Trafic d’organes en Chine : de nouvelles preuves

par Catherine Coste
vendredi 11 décembre 2009

Un article publié le 09/12/2009 dans l’Express parle du trafic d’organes en Chine. « Les pratiquants du ’Falun Gong’ sont réprimés en Chine depuis 1999. Ils sont arrêtés, torturés et forcés de renoncer à leur pratique. Ceux qui refusent disparaissent. Et l’on connait désormais le sort qui leur est réservé. » Ce sort, c’est de servir de réservoir d’organes. Le titre de l’article : « Prélèvement sauvage d’organes sur des opposants Chinois » est à la mesure de l’horreur : des prisonniers condamnés à mort et pratiquants du« Falun Gong » sont exécutés pour leurs organes. 40.000 greffes sont pratiquées en Chine chaque année, soit dix fois plus que la France, où entre 4.000 et 5.000 greffes sont réalisées sur une année. Ces opposants à l’Etat-parti chinois, ce sont les pratiquants du « Falun Gong » - un mouvement spirituel qui est "une forme de qigong (exercices énergétiques chinois) imprégné de philosophie bouddhiste. Il fait son apparition en 1992 et rencontre un succès sans précédent. Aujourd’hui, il compte
77 millions d’adeptes dans plus de 114 pays. La Chine est le seul pays où il est réprimé. Depuis 1999, le gouvernement l’accuse de défier le pouvoir. (...) Derrière la répression politique se cache une autre pratique. L’arrestation et la condamnation à mort des membres du ’Falun Gong’ représente pour la Chine un grand marché d’organes humains. C’est également la conclusion que tire David Kilgour, ancien ministre du gouvernement fédéral canadien et auteur d’un livre qui vient de paraître en anglais chez un éditeur Canadien : Seraphim Editions. Son titre : “Prélèvements meurtriers : assassinats de pratiquants de Falun Gong pour leurs organes”. Les auteurs : David Kilgour et David Matas. Ce dernier est un avocat canadien, spécialiste des droits de l’homme, connu pour avoir fait arrêter, juger et condamner d’anciens criminels nazis au Canada. Il n’y a pas que les avocats canadiens qui dénoncent ce trafic, même si ce livre, qui est le résultat d’une enquête qui dure depuis 2006 et apporte 52 preuves, est précieux. Le 3 décembre 2009, des chirurgiens transplanteurs sont venus à l’Assemblée Nationale, pour entendre M. David Kilgour présenter son livre. Ils sont aussi venus dire leur malaise face à ce trafic dont les conséquences se font sentir partout dans le monde, y compris en France.

Le trafic d’organes en Chine est institutionnalisé. Il s’effectue avec la complicité de l’armée. La Chine d’aujourd’hui, c’est un mélange détonnant entre un gouvernement totalitaire et un libéralisme économique effréné. Des avocats canadiens, des médecins et chirurgiens sont venus le 3 décembre 2009 à l’Assemblée Nationale, afin de faire le point, à grand renfort de faits et de preuves, sur le prélèvement sauvage d’organes humains en Chine. Ce matin-là, trois hommes se sont relayés pour nous faire croire à l’incroyable. L’avocat Canadien David Kilgour, le Professeur Francis Navarro, chef du service de chirurgie hépato-digestive et de transplantation au CHU de Montpellier, qui a été enquêter en Chine et qui prépare un livre sur le sujet du trafic d’organes, le Professeur Yves Chapuis, ancien chirurgien transplanteur, membre de l’Académie Nationale de Médecine. Il faudrait ajouter Michel Wu, qui a fui la Chine après Tien-an Men et est devenu rédacteur en chef du service Asie de Radio France International (RFI) : "Le prélèvement d’organes ne date pas d’hier, dans ce pays où législatif, économique et judiciaire ne font qu’un", estime-t-il. "Il déplore le silence honteux des instances internationales qui fait triompher l’économie ’face à l’universalité des valeurs humaines.’ (...) Il y a d’abord eu la dictature prolétarienne. Puis le Petit Timonier a ouvert la boite de Pandore : ‘Enrichissez-vous !’ On connaît la gestion du SIDA en Chine communiste : des paysans pauvres, par villages entiers, se mettent à vendre leur sang, qui est collecté par des cadres du Parti communiste. Des familles entières, pensant améliorer leurs conditions de vie, se trouveront désunies, séparées par la maladie, puis la mort. Ce trafic illicite du sang, c’est l’affaire du sang contaminé en Chine !”

