Prévention de la délinquance : les députés conduisent le gouvernement à renoncer à l’amalgame

par citoyen
vendredi 10 novembre 2006

Le projet de loi sur la prévention de la délinquance, qui contient des modifications pour les hospitalisations sous contrainte, et après son passage devant le Sénat, sera discuté en première lecture à l’Assemblée nationale du 21 au 24 novembre. Face à la mobilisation des professionnels de santé et des associations de familles, il semblerait que le gouvernement soit prêt à renoncer à l’amalgame créé de fait et de droit par ce projet de loi entre troubles mentaux et délinquance.

Ce projet de loi, adopté en première lecture par les sénateurs le 21 septembre, modifie le régime des hospitalisations d’office en psychiatrie, en donnant aux maires le premier rôle dans les décisions, et en créant un fichier national des personnes ayant été placées en hospitalisation d’office en psychiatrie. Le Blog-citoyen s’est fait l’écho ici (cf. articles : Les acteurs de la psychiatrie en appellent à Jacques Chirac ; Les psychiatres dénoncent l’amalgame  ; Prévention de la délinquance : vous avez dit délinquance ?) des ambiguïtés de ce texte créant de fait et de droit une grave confusion entre les problématiques distinctes que sont la délinquance et la santé mentale.

Les rapporteurs pour l’examen du projet de loi à l’Assemblée sont le député UMP Philippe Houillon (Val-d’Oise), président de la Commission des lois, à titre principal, et le député UMP Jean-Michel Dubernard (Rhône), président de la Commission des affaires sociales, pour certains articles dont ceux relevant du domaine sanitaire.


La nouvelle rédaction adoptée fait disparaître l’expression « hospitalisation d’office » au profit de l’expression « hospitalisation des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public ». De notre point de vue, autant le dire, cette circonvolution n’apporte aucune modification de nature à amoindrir notre inquiétude. On continue à faire l’amalgame entre des personnes délinquantes relevant d’une procédure pénale et des personnes souffrant de troubles mentaux relevant d’une prise en charge médicale. Ce faisant, ce projet de loi contribue à stigmatiser des personnes souffrant dans leur âme, ainsi que leurs familles, sans pour autant apporter de réponse claire à la problématique qu’il se propose de traiter, « la prévention de la délinquance ».

Jean-Michel Dubernard a néanmoins souligné la forte opposition des professionnels de la psychiatrie et des associations de patients à ce dispositif réformant l’hospitalisation sous contrainte, en raison du « risque d’amalgame entre troubles psychiatriques et délinquance ».


Ainsi, les dernières « rumeurs » donnent à penser que les articles litigieux (articles 18 à 24) seraient retirés du projet de loi avec l’accord du gouvernement. Il convient d’être prudent, dans la mesure où nous avions déjà posé la question d’un assouplissement de la position par le Sénat lui-même pour nous faire contredire dès le lendemain. (cf. article sur AgoraVox).

La prudence est d’autant plus de mise que si l’annonce est faite du retrait de ces articles, c’est aussitôt pour indiquer que le vote d’un article habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance pourrait intervenir, laissant un doute sur la suite, en l’absence de véritables débats. Disons-le, notre préférence va au retrait pur et simple de ces articles, dont l’insertion dans un projet de loi relatif à la « prévention de la délinquance » ne repose sur aucune légitimité, d’autant plus que les professionnels de la psychiatrie réclament justement quant à eux une modification de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation.

Nicolas Sarkozy, à l’origine du texte, semble indiquer qu’il est ouvert à toute proposition, sans pour autant se satisfaire de l’annonce du retrait de ces articles ou de la perspective de la voie de l’ordonnance.

De leur côté, les responsables hospitaliers et médicaux se sont montrés satisfaits de cette perspective tout en jugeant qu’il fallait encore attendre confirmation. Pour rappel, une réunion de concertation sur la réforme de la loi de 1990 est prévue avec le cabinet du ministre de la Santé mercredi 15 novembre avec les organisations professionnelles de la psychiatrie (directeurs, médecins, personnels non médicaux) et les associations d’usagers et de familles de patients. Bernard Raynal, directeur du CH Guillaume Régnier de Rennes, président de l’Association des établissements participant au service public de santé mentale, le reconnaît : « Il y a des choses à faire mais pas dans le cadre d’un projet de loi sur la délinquance. Une réforme de loi de 1990 doit se faire dans le cadre d’une loi de santé publique. »


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