A quoi servent les vieux ?

par Georges Yang
vendredi 11 juin 2010

A rien ou presque serait-on tenté de répondre, quelle que soit l’approche amenant une réponse à cette question. Ou alors, il faut considérer qu’un vieux n’est intéressant qu’avec une bonne retraite, une possibilité de transmission de patrimoine, euphémisme pour dire héritage, et qu’il soit en suffisamment bonne santé physique et mentale pour ne pas être à charge des siens ou de la société.

Mais avant de définir à quoi servent les vieux, il faudrait définir quand commence la vieillesse. Afin d’éviter la mièvrerie, les propos édulcorés et une certaine hypocrisie, il ne sera pas employé dans cet article les termes euphémiques de seniors, de troisième âge, de personnes âgées ou de « nos anciens » et des sortis de la vie active. Le mot vieux s’impose, car il exprime un ressenti à la fois chez ceux qui ont atteint cet âge et chez ceux qui regardent ces vieilles poires fripées. Pas d’euphémisme et de tartufferie !

Un vieux, qui du fait de la pyramide de âge en France est plutôt une vieille a grossièrement l’âge de la retraite, mais comme les socialistes avaient décidé que l’on était vieux à 60 ans, peut-on maintenir cet âge comme limite raisonnable ? Ou doit-on redonner un sursis de jeunesse de 5 ans comme le voudrait le gouvernement Sarkozy en repoussant l’âge de la retraite ? Que non diront les responsables des ressources humaines qui n’engagent quasiment plus personne après 55 ans !

55 ans, ce serait donc le bon âge pour entrer en vieillesse, s’il n’y avait l’entrée en concomitance dans le chômage, appelé quelquefois pudiquement préretraite. 55 ans, ce serait plutôt l’âge idéal pour mourir, si l’on suit les statisticiens, les économistes et les compagnies d’assurance.

Mais avant d’aller plus loin, disons que l’auteur de ces lignes approche dangereusement de la soixantaine et que cet article ne peut être considéré comme un délire de jeunot irrespectueux et outrancier.

 

Pourquoi faudrait-il mourir à 55ans ? Pour de multiples raisons :

A 55 ans, on a travaillé et cotisé pour les prestations sociales sans avoir trop perçu d’indemnité de chômage, de maladie ou d’infirmité. C’est aussi à partir de cet âge que l’on tombe plus souvent malade et que le coût des soins augmente. On a aussi produit du PNB en travaillant jusque là, donc de la richesse, et l’on a largement remboursé en impôts et taxes les frais de sa scolarité et de sa formation professionnelle y compris les recyclages. C’est à partir de cet âge que l’on devient moins rentable en coûtant plus cher ; c’est donc le moment de passer l’arme à gauche, même si cela peut faire couler quelques larmes à gauche.

Un assureur, calculette à la main, entouré de graphiques et de statistiques, vous expliquera d’un ton neutre mais convaincant qu’il vaut mieux pour la société qu’un automobiliste écrase un retraité, puis un enfant de moins de 6 ans, ou un employé sous-qualifié, sans-papiers ou non. Le pire étant de faire passer sous les roues de son véhicule un jeune diplôme de l’enseignement supérieur âgé de 25 ans, qui n’a encore rien cotisé, qui n’a rien produit et dont les études ont coûté cher à l’état, surtout s’il s’agit d’un boursier. Et en plus, il bénéficie encore du tarif étudiant ! Car écraser le vieux est presqu’une œuvre pie et cette période de déficit budgétaire, quant au bambin, il n’aura pas trop coûté en école maternelle et ses parents auront pu cependant profiter de la demie-part le temps de sa brève existence, avant d’avoir véritablement dépensé. Ne parlons même pas du sous-qualifié qui allait coûter en formation onéreuse bien que peu rentable, à moins que découragé par le chômage et la galère, il ne soit passé à la délinquance elle aussi ruineuse pour la société. Et s’il s’agit d’un sans-papier, cela épargne le prix du vol charter.

Le vieux ne sert à rien socialement de nos jours, mai en plus il engendre de plus en plus de dépenses sociales. Il ne se contente plus de purée de châtaigne du fait de son absence de dents comme le vieux péquenaud d’autrefois. Il ne casse plus des noix au coin du feu de la cheminée tout en fermant sa gueule. Jadis il racontait des histoires aux gamins en se lissant la moustache au coin de l’âtre. Mais, les âtres de nos jours se font rares et les gosses n’en ont rien à foutre des contes et préfèrent être sur Nintendo.

Les vieilles de leur côté faisaient des confitures ; on en trouve désormais au kiwi bio ou aux fruits rouges, allégée en sucres dans n’importe quel supermarché.

Donc, comment justifier la présence de vieux dans un pays qui va se demander très bientôt comment financer leurs retraites et comment supporter le poids des soins médicaux et d’assistance à la personne dépendante ?

S’il parait alors excessif d’en arriver à des décès massifs aux alentours de 55 ans, il ne faut autoriser de sursis qu’à ceux qui sont en bonne santé et qui ne coûtent rien à la Sécurité Sociale et qui touchent une retraite principale et des complémentaires suffisantes pour ne pas être complétées par de l’aide sociale et pas trop élevée non plus pour ne pas grever le budget de la nation. L’idéal pour l’Etat est le vieux qui consomme ce qu’il gagne sans thésauriser et qui n’est ni malade ni dépendant.

Et là, les héritiers potentiels ne rejoignent plus Alain Minc, qui voudrait faire prendre le montant des soins ou du moins une partie sur les économies des rentiers. Car si bon nombre sont ceux qui considèrent leurs parents ou leurs grands-parents comme des fâcheux acariâtres, ces bonnes âmes qui se contentent d’une visite le lendemain de Noël et une fois avant les vacances d’été, lorgnent cependant sur le pavillon de banlieue et sur les SICAV monétaires avec une certaine concupiscence et n’aimeraient pas que l’Etat se les approprient, quelle que soit la manière fiscale utilisée.

Et puis, il y a l’aspect « moral », autrefois on ne parlait pas de la sexualité des vieux. Aujourd’hui, ils s’accouplent bestialement dans les maisons de retraite et les mâles en sous effectif, se bourrent de Viagra pour contenter leur troupeau de vieilles. A moins qu’émoustillés par la petite pilule bleue, ils ne se mettent à fréquenter des jeunettes avec qui ils vont dilapider ce que les enfants espéraient d’héritage. Où allons-nous, si c’est pour cela qu’il va falloir se serrer la ceinture, pour payer la retraite à ses parents et grands-parents, alors que ceux-ci vont se mettre à faire de la gym, de l’aérobic, de l’ascension en montgolfière ou de la croisière sur le Nil, s’ils ne pensent pas, oh effroi, à copuler comme des maniaques. La vieillesse est un naufrage, certes, mais quand deux de ces vieux morceaux de viande se mettent à forniquer, alors ce n’est plus de naufrage dont il s’agit mais d’un Titanic d’une pantalonnade obscène.

Bref, s’ils ne font pas de donation de leur vivant (les salauds, ils se gardent cependant l’usufruit, le plus souvent), s’ils ne peuvent pas garder les petits-enfants, si les vieilles ne lavent et ne repassent même pas le linge, alors vraiment, on peut le répéter, le décliner sous diverses formes, à quoi servent les vieux ?


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