Acheter une arme en France

par Bernard Pinon
lundi 16 janvier 2012

Nous vivons dans une époque dangereuse où l’on braque des boulangeries à la Kalachnikov pour quelques croissants. La crise que nous traversons risquant fort d’empirer, il est légitime pour un particulier de songer à défendre son frigo. Etat des lieux.

La législation sur les ventes d’armes en France n’a jamais fait l’objet d’un débat public. Elle est constituée de décrets, le plus ancien datant de 1939 (que se passait-il déjà à cette époque ?), lequel sera durci par la suite en 1995 et 1998.

Les armes sont classées en 8 catégories :

Les catégories 1, 2, 4 et 5 font l’objet d’une réglementation très restrictive. A l’inverse, la détention d’armes neutralisées, c’est à dire sabotées de manière irréversible, est tout à fait libre : vous pourrez toujours tenter d’assommer votre agresseur avec la crosse.

Commençons par les armes en vente libre, ça existe encore. Vous pouvez vous procurer des couteaux ou des vaporisateurs de gaz lacrymogène sans avoir à faire une déclaration à la police. Vous pouvez aussi vous procurer des pistolets d’alarme : ce sont des armes factices qui imitent un vrai pistolet mais qui ne peuvent tirer que des balles à blanc ou des lacrymogènes. En plus d’être inefficaces pour immobiliser un agresseur, elles font de vous une cible idéale puisqu’il est bien connu que le meilleur moyen de se faire tirer dessus, c’est d’avoir un flingue, fusse t-il factice. A éviter.

Si vous habitez à la campagne, le meilleur choix est le bon vieux fusil de chasse. Pour vous en procurer un, il vous faudra détenir un permis de chasser. Celui-ci s’obtient à la suite d’un examen similaire à celui du permis de conduire qui peut se passer à partir de seize ans et qui comporte une épreuve théorique où il vous faudra répondre à une série de questions sur la faune et la réglementation, à l’identique de l’épreuve sur le code de la route et, si vous avez réussi l’épreuve théorique, une épreuve pratique ou vous devrez montrer votre habilité à manier un fusil. Avant l’examen, vous devez obligatoirement participer aux formations organisées par la Fédération Départementale des Chasseurs.

Une fois votre permis en poche, vous pourrez vous procurer fusil et cartouches chez un armurier. Vous disposerez alors non seulement d’un bon moyen de défense mais vous pourrez remplir votre frigo de délicieux gibiers à bas coût, ce qui, en ces temps de crise est loin d’être négligeable. Note à ceux que la chasse répugne : visitez un abattoir industriel ; vous verrez qu’à côté de ce qu’on fait subir aux animaux d’élevage, les chasseurs sont de vrais Bisounours.

En ville par contre, la meilleure arme de défense, c’est un pistolet ou un révolver de petit calibre, léger à manier et suffisant pour immobiliser un agresseur. Jusqu’aux années 90, il était possible de se procurer légalement ce type d’arme moyennant une simple déclaration. Aujourd’hui, les démarches à effectuer sont beaucoup plus contraignantes et réservées aux personnes de plus de vingt et un ans.

Il vous faudra d’abord trouver près de chez vous un club de tir affilié à la Fédération Française de Tir (FFTir) que vous devrez fréquenter assidument pendant au moins trois mois, beaucoup plus en pratique, pour obtenir une lettre d’approbation pour la détention d’une arme. Vous devrez ensuite effectuer une demande de permis auprès de la Police qui effectuera une enquête sur vous pour déterminer si vous êtes apte à posséder une arme (casier judiciaire vierge, motivation purement sportive…) et vous délivrera (ou pas) une autorisation d’achat valable trois mois. La décision de la Police ne sera pas motivée et vous êtes à la merci de la bonne volonté de l’administration. Si elle est bien lunée, vous aurez alors le droit de vous procurer une arme de catégorie 1 ou 4 à condition de prouver que vous possédez chez vous un coffre fort pour ranger la chose. Le permis est valable cinq ans et vous devrez prouver pour le conserver que vous avez participé au moins trois fois par an à des séances de tir dans votre club. Ensuite, il faut renouveler la démarche.

On l’aura compris, la législation en vigueur est fastidieuse, coûteuse et dissuasive. C’est d’autant plus pénible qu’il est extrêmement facile de se procurer des armes au marché noir, y compris des armes de guerre, en se faisant des amis dans les citées du neuf-trois. Autrement dit on pénalise les gens honnêtes qui souhaitent légitimement se défendre alors que c’est open bar pour les malfrats. Vous allez me rétorquer que la Police est là pour nous protéger, mais malgré toute l’estime que j’ai pour les forces de l’ordre, celles-ci interviennent rarement avant que le crime ne soit commis. Tant que nous ne disposeront pas de précogs comme dans le film Minority Report, l’autodéfense restera une nécessité, à moins d’admettre de se faire rançonner pour une bouchée de pain en comptant sur les assurances pour se faire rembourser si on est encore debout.

L’autodéfense est un sujet qui fait polémique sous nos latitudes. Vouloir posséder une arme est toujours perçu comme malsain, comme si cela faisait nécessairement de vous au mieux un macho, au pire un assassin. Mais dans un monde ou n’importe quelle petite frappe peut se procurer des armes de guerre, dans un monde en pleine crise où sans être un grand voyant on peut prévoir des émeutes de la faim, le débat mérite d’être ouvert.


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