80km/h sur les routes, privatisation des radars : liquider la sécurité routière et taxer les français !

par PRCF
mardi 9 janvier 2018

Déploiement massif de radars embarqués mis en œuvre par des sociétés privées et maintenant projet de réduction de la vitesse sur les routes à 80 km/h, le gouvernement a dans son viseur les automobilistes. Il est vrai que le nombre de morts sur les routes stagne (environ 4000 par an) et même s’il poursuit sa diminution (5,8 morts par milliards de kilomètres parcourus en 2016 soit -2% par rapport à 2015 et près de trois fois moins que les 15,6 en l’an 2000) on demeure très loin de l’objectif 2020 fixé par la Commission Européenne à la France d’avoir divisé par deux le nombre de morts sur les routes en France.
Dans le même temps, il n’a pas échappé aux dizaines de millions d’usagers de la route en France que les annonces du gouvernement relèvent toujours d’une même politique de tout répressif, une politique de l’amende et du tiroir caisse : le gouvernement veut une hausse de 25% du montant des amendes collectées grâce aux radars automatique qui devraient ainsi attendre le montant record de près de 850 millions d’euros, soit l’équivalent d’une taxe de près de 20€ par véhicule et par an.
C’est pourquoi nombre de nos concitoyens ne manqueront pas de faire le rapport entre les deux décisions mises sur la table par le gouvernement : diminuer la limitation de vitesse sur les routes et augmenter le nombre de radars et cet objectif de très forte croissance des recettes issues des radars !

Morts sur la route la réalité des chiffres :

A l’opposé des discussions de comptoir, quand on veut parler de sécurité routière, le mieux est d’abord de regarder en face la réalité et pour cela le mieux c’est encore de se pencher sur les chiffres. www.initiative-communiste.fr s’est procuré les chiffres détaillés de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière.

En 2016, il y a eu 59 432 accidents corporels en France, causant 75 127 victimes, dont 3455 morts et 26 568 blessés graves.

Ces chiffres pour terribles qu’ils soient infirment totalement l’idée répandue par le gouvernement qu’il y aurait une augmentation de la mortalité sur les routes de France.
Dans le détail, l’ONISR précise les causes des accidents mortels :
  • la vitesses excessive ou inadaptée est – selon les forces de police – la première cause d’accident mortel (citée dans 31% des cas)
  • l’alcool est citée comme cause principale de 19% des accidents mortels, et 29% des décès interviennent alors qu’au moins un des conducteurs impliqués dépasser le taux légal d’alcoolémie. Les stupéfiants sont cités comme cause principale dans 9%, mais 22% des accidents mortels impliquent un conducteur testé positif
  • Le non port de la ceinture concerne 20% des morts
  • les refus de priorité (13%) et l’inattention notamment liée au téléphone (9%) sont des causes principales importantes d’accidents mortels
  • 14% des tués sur le route le sont dans des accidents impliquant des poids lourds.

La plus grande partie des accidents mortels est causée par les virages (40%) et tout particulièrement S’agissant des lieux d’accident, la majorité des morts est causée par des accidents intervenant sur les routes ( 2188 morts) ou en agglomération (1019) mais en baisse de respectivement 15,9% et 10 ;1% tandis que le nombre de morts sur les autoroutes est plus faible (270) mais en augmentation depuis 2010 (+5,5%). Bien sûr le nombre de morts en lui même ne signifie pas grand chose du risque que représente chacun de ces types de routes. C’est pourquoi nous l’avons rapporté au nombre de kilomètres de chaque type de route. Il apparait ainsi que ce sont les autoroutes et les routes nationales pour lesquels le nombre de morts rapporté à 1000 kilomètres est le plus élevés. En tenant compte du nombre de kilomètres parcourus sur chacun de ces types de voies ( 179, 22 et 384 milliards de km respectivement pour les autoroutes, routes nationales et autres routes respectivement d’après les chiffres du Ministère des transports pour 2017), il ressort que les risques les plus élevés sont sur les routes nationales ( 13,7 morts par milliard de kilomètres parcouru, contre 1,5 sur autoroute, et 7,6 sur les autres types de voiries). On remarquera que la vitesse de circulation bien plus élevée sur autoroutes ne conduit pas à une élévation du niveau de risque tordant le cou au raccourci un peu rapide vitesse = danger. En effet, la conception et l’entretien de l’infrastructure sont également des facteurs importants du risques routiers. A titre d’illustration, le ministère des transports estime qu’un carrefour giratoire – les fameux rond poind – permet de réduire par deux le nombre de morts par rapport à un carrefour classique.

Politique anti populaire ou sécurité routière ?

