Quand les génériques tuent la recherche médicamenteuse...
par ÇaDérange
jeudi 24 janvier 2008
Je m’inquiète régulièrement dans ce blog de la forte montée en puissance des génériques - ce qui en soit est plutôt positif pour l’équilibre de la Sécurité sociale -, mais surtout de l’effet pervers qu’elle entraîne en asséchant les ressources des sociétés pharmaceutiques pour financer leur recherche au moment même ou ces recherches deviennent plus longues et plus risquées. Mon dernier message sur le sujet qui date du 20 décembre 2007 rapportait justement la décroissance considérable des effectifs de ces sociétés qui, même si les licenciements n’affectent pas que des chercheurs, a forcément un impact sur leur nombre.
Un lecteur me signalait que ces médicaments étaient amortis depuis longtemps et que donc il n’y avait pas à s’inquiéter. Désolé mais une société commerciale finance l’avenir avec le présent et la disparition des revenus de ces ventes a et aura un impact direct sur leurs efforts de recherche.
Ci-contre une information complémentaire sur l’ampleur du problème : les médicaments dont les brevets vont arriver à expiration cette année, leurs chiffres d’affaire et les sociétés pharmaceutiques affectées par la fin de ces brevets. Rappelons que l’impact de l’apparition de génériques est finalement beaucoup plus fort que celui qui avait été anticipé et que le chiffre d’affaires du médicament "génériqué" diminue dans les 6 mois de 30 à 50 %. Aux Etats-Unis, les génériques représentent désormais suivant les classes de produits de 60 à 90 % des prescriptions nouvelles !!
Sur l’année 2008, ce sont donc 24 milliards de dollars de chiffre d’affaires qui vont se trouver ainsi soumis soudainement à la concurrence des génériques ce qui va se traduire par environ 10 milliards de revenus en année pleine qui vont disparaître à court terme. Et au-delà, sur les années 2009 à 2012, ce sera encore pire. Tous les grands de l’industrie pharmaceutique, dont le français Sanofi Aventis, vont voir, sur cette période, leur médicament le plus vendu tomber dans le domaine public alors qu’il représente parfois jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires de la société pharmaceutique concernée. Finalement sur dix ans ce sont 140 milliards de dollars de revenus qui vont disparaître.
Les nouveaux médicaments ne se bousculent pas au portillon et la seule voie de recherche dont on attend des médicaments nouveaux est celle des biotechnologies. Pas étonnant donc que vous voyiez les grands de la pharmacie acheter à prix d’or les start-up des biotechnologies. Chacun la sienne pourrait-on dire ! Mais leur réussite technique est loin d’être assurée... Dans ce domaine, les Français ont d’ailleurs déjà loupé le coche puisque sur les 20 sociétés de biotechnologie les plus importantes au monde, aucune n’est française et 18 sont américaines. Un domaine ou la recherche fondamentale est particulièrement importante.
Nous avons donc quelques soucis à nous faire pour l’avenir de la recherche médicamenteuse...
Autre poste touché par les génériques et la réduction des dépenses, celui de la production de médicaments ou nous, Français, sommes cette fois en pointe comme premier fabricant européen et troisième mondial. La baisse des revenus des laboratoires pharmaceutiques se traduit par de rationalisations de production et des implantations nouvelles dans les pays à bas coût de production, Europe centrale, Irlande ou Inde. Au point que 30 000 emplois sont menacés dans ce domaine d’ici 2015. Quant aux génériques, sept sont importés sur les dix les plus vendus en France à la place de médicaments précédemment fabriqués en France. A-t-on jamais pris en compte ce coût social avant de prendre le virage à 180 degrés en faveur des génériques ?