Le contexte :

Le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Manfred Nowak, a demandé une enquête en 2006, suite à des allégations, ou à ce qu’on pouvait supposer comme tel : des pratiquants du Falun Gong – sorte de yoga Chinois visant au développement spirituel du pratiquant, souvent bouddhiste – seraient emprisonnés et traités comme de simples réservoirs d’organes, afin d’alimenter un trafic lucratif. Début avril 2006, la coalition d’investigation sur la persécution du Falun Gong en Chine est établie. David Kilgour et David Matas commencent leur enquête. Depuis avril 2006, ils réunissent des preuves, publient des rapports.

On connaissait les Tibétains …

On connaît moins cette affaire des transplantations forcées, dont les pratiquants du Falun Gong sont victimes. Le Falun Gong consiste en une série d’exercices avec un fondement spirituel. Il a été interdit en Chine en 1999.

… Mais voici un refrain moins connu :

David Kilgour : “Le Falun Gong est essentiellement un ensemble d’exercices ayant un fondement spirituel. Ce mouvement a pris son essor en Chine après 1992. Initialement, le gouvernement a encouragé la pratique comme étant bénéfique pour la santé. En 1999, il était si populaire que le Parti prit peur : et si son hégémonie idéologique, sa supériorité en nombre allaient se trouver concurrencées par le Falun Gong ? Selon une estimation gouvernementale, le nombre de personnes qui pratiquaient le Falun Gong dans toute la Chine est passé de pratiquement zéro en 1992, à 70-100 millions de personnes. La pratique a donc été interdite par le Parti au pouvoir. Les pratiquants ont été invités à se rétracter. Ceux qui ont continué à pratiquer et ceux qui ont protesté contre l’interdiction ont été arrêtés. S’ils se rétractaient après leur arrestation, ils étaient libérés. S’ils ne le faisaient pas, ils étaient torturés. S’ils se rétractaient après avoir été torturés, ils étaient ensuite libérés. S’ils ne s’étaient pas rétractés après avoir été torturés, ils disparaissaient dans le système de détention chinois ou du travail forcé.”

Quelle est la différence entre un Chinois condamné à mort et un Chinois pratiquant du Falun Gong ?

David Kilgour :Les détentions pour cause de pratique de Falun Gong présentent une caractéristique peu commune. Les pratiquants qui, de partout à travers le pays, étaient venus Place Tiananmen à Pékin pour faire appel ou pour protester ont été arrêtés. Ceux qui ont révélé leur identité à leur ravisseur étaient renvoyés vers leur localité d’origine. Leur famille était automatiquement associée à leurs activités de Falun Gong et subissait des pressions pour se joindre au mouvement organisé pour obliger les pratiquants à renoncer au Falun Gong. Leurs responsables au travail, leurs collègues, leurs chefs de gouvernement local étaient jugés responsables et pénalisés au seul motif que ces individus étaient allés manifester à Pékin. Pour protéger leur famille et éviter l’hostilité des personnes dans leur localité, beaucoup de pratiquants de Falun Gong détenus ont refusé de donner leur identité. Le résultat a été une population importante de pratiquants de Falun Gong en prison, dont les autorités ne connaissaient pas l’identité. De plus, aucun de leurs proches ne savaient où ils se trouvaient.”

En Chine, près de 70 chefs d’accusation peuvent conduire à la peine de mort sans aucune forme de procès. Un exemple : la fraude fiscale. Les condamnés sont promenés dans la ville, portant une pancarte autour du cou. Cette pancarte est symbolique : elle symbolise la mort civile de ces individus, qui ont perdu toute identité sociale, puisqu’il y est écrit : “Je ne fais plus partie de la société”.

