5 ans après, toujours plus Charlie
par Laurent Herblay
samedi 11 janvier 2020
Il y a cinq ans jour pour jour, je faisais partie de ceux qui avaient défilé au nom de #JesuisCharlie. Aujourd’hui, j’invite tout le monde à acheter le Charlie Hebdo de la semaine, numéro spécial 5 ans après. Par-delà l’importance symbolique majeure que Charlie Hebdo soit toujours debout aujourd’hui alors que les terroristes souhaitaient sa disparition, l’équipe actuelle y porte un message essentiel sur « Les nouvelles censures » et l’évolution de la liberté d’expression dans nos sociétés.
Un esprit toujours plus nécessaire
Il y a cinq ans, c’est bien la liberté d’expression et le droit au blasphème que des terroristes ont voulu abîmer dans notre pays en allant massacrer sur place la rédaction de Charlie Hebdo, qui fait probablement une utilisation plus important de cette liberté et ce droit, marqueurs courants d’une démocratie. La France s’est levée et s’est retrouvée dans #JesuisCharlie, de l’horreur a paradoxalement jailli de belles choses, une prise de conscience renforcée des horreurs islamistes, de l’importance de la liberté d’expression, et une forme de renforcement de notre communauté nationale. Ce massacre nous a tristement permis de mieux comprendre ce que c’est qu’être français, une partie de nos valeurs, de nos droits, ainsi qu’une farouche envie de les défendre, chose qui aurait sans doute plu à Bernard Maris.
Il faut lire l’éditorial de Riss du 7 janvier où il note justement que « nous avons cru que seules les religions avaient le désir de nous imposer leurs dogmes. Nous nous étions trompés ». Car paradoxalement, depuis cinq ans, un vent mauvais et liberticide souffle dans les grandes démocraties occidentales. Il pointe à raison que « la gauche anglo-saxonne a inventé le politiquement correct pour faire oublier son renoncement à lutter contre les injustices sociales ». On pourrait prolonger en notant les compromissions avec les pires communautarismes, présents à la manifestation dite contre l’islamophobie. Et ici apparaît une tension entre les valeurs de notre pays et celles du monde anglo-saxon.
La France n’est pas la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis : parce que le commun passe avant le particulier, ce dernier est sans doute mieux respecté par ceux qui sont différents. Notre pays refuse fondamentalement les accommodements anglo-saxons avec les obscurantismes communautaristes, qu’ils supposent l’enfermement des femmes dans des tenues qui les séparent du reste de la société tout en marquant un statut inférieur, ou une volonté de censure de tout propos offensant à l’égard d’une communauté, religieuse ou autre. Et si nous résistons au puritanisme, à certaines formes de censure ou à la remise en cause de la place des femmes, c’est un combat de tous les jours.
Comment ne pas être effaré par les volontés de faire taire Elisabeth Badinter, François Hollande ou la représentation d’une pièce tirée du livre de Charb dans des universités, lieu de savoir, comme un écho aux pratiques effarantes anglo-saxonnes ? On pense aussi à la censure de L’Origine du monde par Facebook. Plus récemment, certaines réactions à l’arrivée de Zemmour sur C8, ou la volonté d’Anne Hidalgo d’interdire une campagne publicitaire révèlent un fond peu démocratique et ne sont définitivement pas Charlie. Il est également utile de noter le rôle à double-tranchant des réseaux sociaux, qui peuvent tout autant libérer la parole que donner des armes à ceux qui veulent la restreindre.
Merci à Charlie Hebdo pour tout ce que vous avez fait et ce que vous faites encore. Vous avez payé le prix du sang pour défendre des valeurs fondamentales de notre pays. Merci d’être à la fois un pôle de résistance mais aussi pour votre capacité à réveiller les consciences, faire prendre conscience de certaines aspects essentiels de notre société, et d’être un aiguillon utile au débat public.