Accusée d’homophobie et harcelée, l’actrice August Ames se suicide

par Nicolas Kirkitadze
lundi 11 décembre 2017

 

"Une meuf canadienne […] normale mais avec un job un peu fou". C'est ainsi que Mercedes Grabowski, actrice pornographique de 23 ans connue sous le pseudo de "August Ames", se définissait lors d'un entretien accordé à nos confrères états-uniens en septembre. Le mardi 5 décembre, elle s'est pendue dans son appartement de Camarillo en Californie. Le médecin légiste du comté de Ventura a conclu au suicide.

Qu'est-ce qui a pu pousser cette jeune fille joviale, réputée pour sa grande gentillesse, qui aimait "le café et la weed", à mettre si brutalement fin à ses jours ? Personne ne peut y répondre avec certitude. Dans sa lettre de suicide, Mercedes Grabowski n'a fait aucune mention de ses motivations. De nombreuses personnes et plusieurs médias ont cependant fait le rapprochement entre la mort tragique de la jeune femme et le cyberharcèlement qu'elle a du subir durant les trois derniers jours de sa courte vie.

Tout commence le 3 décembre par un simple tweet de l'actrice qui, contrairement à sa bonne humeur habituelle, semble excédée : "A l’attention de la performeuse qui me remplacera demain pour @EroticaXNews, sache que tu vas tourner avec un gars qui a fait du porno gay. Bullshit, c’est tout ce que je peux dire. Est-ce que les agents se foutent vraiment de qui ils représentent ?" déclare-t-elle.

Le message est clair : elle refuse de tourner des scènes avec des acteurs gays. Un tweet qui est relayé plusieurs centaines de fois et qui provoque de nombreuses réactions outrées chez les internautes dont beaucoup jugent avec colère le message de l'actrice. Homophobie et discrimination, voilà ce dont on l'accuse.

Pour se rattraper, la jeune femme tente de se justifier quelques heures plus tard  : "Je ne suis PAS homophobe. La plupart des actrices ne tournent pas avec des acteurs qui font du porno gay, par sécurité. C’est aussi mon cas. Je ne veux pas mettre mon corps en danger, je ne sais pas ce qu’ils font dans leur vie privée".

L'excuse semble alors pire que la faute. Les insultes redoublent. Ce ne sont plus seulement les internautes mais aussi des gens du milieu du X qui s'en mêlent. La hardeuse lesbienne Sinn Sage critique ouvertement l'homophobie de sa consœur : "Tu dis n'importe quoi ! […] Tu as le droit d'utiliser une capote si tu veux. Il n'y a donc aucune raison de discriminer [les acteurs gays]". La devise "mon corps, mon choix", chère aux néoféministes, n'est plus d'usage dès lors qu'il s'agit des sacro-saintes minorités. Refuser de coucher avec un gay, c'est être homophobe et discriminatrice.

L'actrice tente encore une fois de s'expliquer : "Comment serais-je homophobe quand je suis moi-même attirée par les femmes ?" Rien n'y fait. La jeune femme – qui avait récemment fait état du viol qu'elle avait subi dans son enfance et de la dépression dont elle souffrait derrière son masque d'adolescente boute-en-train – est dépassée par l'ampleur de la polémique. Mercedes Grabowski n'a alors plus qu'un jour à vivre. Pourtant, elle plaisante encore. A un internaute qui la soutient et la complimente sur ses sourcils, "les plus beaux sourcils de l'industrie du X", la jeune femme répond sur le ton de l'humour : "Et c'est tout ce qui compte !".

Mais la pression augmente, à mesure qu'affleurent les insultes et les menaces, d'autant que l'impénitente refuse de retirer ses propos et persiste. Le hardeur Jaxton Wheeler lui conseille (dans un tweet qu'il a effacé par la suite) "d'avaler du cyanure"… Un internaute SJW va jusqu'à menacer de mort la jeune femme de 23 ans tandis qu'un autre lui lance un : "Va te pendre !". Sans doute ignore-t-il que son vœu impie sera exaucé le lendemain.

"Allez tous vous faire foutre !". C'est le dernier tweet que poste August Ames le 5 décembre. Quelques heures plus tard, elle quitte le monde des vivants.

Il est intéressant d'observer le traitement médiatique de l'affaire. Si la télévision et la grande presse n'en ont guère fait mention, occupées par la mort de Jean d'Ormesson et de Johnny, le sort tragique de la jeune Canadienne a cependant été évoqué par plusieurs sites web.

Sur Slate.fr, Thomas Deslogis déplore "un tweet maladroit" de la défunte actrice et déclare, en parlant des harceleurs  : "beaucoup d'entre eux pensaient défendre la communauté LGBT, ils lui ont finalement donné un coup terrible". Ce qui choque donc notre journaliste, c'est que des "homophobes" aient "instrumentalisé" l'affaire et que les LGBT se retrouvent accusés du "meurtre" de l'actrice. Les Inrocks, quant à eux, pointent les propos "ouvertement homophobes" de Mercedes Grabowski et nous parle du "racisme et de l'homophobie ordinaires dans l'industrie du X"… Même traitement outre-Manche où le Sun a fait mention de la lettre de suicide laissée par la jeune femme : l'auteur de l'article s'étonne qu'elle demande pardon à ses parents mais qu'elle ne mentionne pas la communauté LGBT ou les raisons de son choix fatal.

La leçon que l'on peut tirer de cette tragique histoire, quelle que soit notre opinion sur la pornographie et la nature des relations sexuelles, c'est que le cyberharcèlement existe et qu'il tue, qu'il tue surtout les femmes comme le montre une récente étude. Derrière les pixels et les pseudos affichés sur les écrans, c'est à des êtres de chair et de sang que l'on a affaire. Le "virtuel" n'a de virtuel que le nom : ce qui s'y passe est bien réel et peut mener au pire.


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