Prélèvements criminels

Professeur Yves Chapuis, ancien chirurgien transplanteur, membre de l’Académie Nationale de Médecine : “Tout le monde sait cela. Le vendredi soir, des prisonniers Chinois sont exécutés d’une balle dans la tête, le samedi matin ils se trouvent en état de mort encéphalique, et leurs organes sont vendus sur le marché de Hong-Kong”.


[La “mort encéphalique” est un état permettant le prélèvement d’organes à partir d’un donneur décédé “à cœur battant”, c’est-à-dire respirant non plus de manière spontanée, mais grâce à une machine.]

Sur qui prélève-t-on ces organes à des fins de trafic ? Sur des criminels condamnés à mort, ou sur des prisonniers pratiquants du Falun Gong ?

Que l’on soit pour ou contre la peine de mort, voilà qui ne peut être débattu ici. Faire des condamnés à mort d’un pays une source d’organes pour alimenter la vente d’organes dans le monde, ou pour greffer des patients en attente de greffe en Chine n’est tout simplement pas approprié. Il n’est pas nécessaire de se lancer dans un discours contre la peine de mort pour le comprendre. Il n’est pas non plus question de dire : tel condamné ne vaut pas la corde pour le pendre, c’est un vrai criminel, tandis que tel autre a eu le tort de ne pas applaudir au bon moment. La réalité en Chine est la suivante : vrais et faux criminels se trouvent tous deux promus contre leur gré au rang de réservoir d’organes. Redonnons la parole à David Kilgour, qui constate une diminution du nombre de condamnés à mort en Chine, tandis que, pour cette même période, les prélèvements d’organes et greffes continuent.

“Il y a une aversion culturelle en Chine pour le don d’organes et le prélèvement d’organes vitaux à partir de donneurs se trouvant en état de mort cérébrale. Il n’existe pas de système permettant de centraliser les listes de patients en attente de greffe et les potentiels donneurs d’organes, pas plus qu’on ne recherche une quelconque compatibilité entre donneur et receveur, ce qui signifie qu’il y a un énorme gaspillage d’organes.

La seule source importante pour les greffes d’organes en Chine, avant la persécution des pratiquants du Falun Gong, était constituée par les prisonniers condamnés à mort et exécutés. Le nombre de transplantations d’organes en Chine a connu une augmentation fulgurante, peu après l’interdiction de la pratique du Falun Gong. En revanche, le nombre de personnes condamnées à mort et exécutées n’a pas augmenté. (…) Avant le 01/01/2007, la peine de mort pouvait être décidée par des cours de justice régionales, les cours suprêmes du peuple. A partir du 01/01/2007, toute peine de mort décidée par une cour régionale devait être approuvée par la cour suprême centrale du peuple. Ce changement de procédure a eu pour effet de réduire de moitié le nombre de condamnés à mort, selon une estimation d’Amnesty International. La diminution du nombre de condamnés à mort signifiait que moins de personnes condamnées étaient disponibles pour fournir des organes. Selon Amnesty International, le nombre de prisonniers condamnés à mort et exécutés est en 2004 : 3.400 ; 2005 : 1.770 ; 2006 : 1.010 ; 2007 : 470 ; 2008 : 1.718. Les statistiques du gouvernement chinois montrent que le volume des greffes d’organes n’a pas diminué autant que cette source d’organes que représentent les condamnés à mort. Le Registre des greffes du foie de Chine rapporte les chiffres suivants : 2004 : 2.219 ; 2005 : 2.970 ; 2006 : 2.781 ; 2007 : 1.822 ; 2008 : 2.209. [Par comparaison, il y a quelque 900 greffes de foie chaque année en France, dont un tiers pour des cirrhoses alcooliques, 20% pour les hépatites virales et 12% pour les cancers, les retransplantations (après rejet d’un greffon) représentant 9% du total des greffes. Source : http://www.actions-traitements.org/spip.php?breve1575 ; Agence de la biomédecine]. L’année 2007 montre une augmentation des greffes du foie et, dans le même temps, une diminution des exécutions de prisonniers condamnés à mort et un changement dans la loi : désormais les hôpitaux doivent être autorisés par le ministre de la santé à effectuer des prélèvements d’organes, lesquels ne doivent plus répondre à la demande de ’tourisme des transplantations’ (les patients étrangers venant bénéficier d’une greffe illégale) mais à celle nationale. Pourtant, la diminution de greffes de foie en 2007 est loin de correspondre à la diminution des exécutions de condamnés à mort. (…) En 2007, comment la Chine a-t-elle pu maintenir sa réduction du nombre de greffes du foie à seulement -34% face à l’obligation d’avoir une licence pour les hôpitaux non militaires réalisant des greffes, avec une réduction de 53% dans ce que les autorités chinoises prétendent être leur seule source d’organes [à savoir : les condamnés à mort] ? La seule réponse plausible est l’augmentation du nombre d’organes provenant de la seule source d’organes significative : les pratiquants du Falun Gong.” (source)

