Québec : le financement privé de la santé est un poison

par Michel Monette
mardi 13 novembre 2007

L’ancien ministre de la Santé du Québec et président d’un groupe de travail sur le financement des soins de santé, monsieur Claude Castonguay, va recevoir un cadeau de la part du parti politique Québec solidaire : la dernière publication du professeur émérite à la Harvard Medical School et ex-éditeur en chef du New England Journal of Medicine, Arnold Relman, qui se bat depuis des années contre le financement privé du système de santé des États-Unis.


Il se trouve que Relman a livré un message on ne peut plus clair, en mai dernier, lors de la conférence S.O.S. Medicare 2 : Looking Forward organisée par la Canadian Health Coalition en mai 2007 : laisser les entreprises à but lucratif s’emparer de notre système de santé équivaut à lui injecter du poison.

Déjà en 2002, le Dr Relman qui préparait alors l’ouvrage que va recevoir Castonguay (A Second Opinion : Rescuing America’s Healthcare) était venu expliquer aux sénateurs canadiens à quel point les services de santé privés à but lucratif sont nuisibles. Après plus de vingt ans d’observation, Relman en est venu à une conclusion implacable :

« ...la plupart, sinon la totalité, des problèmes que connaît actuellement le système de soins de santé des États-Unis, et ils sont nombreux, résultent de l’empiétement croissant des entreprises privées à but lucratif et des marchés concurrentiels sur un secteur de notre vie nationale qui est à juste titre du domaine public. »

Délibérations du comité sénatorial permanent des Affaires sociales, des sciences et de la technologie, le jeudi 21 février 2002.

Pour Relman, le système américain possède le double championnat d’être à la fois le plus commercialisé et le plus onéreux, inefficace, inéquitable et impopulaire au monde. Seuls les propriétaires et les investisseurs des industries à but lucratif qui vivent des produits du système sont satisfaits.

Les Américains auront tout essayé : hôpitaux, centres de soins et de services ambulatoires, maisons de soins à but lucratif, et plus récemment, régimes privés d’assurance. Dans tous ces domaines, les entreprises du secteur privé ont échoué à offrir mieux à la société américaine.

Les entreprises du secteur privé offrant des services de santé n’ont pas réussi à offrir à la société les avantages qu’elles faisaient miroiter, avertissait Relman. Là où le privé à but lucratif aura réussi en revanche, c’est dans l’accroissement du coût total des soins de santé et dans les dommages causés aux institutions sans but lucratif.

En fait, le système de soins de santé à but lucratif vampirise l’infrastructure publique sur laquelle doit pouvoir compter un bon système moderne de soins de santé et qui comprend l’éducation, la technologie et les services publics.

Les assureurs privés sont entrés dans le système de santé américain au début des années 1990, en réponse à l’explosion des prix dans le système des soins de santé américain. Les employeurs voulaient se débarrasser des régimes maison qu’ils offraient alors à leurs employés. Le résultat ne s’est pas fait attendre : les coûts ont été gonflés de frais administratifs se situant entre 15 et 30 % du coût total des assurances.

On comprend la récente réaction du président sortant de la Fédération des travailleurs du Québec, monsieur Henri Massé, contre l’idée d’introduire des régimes d’assurance privée pour des soins couverts par le régime d’assurance public. S’il fallait qu’on leur ouvre la porte, la pression va être forte pour que les travailleurs soient tenus d’adhérer à ces régimes.

De plus en plus de services médicaux et hospitaliers sont offerts par des entreprises privées au Québec (les médecins qui les offrent doivent se désengager du régime public et les clients paient le plein coût des soins fournis par ces médecins dans des cliniques privées), mais la demande n’est pas suffisante pour alimenter le marché de l’assurance privée. Le groupe de travail présidé par Claude Castonguay examine la situation et pourrait suggérer que les règles soient assouplies afin de créer un marché pour l’assurance privée.

Ceux qui imaginent Relman en socialiste perverti feraient bien de lire l’extrait suivant de son témoignage devant le Sénat canadien :

« Je crois dans le système capitaliste. Je suis persuadé que les marchés libres sont un mécanisme merveilleux qui permet de distribuer la plupart des biens et services commerciaux suivant les désirs du consommateur et sa capacité de payer. C’est un bon système dans l’ensemble, mais les marchés ne sont tout simplement pas conçus pour assurer efficacement la prestation des soins médicaux, puisque ces soins sont une fonction sociale qui doit être assumée par le secteur public. »

Monsieur Castonguay ferait bien de méditer longuement sur ces paroles.

Le groupe de travail présidé par Claude Castonguay doit remettre son rapport au milieu du mois de décembre 2007.


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