A quoi sert le Plan Autisme 4 (partie 2) ?
par EgaliTED
samedi 26 août 2017
Les adultes autistes sous le tapis ?
La prise en compte des adultes autistes est un exemple des renoncements passés. Les adultes autistes sont l’échec principal du Plan Autisme 3, qui n’a initié aucune des mesures prévues pour eux, et c’est donc la première priorité d’un nouveau Plan Autisme. La liste des 48 recommandations du rapport de l’IGAS débute par la nécessité de « prendre la mesure de l’urgence en matière de prise en charge des adultes avec autisme, du repérage à une offre d’intervention adaptée tout au long de la vie ». L’IGAS préconise notamment de « développer des dispositifs de repérages, […] des équipes mobiles qui peuvent intervenir de façon adaptée,[…] un habitat inclusif adapté aux besoins […], une concertation autour des besoins et la diffusion d’un guide, et recenser les bonnes pratiques et les diffuser. »
L’élaboration d’un guide de bonnes pratiques pour les adultes autistes est en cours. Ce guide sera une des bases du Plan Autisme 4. Le premier résultat de ces travaux a été la publication de recommandations provisoires pour consultation : « Trouble du spectre de l’autisme : interventions et parcours de vie de l’adulte ».
Or, que constatent les associations et des collectifs d’usagers à la lecture de ce texte ? Toutes les études scientifiques, y compris celles randomisées, ainsi qu’une méta-analyse évaluant l’efficacité de l’emploi de l’Analyse Appliquée du Comportement (ABA), qui dispose pourtant d’un niveau de preuve satisfaisant ou fort, sont écartées. Parmi celles-ci, on citera notamment :
- Ivy, J., Schreck, K., « The Efficacy of ABA for Inividuals with Autism across the Lifespan », Current Development Disorders Reports, 2016 ;
- Wong, C., Hume, S., et alii, « Evidence-Based Practices for Children, Youth, and Young Adults with Autism Spectrum Disorder : A Comprehensive Review », Journal of Autism and Developmental Disorders, 2015 ;
- Volkmar, F. Reichow, B., McPartland, J., Adolescents and Adults with Autism Spectrum Disorders, New York, Springler, 2014 ;
- Roth, M. Gillis, J., DiGennaro Reed, F., « A Meta-Analysis of Behavioral Interventions for Adolescents and Adults with Autism Spectrum Disorders », Journal of Behavioral Education, 2013 ;
- Perry Lattimore, L., Parsons, M., Reid, D., « Rapid Training of a Community Job Skill to Non Vocal Adults with Autism : an Extension of Intensive Teaching », Behavior Analysis in Practice, printemps 2009 ;
- Matson, J., LoVullo, S., « A Review of Behavioral Treatments for Self Injurious Behaviors of Persons with Autism Spectrum Disorders », Behavior Modification, 2008, volume 32 ;
- Manente, C., Maravento, J., et alii, « Effective Behavioral Intervention for Adults on the Autism Spectrum : Best Practices in Functional Assessment and Treatment Development », The Behavior Analyst Today, volume 11, 1988 ;
- Datlow Smith, M., Belcher, R., « Teachning Life Skills to Adults Disabled by Autism », Journal of Behavioral Education and Developmental Disorders, 1985.
La méthodologie scientifique est pourtant plébiscitée depuis 1996 par le premier rapport du Comité National d’Ethique sur l’autisme en France comme un recours salvateur (Avis n°42). La démarche selon le meilleur niveau de preuve dite EBM (Evidence based medecine) a été utilisée par l’INSERM en 2004 dans son expertise collective des psychothérapies. Les recommandations successives de la Haute Autorité de Santé en 2010 et 2012 sont le produit de la synthèse entre les résultats validés par la littérature scientifique, l’accord des professionnels, et l’expérience des usagers.
Pour les médecins, qui sont amenés à prescrire pour des adultes autistes, on rappellera le code de déontologie médicale révisé en mai 2012 : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. » (7 mai 2012).
EgaliTED s’étonne vivement qu’ici, en 2017, pour la préparation d’un document de référence crucial, dont l’application aura des répercussions à tous les niveaux de décision pour tous les professionnels intervenant avec des adultes autistes, une partie essentielle de la littérature scientifique soit tout bonnement ignorée.
Que prouvent ces données ? Qu’il est possible, avec les adultes autistes, d’avoir une démarche d’enseignement et de les faire progresser et apprendre tout au long de leur vie.
Que signifierait leur éviction, si elle persiste ? Que les auteurs des recommandations de bonnes pratiques n’envisagent pas que les adultes autistes puissent progresser et apprendre, ni que les professionnels qui s’occuperont d’eux aient l’obligation de se former à ces techniques à la fois efficaces et respectueuses.
Sur quels repères, sur quelles preuves, se baseraient la réforme des formations initiales et la redéfinition du secteur sanitaire si l'on ignore de telles données ? Sur quoi s’appuyer pour la structuration d’une offre de services destinée à « refonder la politique publique à l’égard des familles et leur redonner une juste place » ? Sur quoi serait bâtie l’inclusion des personnes autistes ?
Il est impératif que ces dysfonctionnements soient corrigés et que les conséquences en soient tirées.
L’élaboration de ces recommandations de bonnes pratiques pour les adultes autistes, le Plan Autisme 4 ne doivent pas se construire avec des évictions, des erreurs de méthode fondamentales. Même si les troubles du spectre de l’autisme (TSA) restent un trouble aux origines multifactorielles, des pratiques éprouvées existent pour améliorer le quotidien et aider les personnes autistes à s’épanouir. Les ignorer est une perte de chance.
Nous n'accepterons pas que se reproduisent les errements dévastateurs, notamment médicaux, rencontrés avant la reconnaissance de l’autisme comme un trouble neuro-développemental, condamnés maintes fois par l’Europe et l’ONU, et dont les conséquences hélas perdurent encore trop souvent aujourd'hui en France.