Que vient faire le Falun Gong dans cette histoire ?

David Kilgour : “Le gouvernement chinois considère que le Falun Gong représente une menace réelle. Les communistes craignent que le Falun Gong puisse fournir une alternative viable à l’idéologie dominante communiste en Chine. (…) La population de détenus qui sont des pratiquants de Falun Gong se trouve avoir la taille suffisante et toutes les caractéristiques d’une grande ‘banque d’organes’. Ils sont le seul groupe de détenus qui puisse expliquer raisonnablement l’augmentation soudaine du volume des greffes entre les années 2000 et 2005. La conclusion de cette thèse est que les organes des pratiquants de Falun Gong détenus sont prélevés de manière systématique pour servir à l’industrie des greffes d’organes en Chine et que cette pratique est une forme industrialisée que prend la persécution du Falun Gong par le Parti communiste chinois.” (source)

A-t-on oublié l’affaire du sang contaminé en Chine ?

Yan Lianke est l’auteur d’un livre bouleversant : "Le rêve du village des Ding" (Amazon). “ Au moment de remettre mon manuscrit entre les mains de l’éditeur, j’ai l’impression de ne pas lui donner seulement un roman mais aussi un ballot de souffrance et de désespoir.” Yan Lianke, Pékin, le 23 novembre 2005. Quelle est l’histoire de ce livre ? C’est l’histoire de centaines de milliers de paysans du Henan contaminés par le sida. “Sous les rayons du soleil couchant, la plaine du Henan est rouge, rouge comme le sang. Ce sang que vendent les habitants du Village des Ding pour connaître une vie meilleure. Mais, quelques années plus tard, atteints de ’la fièvre’, ils se flétrissent et quittent ce monde, emportés par le vent d’automne comme des feuilles mortes. Seul le fils du vieux Ding, qui a bâti sa fortune sur la collecte du sang, continue de s’enrichir en vendant des cercueils et en organisant des ’mariages dans l’au-delà’ pour unir ceux que la mort a séparés. ’Colère et passion sont l’âme de mon travail’, dit Yan Lianke. Son livre est interdit en Chine et l’auteur privé de parole.” (Source : Amazon).

Le trafic d’organes en Chine, un ballot de souffrance et de désespoir ?

Le Professeur Francis Navarro, Chef du service de chirurgie hépato-digestive et de transplantation au CHU de Montpellier : ”Ce que nous, chirurgiens transplanteurs, reprochons à la Chine, c’est d’avoir ouvert la porte au trafic d’organes. Avec le journaliste indépendant Dominique Mesmin, je travaille à une enquête sur la vente d’organes dans le monde (Chine, Pakistan, Pays du Maghreb). Cette enquête paraîtra prochainement sous forme de livre. Il faut avertir la population française : le trafic d’organes est en train de s’installer. La Chine a ouvert les portes de la commercialisation des organes. Ce pays a montré que la commercialisation d’organes est possible, voilà ce que je lui reproche !”.

