgétaire était un modèle parmi d’autres efficaces. Il est urgent de renforcer le financement de la base solidaire de soins, celle-ci devant être redéfinie pour exclure les soins sans rapport avec un vrai risque de santé (petits risques) et inclure des actions de prévention (dépistage, vaccination) et de médecine prédictive (tests génétiques). Le système assurantiel privé doit permettre aux particuliers qui le souhaitent de développer un consumérisme médical non restreint sans que cela pèse sur la collectivité, à des entreprises de développer des programmes de prévention afin d’améliorer l’état de santé de leurs salariés. Sa mise à contribution par des taxes aveugles sur son chiffre d’affaires est une ineptie économique puisqu’elle n’a aucun impact sur le comportement des acteurs et donc sur les dépenses. Une santé solidaire nécessite une politique de santé publique centrée sur l’accès universel à la prévention individualisée. La médecine du XXI eme siècle sera axée sur la prévention individualisée, contraire à la culture curative de notre système. Une grande injustice sociale en matière de santé est l’inégalité face à la prévention qui fait qu’aujourd’hui un ouvrier à une espérance de vie inférieure de 6 ans à celle d’un cadre et une espérance de vie sans incapacité très inférieure. Une politique d’éducation à la santé dès le plus jeune âge est indispensable au succès du système. Un accès pour tous à la prévention signifie aussi de faire basculer la rémunération des médecins libéraux de l’acte à 100% vers un paiement basé sur leur performance de gestion de la santé de leurs patients et l’acte. L’Angleterre a démontré qu’un tel modèle en médecine de ville était performant.
Pour une santé responsable
La responsabilisation des acteurs du système passe par une reprise en main du politique sur la politique de santé, lui seul étant légitime car élu démocratiquement pour influencer les comportements. La technocratisation en cours de la santé en France va déresponsabiliser encore davantage les citoyens, adoubés par des propos ministériels utopiques. L’usager du système de santé doit être incité à développer une consommation responsable des soins d’une part et à une gestion responsable de son capital santé d’autre part. La mise en place de nouveaux contrats d’assurance santé donnant un avantage financier à des parcours de soins déterminés pour les maladies chroniques ou la participation à des actions de prévention est un des moyens possibles. Faire contribuer les assureurs privés à la prise en charge les risques courts et les petits risques par l’intermédiaire de contrats d’assurance santé comprenant des franchises élevées pour les plus riches va aussi dans ce sens. Si la prime au comportement est difficile à considérer pour la gestion des risques lourds et longs, elle l’est plus facilement pour les autres risques. Le changement de comportement obtenu sur les petits risques aura une influence significative pour l’ensemble des dépenses de santé. Il semblerait aussi logique qu’une entreprise investissant dans la santé de son personnel puisse avoir un retour financier quant à sa participation au financement du système.
La responsabilisation des professionnels de santé passe par une évaluation sérieuse des pratiques médicales et une diffusion d’informations fiables sur la qualité des soins prodigués. Deux domaines dans lesquels la France a un retard indigne d’un grand pays développé.
Pour une santé humaniste
La santé est le bien le plus précieux de tout individu et le maintien en bonne santé dépend en majorité des actions et comportements individuels. La médecine est plus un art qu’une science. Contrairement aux lois universelles de la physique qui guident la pratique des ingénieurs, il y a très peu de lois en biologie et biochimie qui informent sur la pratique de la médecine. Les scientifiques commencent juste à comprendre comment notre corps fonctionne, grâce à l’avènement de la recherche sur le génome humain qui décode les incertitudes de notre biologie, de notre destinée et de notre santé. La science qui permettrait aux technocrates de dire aux médecins – qui connaissent tellement mieux leurs patients - comment pratiquer la médecine n’existe pas.
Malheureusement, la loi Bachelot, bientôt soumise au vote du Parlement, va imposer une gestion technocratique, financière du système, sans prendre en compte les évolutions majeures du couple soignant-soigné ces dernières années.
De la qualité de notre système de santé dépend la qualité de vie actuelle et future d’un million de salariés et de 63 millions de citoyens. Notre système est atteint d’une maladie grave qui est encore curable si on la traite immédiatement. Les stratégies thérapeutiques peuvent être discutées mais certainement pas la gravité du diagnostic.
Frédéric BIZARD
Maître de conférences à Sciences-Po Paris
Fondateur & Président de Kiria, 1er site dédié à la santé et au bien-être