Quand la santé se paie comptant
par Michel Monette
lundi 25 juillet 2005
Scandales quotidiens à l’échelle internationale.
L’anecdote serait risible si elle ne témoignait d’une réalité à laquelle des centaines de millions d’êtres humains vivants sont confrontés : en juin dernier, un hôpital du Burundi a détenu un cadavre parce que la famille de la défunte ne pouvait pas payer la facture de son hospitalisation. Pendant ce temps aux États-Unis, pays riche s’il en est un, un accident ou une maladie grave peuvent conduire tout droit à la faillite.
Les Américains doivent débourser directement de leur poche environ 17% des coûts globaux de leur système de santé . Un Américain sur sept n’est pas assuré et des milliers d’Américains pourtant assurés doivent déclarer faillite après avoir été hospitalisés.
Ce qu’il y a de plus tragique dans la situation américaine, c’est qu’elle équivaut à rationner les soins de santé sur la base de la capacité des individus de se les payer ou non.
Tragique car les Américains ont les moyens d’éviter cette situation profondément choquante.
Une situation qui se reproduit dans de trop nombreux pays beaucoup moins riches.
Virage vers la santé communautaire dans le Sud
Pour comprendre l’état des systèmes de santé dans les pays très pauvres, et même dans des pays un peu plus riches, il faut remonter un peu dans le temps. Deux lieux, deux dates sont particulièrement significatifs : Alma Ata (12 septembre 1978) et Bamako (1987).
Au premier endroit, une grande conférence sur les soins de santé primaire marqua un tournant vers la médecine communautaire dans un esprit d’autoresponsabilité et d’autodétermination.
En gros, la plupart des pays issus des anciennes colonies n’ayant pas les moyens de s’offrir les réseaux de santé des pays les plus riches, ils devront se contenter d’une 2CV.
Au deuxième endroit, après avoir constaté qu’ils n’arrivaient même pas à faire rouler la 2CV, les ministres africains de la santé, réunis sous l’égide de l’UNICEF et de l’OMS, ajoutent l’autofinancement communautaire : les patients paieront désormais la prestation et les médicaments.
C’était l’initiative de Bamako.
Soyons tout de même indulgent en reconnaissant que l’initiative de Bamako se voulait plus qu’une simple réforme technique du financement des services de santé. Elle visait à rendre possible l’équité dans la distribution des soins de santé tout en améliorant l’efficacité.
Un modèle qui tarde à démontrer ses bienfaits
Encore
aujourd’hui, la 2CV roule de peine et de misère et de toute façon dans
plusieurs endroits il n’y a même pas de route pour qu’elle puisse y
mener l’infirmière pendant que le médecin soigne comptant - pardon
content - dans la capitale.
Dans une brochure publiée en 2002 par l’International People’s Health Council,
le Dr Unnikrishnan rapporte qu’en Inde seule la dot lors du mariage
provoque plus d’endettement dans le monde rural que les frais médicaux.
Médecins sans frontières constate sur le terrain que le paiement de frais médicaux par les patients est de plus présents dans les pays en voie de développement.
Au Burundi, la fin de la guerre civile a signifié le passage de l’aide humanitaire à l’aide au développement, avec comme résultat l’introduction de frais pour les patients. Vivants comme décédés doivent passer à la caisse.
Au Soudan, autre exemple, le paiement direct par les patients a été introduit en 2003 comme mesure obligatoire en échange d’une importante aide américaine. Le gouvernement Soudanais a même forcé les centres de santé soutenus par MSF à introduire des frais pour les soins médicaux qu’ils dispensaient jusque là gratuitement.
La théorie macroéconomique défendue par le FMI est au-delà du réel. Ainsi un pays africain a dû réduire d’autant le budget de la santé après avoir reçu une contribution de 50 millions de dollars du GFATM (Global Fund to Fight Aids, TB, And Malaria), rapportait en 2003 le Health Systems Resource Centre, un organisme britannique rattaché au DFID (UK Department for International Development). Il ne fallait surtout pas rater la cible macroéconomique !
Pour le HSRC, ce n’est pas nécessairement un problème d’argent. Les patients, dans la plupart des pays pauvres, paient déjà de leur poche les sommes qui permettraient, avec la mise sur pied d’une assurance santé qui remplacerait les frais individuels officiels et non officiels
(la petite corruption quoi) et une meilleure répartition des rôles entre le public et le privé à but lucratif et non lucratif, d’atteindre l’objectif d’Alma Ata : la santé pour tous à travers les soins de santé primaires.
Mais ces pays sont à la merci de donateurs et de prêteurs qui ont décidé que les patients devaient payer une partie des frais de leurs poches. On appelle cela l’aide internationale je crois ?
Combien déjà gagnent moins de 1$ par jour ?
AJOUT (23 juillet) :