Refuser le don d’organes

par Max75
vendredi 29 juin 2012

 Le vendredi 22 juin 2012 avait lieu la journée de publicité sur le don d'organes. Impossible d'échapper à la propagande de l'agence de biomédecine, au témoignage radiophonique ou télévisuel du greffé de service qui a par chance survécu et, sur les forums Internet, aux torrents de bons sentiments des geeks de service. Ah que j'aime ce monde de bisounours où tout le monde il est beau, il est gentil...

Mais où était l'information dans cette journée qui se voulait "de réflexion sur le don d'organes" ? Sûrement pas sur le site de l'agence de biomédecine où tout est axé sur la promotion du don d'organes. D'après les lois françaises et particulièrement la loi Caillavet de 1976, votre corps ne vous appartient pas, mais il appartient à l'État qui le met à disposition de l'agence de biomédecine. Automatiquement vous êtes considéré comme un potentiel donneur d'organes au moment de votre mort "théorique" ; mort théorique bien sûr, puisque la définition de la mort légale en France semble être, depuis la circulaire Jeanneney de 1968, uniquement conditionnée par les besoins en organes et tissus de "l'industrie de la greffe" (chirurgiens transplanteurs, labos pharmaceutiques etc.).

Il y a deux manières de mourir en France depuis l'obligation qui nous est imposée de donner notre corps à l'agence de biomédecine pour qu'elle en dispose suivant ses règles à elle. La mort que je qualifierai de classique, celle que nous pensions tous connaître et qui nous paraissait évidente lorsque nous y étions confronté lors d'événements familiaux. D'ailleurs le législateur dans sa sagesse avait jusqu'en 1947 interdit l'autopsie et l'inhumation des cadavres durant une période de 24 heures après la déclaration de décès, au cas où... Heureusement nous sommes encore une majorité à mourir ainsi, normalement en quelque sorte.

Mais il existe une deuxième mort légale depuis une cinquantaine d'années, l'évolution de la technique médicale ayant engendré une industrie de la greffe de plus en plus florissante. Malheureusement un organe mort et nécrosé n'a jamais guéri personne. Seule la transplantation d'un organe vivant peut permettre la réussite d'une greffe. Il fallait donc tordre la réalité de la mort afin de justifier le fait qu'un être humain encore en vie perde tout droit légal et devienne un simple réservoir de pièces détachées, charcutable à volonté. Ce fut l'invention de la notion de mort encéphalique, qui devint effective en France le 24 avril 1968 suite à la circulaire Jeanneney. Circulaire miraculeuse s'il en est, puisque trois jours plus tard le professeur Cabrol effectua la première greffe de coeur française. Songez donc qu'à quelques jours près, au lieu de finir commandeur de la légion d'honneur, il aurait pu être accusé d'assassinat, puisqu'il lui a bien fallu "tuer", au sens littéral du mot, le donneur. Ironie de l'histoire, le receveur Clovis Roblain n'a survécu qu'un peu plus de deux jours à l'opération. On peut se demander légitimement à qui a profité le "crime"...


Depuis 1968 la loi a évolué pour pouvoir fournir de plus en plus de matières premières aux chirurgiens greffeurs. Ce fut l'invention du constat précoce de la mort dans le décret de décembre 1996. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il reste un fait incontournable ; c'est que le diagnostic de mort cérébrale est devenu au fil du temps une simple façon de nier les droits d'un individu encore en vie, si faible que soit la possibilité que son cerveau reparte. Comme tout jugement médical, ce diagnostic est faillible, au point que maintenant les soi-disant morts sont anesthésiés avant d'être découpés en salle d'opération. À croire que ces généreux donateurs deviennent trop remuants une fois morts légalement !

Alors, si vous voulez échapper au moment de votre mort à ces chirurgiens transplanteurs, même si légalement votre corps leur appartient, le législateur a quand même prévu une alternative. Il s'agit du registre national des refus de prélèvement d'organes. Ce registre est géré par l'agence de biomédecine ce qui est pour le moins paradoxal puisque le rôle de cette agence est avant tout de promouvoir le don d'organes. Mais en théorie, les chirurgiens transplanteurs ont l'obligation légale de consulter ce registre avant d'effectuer un prélèvement d'organes. Je dis bien en théorie parce que les proches d'un patient n'ont pas accès au registre national des refus et n'ont aucun moyen de vérifier si le registre a bien été consulté par les soignants et si oui, à quel moment. L'opacité du système est totale et la loi n'a pas prévu de peines si jamais un jour il est avéré que cette consultation n'a pas eu lieu.

Mais malgré tout, autant s'inscrire même s'il n'existe aucune certitude que votre volonté sera respectée. Pour cela vous avez deux solutions sur le site de l'agence de biomédecine.
- Soit vous rendre sur cette page et télécharger le formulaire, l'imprimer et le renvoyer à l'adresse indiquée avec une copie d'une pièce d'identité.
- Soit en vous rendant sur cette page. Vous pouvez commander le document en question à un numéro vert où par Internet pour qu'il vous parvienne à une adresse postale.

Il est dit sur le site que vous pouvez également le demander dans une pharmacie. J'ai demandé à ma pharmacie. Nada.

Je vous conseille vivement de toujours avoir sur vous, par exemple avec votre carte Vitale, le récépissé que l'on va vous envoyer. Les prélèvements à coeur arrêté ayant repris en France depuis quelques années, il suffit que vous fassiez un arrêt cardio-respiratoire persistant sur la voie publique pour que vous deveniez à l'insu de votre plein gré une proie intéressante pour les chirurgiens transplanteurs.


Lire l'article complet, et les commentaires