Affaire Lagarde, affaire Domenech, deux aspects d’une même dérive

par Fergus
lundi 8 août 2011

« Il n’y a plus de moralité publique », chantait Georges Brassens dans « Le mauvais sujet repenti » à propos d’amours tarifées. Point d’amours tarifées ici, mais un appétit vorace pour l’argent. Et le constat est le même : les considérations morales jetées sans vergogne aux orties par les « élites », la gangrène du profit et des juteux arrangements financiers est désormais présente partout. Jusqu’au plus haut sommet de l’État...

 

Inutile d’entrer dans les détails de la pitoyable affaire Lagarde-Tapie, elle a été exposée dans tous ses aspects par de nombreux journalistes, qu’ils appartiennent aux médias traditionnels – notamment à la presse provinciale, très sévère sur le sujet – ou qu’ils s’expriment sur des sites citoyens comme AgoraVox. On en retient deux choses :

 

1° Christine Lagarde, qui n’a manifestement pas d’affinités avec Bernard Tapie – on la croit bien volontiers sur ce point – a, sans le moindre doute possible, agi sur ordre personnel de Nicolas Sarkozy pour mettre sur pied, au profit du sulfureux ami et soutien du matamore élyséen, une scandaleuse procédure privée d’indemnisation contraire à différents égards aux intérêts de l’État français et des contribuables de notre pays.

 

2° L’aventurier Bernard Tapie s’est vu octroyer par un tribunal arbitral de complaisance une hallucinante indemnité de 285 millions d’euros, dont 45 millions au titre du seul « préjudice moral » ! Un préjudice moral à comparer avec celui des parents de victimes de meurtres ou de chauffards qui perçoivent quelques dizaines, au mieux quelques centaines de milliers d’euros pour des faits infiniment plus graves. 45 millions qui représentent 3500 ans de SMIC ou le montant des salaires d’une carrière entière de 42 ans pour 85 Smicards !!!

Quant au cas de Raymond Domenech, il est également emblématique de la folie de notre temps. Voilà un homme qui, après avoir complètement raté l’Euro 2008 à la tête de l’équipe de France de football et s’être moqué du monde en conférence de presse, a fait encore mieux lors de la Coupe du Monde de 2010 en multipliant des fautes sur lesquelles il est, là encore, inutile de revenir tant elles ont défrayé l’actualité durant des mois. Et voilà qu’au terme d’un incroyable chantage, ce tout petit monsieur indigne va percevoir une indemnité de licenciement de 975 000 euros alors que, chaque jour, des milliers de nos compatriotes sont jetés dans le chômage et la précarité sans avoir jamais démérité dans leur tâche, contrairement à M. Domenech, dont l’incompétence a été éclatante et la conduite particulièrement honteuse.

 

Tout cela est à la fois pathétique et révoltant. Mais il en va désormais ainsi dans notre société, les puissants, les pipoles, les gens de pouvoir n’ont qu’une idée en tête : s’enrichir au maximum et le plus rapidement possible sans se soucier un instant des inégalités qui se creusent. Les pauvres sont pauvres et les précaires sont précaires, la belle affaire !, ils n’avaient qu’à se démerder pour faire partie des gagnants, des dominants, de ceux qui tirent les ficelles, de ceux qui s’en mettent plein les poches !

 

Une philosophie largement partagée par les grands patrons qui se gavent sans vergogne en s’octroyant stock-options, parachutes dorés, salaires mirifiques pour des millions d’euros annuels, alors que leurs employés doivent se contenter d’augmentations dérisoires s’ils ont de la chance. Ainsi fonctionnent ces gens-là, les Henri Proglio, Carlos Goshn et consorts, tous rapaces de la même espèce qui ont perdu toute notion de la juste rémunération relativement au travail fourni, toute notion de la plus élémentaire décence, au point parfois de voir leurs revenus exploser alors que les résultats de leurs groupes sont médiocres, voire carrément mauvais (ex : Renault).

 

Nicolas Sarkozy a coutume de dire que « les Français ont un problème avec l’argent ». Non, ce ne sont pas les Français qui ont un problème avec l’argent, mais manifestement lui-même et tous ceux qui, à l’image des oligarques voraces, font main basse sur les biens de la collectivité pour les détourner à leur profit en toute légalité, grâce à l’incurie ou, pire, à la complicité des gouvernants.

 

Nicolas Sarkozy prétendait rompre avec le passé pour présider « une république irréprochable ». On en est à des années-lumière, et jamais dans le passé un président, quelle que soit sa couleur politique, n’aurait eu le cynisme d’imposer à son administration une carambouille maquillée de légalité comme celle, monstrueuse, dont a bénéficié Bernard Tapie.

 

Que MM. Tapie et Domenech profitent de leur argent. Tôt ou tard, et peut-être beaucoup plus vite qu’on ne le croit, la colère de nos concitoyens s’exprimera, par les urnes ou par la force, pour imposer le retour vers plus d’équité, vers plus de justice sociale, vers plus d’humanisme et de solidarité. Ce n’est pas un souhait, c’est une évidence, car on ne peut indéfiniment et en toute impunité cracher son mépris à la tête du peuple !

Lire l'article complet, et les commentaires