0 pour l’élève Chatel

par Lapetiteboite
mardi 7 décembre 2010

Pourquoi il faut supprimer les notes à l’école ?

 "Ce système de notation, et l’obsession du classement auquel il répond, crée, dès l’école élémentaire, une très forte pression scolaire et stigmatise les élèves qu’il enferme, progressivement, dans une spirale d’échec. Démotivantes, ces mauvaises notes sont vécues comme une sanction et n’apportent en rien les clés d’une possible progression." Il y a un mois l’AFEV une associations qui lutte contre l’échec scolaire dans les quartiers difficiles a lancé un appel pour la suppression des notes à l’école primaire. Cet appel, signé par des personnalités comme Richard Descoings, Michel Rocard, ou Marcel Rufo a eu le mérite de ne pas passer inaperçu, sans toutefois provoquer un véritable débat. Luc Chatel a d’ailleurs très rapidement balayé la proposition. Iconoclaste, l’appel de l’AFEV est pourtant loin d’être incongru et mériterait d’être examiné plus en détail.

D’abord cet appel ne milite pas pour la suppression totale des notes, mais simplement le bannissement des notes dans l’enceinte de l’école primaire, ce que font déjà certains pays comme la Finlande. Les adversaires de cette innovation la taxe d’anti-méritocratique, l’accuse de consacrer un égalitarisme de la médiocrité, la pense comme la fin de la sélection qui est un principe éminemment démocratique (la sélection fut mis en place pour mettre fin à la cooptation bourgeoise). Ces arguments paraissent relever du bon sens, mais ils partent d’un postulat de base très discutable à savoir que les notes reflèterait conjointement le travail et les capacités de l’élève. 

Quelle est l’utilité de l’école primaire ? Détecter les génies ? Eliminer les élèves en difficultés dès le départ ? Assurément pas. L’école primaire est faite pour que l’ensemble de la population ait acquis les savoir fondamentaux : lire, écrire, compter. Cela peut paraitre trivial, mais aujourd’hui 25% des élèves ne savent ni lire ni compter correctement à l’entrée en secondaire en France. Dans une économie qui se veut une "économie de la connaissance", la maitrise de tel savoir par l’ensemble de la population est un enjeu décisif si l’on veux démocratiser l’enseignement supérieur, si l’on veut avoir une population qualifiée avec toutes les externalités positives que cela implique.

Supprimer les notes permettrait sans doute de meilleurs résultats et ce pour plusieurs raison. D’abord l’angoisse liée au mauvaise notes et la spirale négative qui en découlerait serait supprimées. Le mal être à l’école est en France à un taux particulièrement élevé, l’élève obtenant des mauvaises notes va alors s’enfermer lui même dans une logique d’échec qui empêche sa progression et dont il est très difficile de sortir ainsi que d’un rejet de l’école. Ensuite les notes sont au centre du système éducatif français, pour les parents, la journée de leurs enfants ce résume à la note qu’il aurait pu avoir. Ainsi, tout les élèves, les "bons" comme "les mauvais" sont focalisés sur les notes au détriment du contenu. Mais il convient de s’interroger sur l’utilité même des notes, si les notes servent bien sur à évaluer, elles servent aussi à sélectionner. Le système scolaire français est un système de sélection par l’échec, d’élimination. Primaire, collège, lycée, universités sont autant de tours de sélection dans lesquelles les moins performants sont éliminés. Si la sélection en elle même n’est pas à remettre en question c’est le moment de la sélection qui doit l’être. Il n’y a pas de notes à l’école maternelle, parce que sa logique n’est pas une logique de sélection mais une logique de transmission, le primaire doit obéir à la même logique.

Par ailleurs les notes à un age aussi jeune, ne reflètent pas toujours les capacités et le travail de l’élève. Ainsi dans ses travaux pierre Merle note quelques régularités statistiques allant dans ce sens. Ainsi les élèves nés en début d’année, les filles en général aurait de meilleurs notes que les autres. Cela montre que d’autre critères comme l’age (chaque mois compte à ce stade) influent sur la note. 

On accusera la suppression de notes de démotiver les bons élèves, "ceux qui veulent réussir", mais on oublie que les notes démotivent un grand nombres d’élèves qui eux aussi veulent réussir. On dira que la suppression des notes consacrera l’abandon de l’exigence scolaire, mais on peut âtre exigeant avec un système d’évaluation non quantifié. On craindra un relâchement général des élèves les notes faisant offices de bâtons et de carottes, mais il y a d’autre manière de sanctionner qu’une mauvaise note. Il y a également d’autres manières de récompenser, mais surtout il y a d’autres système d’évaluation qui permettent d’éviter le caractère démotivant des notes et qui sont plus favorables à la progression de l’élève. Les bons élèves auront ensuite tout le reste de leur scolarité a partir du collège pour prouver à quelle point leur intelligence est coruscante.

Cependant il ne faut pas se tromper de débat, la suppression des notes ne fera pas de miracles. Ce n’est pas uniquement grâce a leur système d’évaluation que les élèves des pays nordiques sont les meilleurs en lecture et en calcul, cette suppression doit s’inscrire dans une réflexion de base de l’enseignement primaire, que ce soit au niveau des programmes ou au niveau des méthodes pédagogiques, dictées ces dernières années par une idéologie rose bonbon qui a montré ses limites. La suppression des notes devra donc sans doute s’accompagner d’une réhabilitation du mot exigence, et de méthode peut être un peu plus conventionnelles.
 
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