Privatisation et liquidation de la sécurité routière, c’est comme cela que l’on peut résumer la politique de sécurité routière des gouvernements de ces dernières années. Au tournant des années 2000, après une forte baisse du nombre de victimes sur les routes obtenues grâce à l’important travail de prévention, d’amélioration des véhicules et de l’infrastructure ( suppression et protection des obstacles, création de milliers de carrefours giratoires ou dénivelés etc…), le renforcement des contrôles routiers associé à d’importante

Le rapport 2017 de l’ONISR précise noir sur blanc les objectifs qui doivent être ceux de la politique de prévention routière pour diminuer efficacement la mortalité sur les routes de France :

“L’objectif de réduire de moitié la mortalité routière entre 2010 et 2020 impose d’agir sur l’ensemble véhicule-infrastructure-usagers, utiliser l’éducation routière pour réduire les comportements à risque, et cibler les usagers surreprésentés :

  • les jeunes de 18 à 29 ans, 25,8 % de la mortalité, mais 14,0 % de la population ;
  • les deux-roues motorisés, 21,1 % de la mortalité, 43 % des blessés graves, mais 1,9 % du trafic ;
  • les piétons et cyclistes, 20,7 % de la mortalité, et 26 % des blessés graves. 52 % des piétons tués et 41 % des cyclistes tués ont 65 ans ou plus.
  • les seniors de 65 ans et plus, 25,5 % des tués, et dont la population est en forte augmentation du fait du vieillissement de la génération du « baby boom ». ” ONISR Bilan 2016 – publié en 2017

Aucune de ces priorités ne sont concernées par la première mesure prise par le régime Macron – privatiser et augmenter le nombre de radars automatiques en service, et maintenant réduire à 80 km. Pour autant le gouvernement poursuit dans une politique tout repressive et de diminution des vitesses de circulation qui montre pourtant dans les faits toutes ses limites puisque le nombre de morts sur les routes ne diminue plus franchement. Un ingénieur du ministère des transports, dépités, nous explique qu’au lieu de travailler sur les trois éléments constitutif du risques routiers usagers/véhicules/infrastructures, la politique de sécurité routière qui n’a plus d’interministérielle que le nom puisqu’elle est désormais entièrement confiée au ministère de l’intérieur ne repose désormais plus que sur la chasse aux “infractionnistes”. Une politique du chiffre qui ne se pose pas la question du traitement des causes – y compris en termes d’investissement dan l’infrastructure – mais ne cible que les usagers à travers une pluie d’amende. Une politique dont l’efficacité n’est pas jugée à l’aune de la réduction du nombre d’accident mais de celle de l’augmentation du nombre de PV et des millions rentrant dans les caisses de l’Etat et qui est parfaitement résumé dans les conclusions d’un rapport de 2016 de la Cour des Comptes.

« A l’avenir, ce produit ne devrait plus croître, ce qui témoignerait d’ailleurs de l’efficacité de la politique de “contrôle sanction” en particulier, et de sécurité routière en général ” Cour des Comptes – 2016

Une approche comptable par le nombre de PV qui explique les mauvais résultats de la sécurité routière : dépité, cet ingénieur remarque que l’arrêt de la baisse du nombre de morts sur les routes correspond exactement au moment où la politique de sécurité routière a été transférée aux policiers. On ne peut donc que pointer du doigt le décalage entre les priorités du gouvernement – augmentation du nombre de radars automatiques associée à la diminution de la vitesse sur les routes – et la réalité de terrain. Rappelons qu’en dix ans, la vitesse moyenne sur les routes a nettement baissé, passant de plus de 85 kilomètres-heure en 2004 à 78 kilomètres-heure en 2014 et d’après les chiffres de la sécurité routière les grands excès de vitesse, de plus de 30 kilomètres-heure, sont devenus très marginaux (moins de 0,2 %). Pourquoi donc le gouvernement tient-il à s’attaquer à une diminution de la limitation de vitesse sur les routes au nom de la sécurité routière ? L’exemple de l’Allemagne où la mortalité routière est plus faible et des ses routes limitées à 100 km/h démontre que cette approche punitive n’a pas grand sens. Qui plus est en France, la problématique est plutôt celle de l’augmentation de la mortalité en agglomération et d’usagers vulnérables (piétons et cyclistes. La mortalité sur route hors agglomération a elle diminué de 17% depuis 2010

