Pr. Sophie Gromb-Monnoyeur : « Non à l’omerta sur certains viols »

par Pascal Robaglia
jeudi 9 août 2018

Les pompiers de Paris sont visés par trois enquêtes pour violences sexuelles. Les nouvelles affaires dont est saisie la justice mettent au jour des dérives qui s’opèrent à huis clos dans ce milieu professionnel. L’hôpital Pellegrin de Bordeaux a créé une structure peu connue qui permet d’accueillir les victimes et d’accélérer l’enquête grâce à un statut unissant la santé et la justice. Trois questions à sa créatrice Sophie Gromb-Monnoyeur.

Le tabou du viol et de sa dénonciation est-il supérieur parmi les militaires ou dans des professions très masculines ?

Il est difficile de dire si les agressions sexuelles dans les milieux à grande majorité masculine sont plus importantes (pas de chiffres probants). J’ai eu à connaître des bizutages chez des garçons également.

Mais il existe à mon sens un chiffre noir important car il y a une sorte « d’omerta ». Ces faits existent mais les agissants sont protégés par le silence complice des autres.

C’est en cela que le CAUVA était précieux car il a permis de mettre à jour un certain nombre d’agissements pour le moins indésirables qui n’auraient jamais être judiciarisés.

Qu’est-ce qu’un CAUVA ?

Sophie Gromb-Monnoyeur : Le CAUVA (Centre d’Accueil en Urgences des Victimes d’Agressions), que j'ai créé en 1999 expressément pour venir au secours de ces victimes est un lieu, destiné à recevoir les victimes d’agressions de tout sexe et de tous âges, inclus dans le service de médecine légale de Bordeaux. Entre janvier 2003 et juin 2013, 18 772 dossiers de femmes prises en charge au sein du CAUVA ont été ouverts : 83 % portaient sur des violences volontaires subies par les femmes (15 580 dossiers).

Vous êtes docteur en droit et en médecine. En quoi cette double culture transparaît-elle dans les CAUVA…

Sophie Gromb-Monnoyeur : A la lumière de mon expérience, j’ai en effet souhaité que ces centre bénéficient de procédures originales, validées par la Chancellerie. Ce qui permet d’y initier une procédure pénale lorsque les faits revêtent une particulière gravité à partir des constatations des médecins légistes qui pouvaient saisir un officier de police judiciaire et avertir conjointement le parquet de la mise en œuvre d’une procédure de type « CAUVA ».

Ce modus operandi, resté original jusqu’à ce jour et salué par le Président Macron lors de la journée des femmes de 2018, a notamment permis à certaines victimes d’agressions commises par des personnes ayant autorité de court-circuiter en quelques sortes les homologues des policiers ou gendarmes lorsque ces derniers étaient mis en cause.

En quoi l’accueil dans une structure neutre peut-il aider les victimes ?

Sophie Gromb-Monnoyeur : Le CAUVA a permis à des victimes d’être accueillies au sein d’un milieu « neutre » sur le plan de l’enquête. L’examen était fait par des médecins légistes au premier chef (experts judiciaires) mais des psychologues, assistantes sociales et infirmières leur prêtaient main forte en tant que de besoin. Les victimes pouvaient être examinées et, s’il existait des signes de violence (physique, psychologique ou sexuelle) un dossier était ouvert et conservé dans la structure dans le cadre de conventions extrêmement précises et signées par les représentants des quatre ministères (Santé, Justice, Intérieur et Défense).

Lorsque la victime souhaitait engager des poursuites judiciaires (exclusivement) les éléments pouvaient être versés dans le cadre de l’enquête, y compris des prélèvements de biologie moléculaire qui permettaient de remonter jusqu’à l’auteur présumé.

Sophie Gromb-Monnoyeur est professeur de médecine légale et expertises médicales. Elle est aussi expert près la Cour d’Appel de Bordeaux, agréé par la Cour de Cassation et directeur du laboratoire de médecine légale, éthique et droit médical de l’Université de Bordeaux.


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