Quand la science perd sa crédibilité… devons-nous continuer à avoir confiance ?

par Julien Coblence
mardi 3 décembre 2013

Après avoir émis de virulentes critiques à l’égard d’une etude très controversée, l’EFSA (European Food and Safety Authority) a fait volte-face. En effet, cette institution de sécurité sanitaire a, le 31 Juillet 2013, indirectement validé les travaux du Pr. Gilles-Eric Seralini portant sur l’évaluation du risque toxique potentiel associé à la lignée de maïs NK603, tolérante à l’herbicide RoundUp ainsi qu’au RoundUp lui-même, seul, ou associé à cette même lignée de maïs.

Comme rapporté par le site www.gmoseralini.org, cette approbation indirecte de l’étude du Pr. Seralini est en réalité donnée au travers d’un rapport commandé par la commission européenne au sujet des risques de toxicité de la consommation d’OGM sur le long court. Comment est-ce possible ? A la suite de la polémique lancée par les résultats alarmants de l’étude Seralini montrant des tumeurs inflammatoires terrifiantes faisant suite à l’ingestion prolongée de cette lignée de maïs NK603 développée par Monsanto, l’autorité sanitaire européenne avait pourtant bien écarté d’un revers de main ces résultats. Jugeant la méthodologie de cette étude insuffisante car elle ne « réunissait pas des standards scientifiques acceptables », l’EFSA concluait qu’il n’était pas nécessaire de ré-examiner l’évaluation de sécurité alimentaire du maïs génétiquement modifié NK603 (voir l’article publié par l’EFSA en réaction à la parution de l’étude Seralini du 28 Novembre 2012). Etonnamment, cette instance sanitaire semble avoir la mémoire bien courte car les recommandations méthodologiques pour l’étude toxicologique sur le long terme des aliments OGM, reprennent quasiment exactement le protocole défini par le Pr. Seralini pour la réalisation de l’étude publiée le 19 Septembre 2012 (voir l’abstract de cette fameuse etude).
 
Il est possible de vérifier soi-même cette situation aberrante qui semble invalider d’un trait la crédibilité de l’EFSA en lisant le rapport émis le 31 Juillet 2013 (recommandations émises par l’EFSA pour l’établissement de protocoles pour l’étude de toxicité et/ou carcinogénicité chronique chez les rongeurs avec des aliments complets). Les similarités avec la méthodologie utilisée par l’équipe du Pr. Seralini sont également mises en avant dans un article sur le site GMOSeralini.org ("Seralini validé par les nouvelles recommandations de l’EFSA concernant les études portant sur les OGM à long terme"). 
 
Une nouvelle dans la saga de l’étude Seralini vient de défrayer la chronique. L’étude aurait été frauduleusement retractée du journal scientifique Food and Chemical Toxicology. Effectivement, comme mentionné dans un article de l’éditrice de GMOSeralini, l’étude n’a fait l’objet d’aucun manquement aux 3 principes qui pourraient justifier une rétractation : aucune preuve de fabrication de données ou d’erreur honnête, aucune preuve de plagiat ou de publication redondante et aucune preuve d’un manque d’éthique relatif à l’étude. L’éditeur en chef du journal scientifique, Dr. A Wallace Hayes, admet, dans un courrier à M. Seralini, qu’il n’a rien « d’incorrect » à propos des données présentées dans l’étude. La raison invoquée est que les résultats ne sont pas concluants. Toutefois, Seralini n’emet pas de conclusions et présente simplement les résultats. Concernant l’argument du trop petit nombre d’animaux étudiés, cela non plus ne tient pas la route car il s’agissait d’une étude toxicologique et non de carcinogénicité et n’implique donc pas une grande population d’animaux testés car les résultats toxiques obtenus avec cette population sont si prononcés qu’ils sont statistiquement significatifs. Ainsi, on s’aperçoit que le Dr. Hayes contredit la revue réalisée un an auparavant par ses pairs scientifiques de manière assez irrégulière. Si la méthodologie et les résultats avaient été précédemment acceptés et si aucune nouvelle information n’est venue mettre le doute sur la validité des éléments présentés dans l’étude, rien ne semble justifier sa rétractation.
 
Par ailleurs, l’indépendance de cette décision est remise en cause par l’intégration d’un nouvel éditorialiste au journal scientifique Food and Chemical Toxicology au début de l’année 2013. Le Pr. Richard E. Goodman a été nommé éditorialiste adjoint surtout sur les sujets portant aux biotechnologies. Sachant que ce scientifique a travaillé pendant 7 ans auprès de Monsanto, il semble qu’il y ait un conflit d’intérêt évident. Ajoutant encore du poids à l’hypothèse d’un manque d’indépendance, une autre étude brésilienne démontrant des effets toxiques d’un insecticide similaire à ceux produits par les semences génétiquement modifiées Bt a été rétractée du journal Food and Chemical Toxicology pour être publiée immédiatement après dans un autre journal scientifique (voir l’article "La rétractation de l’étude de Seralini n’est pas légale, pas scientifique et pas éthique")
 
Cet article fait suite à un précédent article proposé par un autre rédacteur d’Agoravox qui, il me semble, n’avait pas présenté l’intégralité des informations concernant ce dossier, notamment en ce qui concerne les recommandations de l’EFSA au sujet des études toxicologiques sur le long-terme. (voir l’article "L’affaire Seralini rebondit")
J’espère que cet article vous permettra de réunir tous les éléments et d’aller consulter les documents (en anglais, malheureusement) relatifs à cette histoire.
 
Pour appuyer le manque de transparence des sociétés à l’origine des semences génétiquement modifiées, on peut également souligner qu’il est difficile pour un chercheur indépendant de se procurer les aliments qui lui permettraient de réaliser une telle étude. Plus encore, s’ils n’ont rien à cacher, alors, pourquoi ne pas étiqueter les aliments contenant des OGM ? 
 
Diffusons l’information de notre salut.

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