Professeur Francis Navarro : "D’abord, en Chine, il y a eu les camps de prisonniers du Falun Gong, puis les condamnés à mort. Les sites internet le montrent : en Chine, on peut acheter un rein pour 80.000 USD. Des médecins militaires se chargent de ces prélèvements de reins sur les condamnés à mort, dans la minute qui suit l’exécution. En Chine s’est installée ce que j’appellerais la trilogie ‘peine de mort – condamnation – tourisme de transplantation’. Les Israéliens et les Coréens ont été les premiers patients à bénéficier de greffes en Chine. Je rappelle que dans les pays asiatiques, la pratique de prélèvement d’organes sur donneur décédé à cœur battant (c’est-à-dire maintenu en vie artificiellement, au moyen d’un respirateur) n’existe pas. L’inhumation du corps complet est obligatoire. La Société Britannique de Transplantations a été la première société de transplantation à réagir et à dire que les pratiquants du Falun Gong ont été les premières victimes de ces transplantations forcées. Ont suivi ensuite les condamnés à mort. J’ai réalisé une enquête sur le trafic d’organes au Pakistan, mais il faut bien dire qu’il existe toute une organisation mafieuse de trafic d’organes à l’échelle internationale ! Mentionnons qu’il existe un Prix Nobel américain qui est pour la vente d’organes (lire) ! Est-ce que demain, nous allons parler des organes de la même façon ? C’est une possibilité qu’un jour, un organe soit rémunéré. Dans un Etat américain, il existe, depuis deux ans et à titre expérimental, un programme de rémunération des organes. Ce que nous, chirurgiens, ne pouvons accepter : la pratique du prélèvement d’organes à partir de condamnés à mort. Mais on ne nous écoute pas ! Espérons que le livre de David Kilgour va réveiller les esprits. En 2007, j’ai fait circuler une pétition parmi mes collègues chirurgiens transplanteurs. Le but était de les faire signer, ainsi que les politiques, contre la peine de mort et ses conséquences sur le trafic d’organes en Chine. Mais les choses n’ont pas bougé. La sanction économique ne se fait pas attendre, pour peu que l’on montre certaines pratiques chinoises du doigt … (Source)

 Francis Navarro a découvert ce trafic en 2006. "Nous avions été invités à faire une transplantation en Chine, afin de montrer le savoir-faire français en matière de médecine hépatique. 48 heures avant mon départ, j’ai eu des doutes sur la provenance de l’organe, d’autant que le jour où j’arrivais, des exécutions étaient programmées." "Aujourd’hui, la demande d’organes dans le monde est en constante augmentation. Les sites Internet vendant des coeurs à 190 000 dollars l’unité se multiplient sur la Toile. A tel point que Francis Navarro se demande à quel moment l’éthique fera barrage à ce commerce, on peut tous se poser la question : serai-je un jour amené à acheter un organe, si mon enfant en a un besoin vital ?" (Source : article cité de l’Express).

Des chirurgiens transplanteurs sous pression

Le Professeur Navarro et le Professeur Chapuis ont rappelé que près de 14.000 patients sont en attente de greffe en France. 80 pour cent de ces patients attendent un rein, car ils sont atteints d’insuffisance rénale grave. Pr. Navarro : "Je souhaiterais parler de l’extraordinaire pression que constitue la liste des patients en attente de greffe. En France, nombre de patients sont atteints d’hépatite C (nécessitant une greffe). On estime à 600.000 le nombre de patients non dépistés. Demain la liste des patients en attente de greffe de foie va exploser en France !”. Aujourd’hui, c’est plutôt celle des patients en attente de rein qui a explosé.

"On a mis le doigt dans un engrenage terrible !" (Pr. Yves Chapuis)

Professeur Yves Chapuis, ancien chirurgien transplanteur, membre de l’Académie Nationale de Médecine :

"En tant que chirurgien transplanteur, en activité jusqu’à il y a une dizaine d’années, je n’aurais jamais pensé que ce commerce d’organes prendrait de telles proportions ! Nous autres, chirurgiens transplanteurs, n’avons jamais voulu cela ! Je dois dire que c’est effrayant ! Depuis 10 ans, je réunis une commission d’éthique des droits de l’homme, qui travaille sur le thème éthique et transplantations, à l’Académie Nationale de Médecine de Paris. Je peux témoigner du fait qu’il n’est pas aisé d’aborder le sujet des prélèvements d’organes sur des pratiquants du Falun Gong non consentants avec certains chirurgiens transplanteurs."

