Quelle stratégie face à la consommation d’alcool ? Faut-il renforcer la législation ?
par citoyen
jeudi 14 septembre 2006
A l’occasion du lancement de la campagne « Zéro alcool pendant la grossesse » dont le Blog-Citoyen s’est fait l’écho, le Bulletin épidémiologique hebdomadaire sort un numéro spécial sur le thème : « Alcool et santé en France : Etat des lieux » (beh n° 34/35 du 12/09/2006). Dans ce numéro spécial, le directeur général de la santé, Didier Houssin, ouvre la voie à un durcissement de la législation, notamment au travers de la politique tarifaire. Mais la question de la stratégie à adopter face à la consommation d’alcool ne fait pas l’unanimité entre ceux qui veulent cibler les populations les plus à risques et ceux qui souhaitent une sensibilisation plus large touchant tous les consommateurs d’alcool. A débattre ...
En France, la consommation d’alcool diminue régulièrement depuis plusieurs décennies, mais son niveau global demeure élevé. L’impact de la consommation excessive d’alcool sur la santé en France demeure donc important en termes de mortalité, de morbidité et de dommages sociaux. Avec 45 000 morts attribuables à l’alcool par an, il s’agit de la deuxième cause de mortalité évitable de notre pays (après le tabac). C’est la population masculine qui paie le plus lourd tribut, avec une surmortalité liée à l’alcool de 30 % supérieure à la moyenne européenne. L’alcool a également une responsabilité majeure dans les accidents de la route, avec un risque relatif de plus de 8 de provoquer un accident mortel, d’après une étude française récente. Réduire la consommation globale d’alcool reste le seul moyen de répondre avec efficacité aux enjeux de santé publique posés par la consommation d’alcool.
Dans son introduction au dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire, le Professeur Didier Houssin, directeur général de la santé, s’appuie sur un rapport effectué à la demande de la Commission européenne : il confirme que les stratégies les plus efficaces dans la lutte contre la consommation d’alcool sont celles qui réduisent l’accessibilité à l’alcool et qui impulsent une politique tarifaire et de taxation forte. L’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs présente un intérêt.
Dans le même temps, il est souligné que notre pays s’illustre par une situation des plus jeunes plus favorable qu’ailleurs en Europe, avec moins de buveurs réguliers et une augmentation des quantités bues plus tardive. La loi du 10 janvier 1991, qui vise à protéger les jeunes de la publicité et du parrainage des boissons alcooliques, a sans doute contribué à ce résultat.
Pourtant, la DGS, qui a évalué en 2005 l’application de l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs par une enquête sur les connaissances, opinions et comportements des distributeurs, reconnaît que la connaissance précise de la loi reste très minoritaire, en particulier chez les vendeurs de boissons à emporter (stations-services, épiceries, supermarchés). Or ce sont précisément les lieux d’approvisionnement les plus accessibles pour les mineurs. L’enquête révèle également l’étendue de l’interprétation erronée des boissons qui font l’objet d’un interdit, car dans 37% des épiceries et 38% des grandes surfaces, on pense que la bière et le cidre sont autorisés à la vente aux moins de 16 ans.
Soulignant les limites de ce premier état des lieux, avec le risque notamment de sous-déclaration, les auteurs soulignent que l’enquête a, en revanche, apporté "la preuve des effets aléatoires et parfois néfastes de la complexité de la réglementation". Elle a des effets défavorables lorsque la distinction des boissons du deuxième groupe accordées en consommation sur place pour les mineurs de plus de 16 ans suscite, à l’égard de la bière et du cidre, une permissivité qui, pour certains débitants, concerne également les mineurs de moins de 16 ans.