Une grève historique pour une profession en mal de reconnaissance

par Nozinan
mardi 16 mars 2010

Le 11 mars dernier les infirmiers anesthésistes, plus communément appelés IADE dans le jargon hospitalier, se sont arrêtés de travailler à près de 85% et ont manifesté à Paris et dans toute la France, perturbant les blocs opératoires français puisque près de 3/4 des interventions se sont vues reportées.

Quelle est cette profession méconnue du grand public ?

L’IADE est un infirmier spécialisé qui a suivi le cursus de base (3 ans) associé à une formation spécialisée de 2 ans sanctionnée par un diplôme d’état. Avant de pouvoir effectuer cette formation plusieurs pré-requis : avoir travaillé en secteur de soin pendant une durée d’au moins 2 ans avant de pouvoir se présenter au concours d’entrée en école d’infirmier anesthésiste.
Il faut donc au minimum 7 années pour former un infirmier anesthésiste...
Cette spécialité est la plus longue de la filière infirmière, (Cadre de santé :10 mois, Puéricultrice : 12 mois, Infirmière de bloc opératoire : 18 mois)

Les IADE ne sont que 7500 sur le territoire français (rappel : 480.000 infirmiers en France).

Quel rôle a l’infirmier anesthésiste :

Les IADE sont les proches collaborateurs des médecins anesthésistes dans la pratique de l’anesthésie et dans l’organisation plus générale de cette activité. 8000 médecins anesthésistes et 8000 infirmiers anesthésistes réalisent annuellement près de 15 millions d’actes anesthésiques.
Eux seuls disposent de l’exclusivité de l’anesthésie.
C’est-à-dire qu’aucun médecin ou infirmier non anesthésiste ne peut réaliser d’actes anesthésiques en France.

Les infirmiers anesthésistes se chargent :

- de la vérification, préparation et entretien du matériel d’anesthésie

- de vous accueillir au bloc opératoire, ou toute autre structure où on pratique l’anesthésie (SAMU, endoscopie...)


- d’effectuer les gestes concourant à l’anesthésie (pose de perfusion, intubation trachéale, ventilation artificielle...)

- d’être le garant de la sécurité du patient anesthésié. Il est aux côtés du patient en permanence.
Il assure de façon autonome la surveillance et la qualité de l’anesthésie, du réveil ainsi que la prise en charge de la douleur post-opératoire.

- de la fonctionnalité de tous les appareils utilisés.

Métaphore  :

L’équipe d’anesthésie est souvent comparée à l’équipage d’un avion avec un pilote (le médecin anesthésiste) et un copilote (l’infirmier anesthésiste). Lors d’un vol d’avion, les risques sont les plus élevés au décollage (endormissement) et à l’atterrissage (réveil). Le médecin anesthésiste est le commandant de bord, mais il est toujours secondé par un infirmier anesthésiste.
Ce dernier assurera seul dans la majorité des cas la surveillance pendant la chirurgie ou l’examen médical, ainsi que la qualité du réveil.
De part sa formation et ses compétences il connaît les gestes adaptés à la situation d’urgence qui se présente à lui, en attendant l’arrivée du médecin.

Ceci est le fonctionnement quotidien des équipes d’anesthésie en France.

Pourquoi la colère de cette corporation ?

L’actuel protocole d’accord du 10 février 2010 a complètement mis le feu aux poudres...
Il prévoit des revalorisations salariales pour les IADE que l’on pourrait qualifier d’aumône,(inversement proportionnelle aux années d’études) en plus de perdre la catégorie active, soit un passage en catégorie dite sédentaire et départ à la retraite à 60 ans contre 55 auparavant.
"Nous nous sentons bafoués, trahis, méprisés" se confient les professionnels. "le différentiel entre un infirmier et un IADE ne sera plus que de 100 euros mensuel, qui ira reprendre deux années d’études difficiles et accéder à un tel niveau de responsabilité pour 100 euros ?!"
"Déjà que notre profession n’est pas attractive, elle le sera encore moins !"
 

Près de 18 questions écrites au gouvernement ont été déposées à l’assemblée nationale et publiées au J.O. par des députés, dont près de la moitié de la majorité UMP. Les élus sensibilisés au problème avouent eux même être abasourdis par ce qui est proposé aux IADE.
 
Fait rare, le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers en Anesthésie Réanimation a lui même appelé tous ses adhérents médecins anesthésistes à soutenir la grève des infirmiers anesthésiste contre la dévalorisation de leur spécialité.
 
LE Jour J
 
Le 11 Mars ce sont 1800 IADE de France qui sont venus manifester devant le ministère de la Santé. A Bordeaux ils étaient 500, à Montpellier 250, à Lyon 800, 250 à Marseille...Ces manifestations ne se sont pas faites sans mal car plusieurs dossiers sont en cours pour assignations abusives de la part de certaines directions d’hôpitaux...
Près de 85 % de gréviste sur le territoire et près de la moitié des effectifs totaux dans la rue !
Près des 3/4 des interventions chirurgicales annulées ou reportées.
Quelle corporation en France atteint des scores de mobilisation aussi importants de nos jours ?
 
Le silence des Médias
 
Même si ce fort mouvement a su trouver un relais dans la presse quotidienne régionale, l’on ne peut que s’interroger sur le silence des médias nationaux. Comment ont ils pu passer à côté de cette information ? A leur décharge l’actualité sociale ce jour là était fournie mais l’absence de relais au niveau national reste impardonnable du fait de son caractère historique.
 
L’ensemble de la profession reste mobilisé et attend avec impatience la réouverture des négociations. Tout les yeux sont rivés à présent sur Madame Roselyne Bachelot, les personnels se préparent tout de même à d’autres journées d’action qui feront, ils l’espèrent beaucoup plus de Bruit.
 

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