Professeur Yves Chapuis : “Il faut parler de la bonne conscience donnée par les responsables chinois en 2008”.

David Kilgour : “Vous voulez parler de cette loi de mai 2007 ?”

Professeur Yves Chapuis  : “C’est exact.”

David Kilgour : “Depuis mai 2007, une loi vient réglementer les greffes, n’autorisant l’activité des transplantations qu’au sein d’hôpitaux pour lesquels une autorisation a été délivrée. Le Ministère de la santé a annoncé qu’à partir du 26 juin 2007, les patients chinois seraient prioritaires sur les étrangers pour l’accès à la greffe. Le Ministère de la santé en Chine a également interdit à toutes les institutions médicales se trouvant sur son sol de répondre à la forte demande du ‘tourisme de transplantation’, c’est-à-dire de pratiquer des greffes sur des patients en attente de greffe venus de l’étranger. Le gouvernement a annoncé en août 2009 que la Croix Rouge de Chine a mis en place un système de don d’organes, même s’il s’agit seulement d’un projet pilote impliquant une dizaine d’hôpitaux régionaux, et non d’un projet à l’échelle nationale. Ces premières tentatives de réglementation demeurent cependant insuffisantes.”

Professeur Yves Chapuis  : “Effectivement, on aurait pu avoir l’impression que l’ordre est rétabli. Nous pourrions être moins mal à l’aise. Or il n’en est rien. Ce n’est pas vrai que les choses ont changé. En Chine, l’organisation des prélèvements d’organes sur des pratiquants du Falun Gong et des condamnés à mort passe par les tribunaux et les hôpitaux militaires. Rien n’a changé ! Voyons les chiffres : 200 à 300 patients recensés en mort encéphalique en Chine. Or y sont effectuées 40.000 transplantations par an, tous organes confondus ! Si vous voulez le détail : 5.000 transplantations hépatiques ; 15.000 transplantations rénales ; 5.000 transplantations cardiaques, ... [A titre de comparaison, on réalise en France entre 4.000 et 5.000 greffes par an, soit dix fois moins qu’en Chine].

En Chine, les institutions de transplantation sont contrôlées par l’armée, ce qui signifie que les chirurgiens transplanteurs sont des personnels militaires. Les hôpitaux qui réalisent des transplantations sont contrôlés par l’armée. Le système est donc bien rôdé, et la loi de mai 2007 ne permet en rien de mieux contrôler la situation ! En Amérique du Sud, la situation du trafic d’organes est mieux contrôlée. Une Magistrate auprès de la Cour Suprême d’Argentine a enquêté et donné ses conclusions récemment. Je rappelle qu’en France, dans la seconde moitié des années 50, les premières transplantations d’organes (des reins) ont été faites en utilisant des condamnés à mort.”

[ Une anecdote quelque peu macabre : les premiers prélèvements de reins effectués en France dans cette situation l’ont été sur des condamnés à mort, guillotinés à la prison de La Santé. Juste après leur exécution, une équipe médicale se précipitait sur eux, afin de remplacer leur sang par des liquides de refroidissement, et une ambulance conduisait à l’hôpital ces "candidats" au prélèvement d’organes (reins)... Source : http://www.canalc2.tv/video.asp?idvideo=6012 ].

Pr. Yves Chapuis : “On a mis le doigt dans un engrenage terrible ! Il y a une attitude ambivalente, une ambiguïté extraordinaire de la part des chirurgiens et des politiques français !”

Vous avez raison, Professeur Chapuis.

En avant-première :

Le Professeur Navarro organise actuellement une conférence internationale sur le trafic d’organes. Elle devrait avoir lieu prochainement à Montpellier.

L’auteur de cet article est la traductrice de David Matas et David Kilgour, pour leur livre : “Prélèvements meurtriers : assassinats de pratiquants de Falun Gong pour leurs organes”. A paraître prochainement !


Lire l'article complet, et les commentaires