De fait, et cela tous les rapports le démontrent, ce dont le pays a besoin c’est d’abord d’un investissement dans l’infrastructure et dans l’entretien des routes. La dégradation accélérée du réseau routier national – à mesure que les gouvernements successifs en raison de l’euro austérité ont diminué les moyens des Directions Interdépartementales des Routes – ainsi que du réseau routier départemental – qui comprend l’essentiel du réseau routier depuis le transfert en 2003 de la plupart des routes nationales aux conseils départementaux est en effet alarmante. La liquidation du service public de l’Equipement – de 130 000 fonctionnaires au début des années 2000, il ne compte désormais que moins de 50 000 fonctionnaires avec la liquidation notamment des DDE – n’est pas sans effet sur la capacité à conduire une politique efficace de sécurité routière. Et la casse de ses centres d’expertises et d’ingénierie (Laboratoire Central des Ponts et Chaussée qui transformé en un établissement public l’IFFSTAR est désormais exsangue, la casse du Sétra centre d’expertise des routes et autoroutes prélude à la création il y a 5 ans d’un autre établissement public le CEREMA qui vit une crise sans précédent avec un plan social prévoyant la suppression de centaines d’emplois de spécialistes…) ne va pas améliorer les choses. Pas plus que la privatisation en cours du Réseau Routier National : le gouvernement travaille ainsi dans le plus grand secret à la transformation en une agence des DIR qui ont la charge des routes et autouroutes gérées par l’état et non encore privatisée. Une transformation en agence qui est le prélude, chacun le sait à la privatisation. Un scandale qui viendra s’ajouter à celui de celles des autoroutes par le gouvernement De Villepin il y a une dizaines d’année !

Diminuer à 80 km/h la vitesse sur les routes nationales c’est prendre le problème par le tout petit bout de la lorgnette. En effet, il serait bien plus pertinent de conduire une politique différentiée de limitation de vitesse permettant de réduire de façon plus pertinente les limitations de vitesses dans les zones dangereuses et d’accompagner ces limitations de vitesses d’investissement sur l’infrastructure. L’ingénieur du ministère des transports que nous avons pu interroger nous explique par exempledes mesures ciblées qui ont fait leurs preuves et permettent de réduire la mortalité de plus de moitié, et qui sont d’ailleurs disponible sur le site internet du ministère des transports

Un autre rapport du ministère des transports souligne que le facteur principal d’accident sur les routes hors agglomération est la présence de virage dangereux ( 40% des accidents) et tout particulièrement les virages prononcés isolés, les enchainements d’un virage facile et d’un virage prononcé ainsi que les virages se resserrant. Bien sûr la diminution à 80km/h peut permettre de réduire la gravité des accidents liée aux tracés des routes, mais il semblerait plus pertinent de rétablir les moyens suffisants dans nos services publics pour mener les analyses de sécurité routières et conduire les aménagements pertinent afin de réduire réellement les risques : de fait ce type de politique permettrait d’ailleurs de conduire le cas échéant des abaissement des limitations de vitesse qui en étant clairement compréhensible seraient pleinement acceptés et participerait d’une élévation générale de la prise de conscience du risque routier et donc de l’amélioration des comportements individuels. Cette pédagogie apparait en réalité totalement absente, la politique du régime Macron étant la stigmatisation des individus et la répression des libertés individuels à travers la mise en place de flicage généralisé à tout les niveaux et dont la répression routière n’est qu’un aspect. On peut ici rappeler les projets de censure de l’internet ou encore l’état d’urgence généralisé.

Le gouvernement veut se racheter une conduite en faisant diversion sur la sécurité routière

Au moment où le chômage ne baisse pas, on peut s’interroger sur les motivations de la mise en œuvre de ces mesures polémiques et impopulaires ? Ne s’agit-il pas de faire diversion et de se poser en zorro de la route pour un gouvernement qui apparait comme ne se préoccupant que de distribuer des milliards aux riches ? Car en réalité, à part faire sauter des points sur les permis et rentrer des millions dans les caisses de l’état, on peut douter de l’efficacité réelle de la baisse à 80km/h de la vitesse sur les routes.
D’autant qu’il faut rappeler que le premier acte de Macron s’agissant de politique de transport aura été de faire augmenter la part modale des autocars, réduisant d’autant celle du train, en mode de transport pourtant incomparablement plus sûr – et propre – que la route…
Il y aurait en effet bien un moyen pour faire diminuer de façon importante le nombre de morts sur les routes, augmenter massivement l’offre et la qualité des transports en communs en développement le service public. L’exact opposé de la politique conduite par le régime Macron, on le voit avec les graves dysfonctionnements qui affectent la SNCF. Une entreprise ultra rentable – on parle de plus de 2 milliards d’euros de bénéfice, qui licencie à tour de bras et transporte moins de voyageurs et quasi plus de marchandises…
On peut en tout cas s’interroger alors que les 20 000 morts par accidents domestiques en France ne donnent lieu à aucune campagne d’aucune sorte de la part du gouvernement. Et pourtant un nombre important de ces morts, concernant notamment des jeunes enfants, pourraient être évités en renforçant les mesures de préventions… Mais les mauvaises langues observeront que l’on ne pourra pas mettre de radar automatique dans les cuisines et que cela ne fera pas gagner près d’un milliard d’euros en amende au gouvernement… Et puis cela ne fait pas partie des ordres données au gouvernement français par Bruxelles…
 

JBC pour www.initiative-communiste.fr

https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/80km-h-routes-privatisation-radars-liquider-securite-routiere-taxer-francais/


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