Affaire Redeker : « la liberté d’expression s’arrête là où commence le crime »

par Régis HOFFERT
mardi 3 octobre 2006

 

Tel était le propos de Bernard-Henri Lévy, lundi matin, au micro d’Europe 1. Saluons la prise de parole de l’intellectuel pour défendre son confrère philosophe, Robert Redeker, « un homme à terre ». Après s’être exprimé dans une tribune du Figaro daté du 19 septembre, ce professeur de la région toulousaine est aujourd’hui traqué par des groupes islamistes et menacé de mort via des fatwas relayées sur Internet. Protégé par la DST, il est obligé de se cacher avec sa famille, et de changer de domicile tous les deux jours.

A cette heure, s’agit-il encore de rappeler les faits et d’en discuter ? Doit-on encore s’interroger sur le caractère heureux du propos ? Etait-ce une critique fondée de l’islam, de l’islamisme ? A-t-il fait un amalgame ? A-t-il manqué de respect ? Son analyse de notre société est-elle pertinente ? Non, le temps n’est plus à ces questions ! Nous devons entendre dans cette affaire le signal récurrent que la liberté d’expression, maison de la pensée libre, n’est jamais définitivement acquise, et qu’il faut sans cesse se battre pour la défendre.

Que nous oppose-t-on ? Respect des religions et principe de précaution ? S’il faut répondre à l’apologie de ces deux concepts encore déclinés ici, rappelons que la République et les libertés qui l’accompagnent n’ont pas été construites sur ce socle idéologique, tout du moins que le respect ne se suffit pas à lui-même. Vous demandez-vous où sont enterrés les rois de France ? Nulle part. Exhumées, bon nombre de leurs dépouilles ont été brûlées sur les bûchers de la Révolution française. A ce moment-là, le peuple français a choisi de tirer un trait terrible. Dès lors, plusieurs grands principes n’ont cessé de mûrir jusqu’à nos jours. Bonifiée par la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, la liberté d’expression en fait partie. A l’inverse, le respect érigé en dogme est inacceptable.

Les représentants de l’islam, celui de France en particulier, bénéficient du droit de réponse : se défendre, expliquer, argumenter. Mais aujourd’hui, ils ont peut être le devoir de trouver l’humilité en leurs cœurs et de rappeler que dans un pays libre et démocratique, le débat est permis. Tout comme les journalistes et les politiques, ils ont le devoir de défendre un citoyen français mis au pilori pour avoir écrit ce qu’il pense. Toujours sur Europe 1, au téléphone avec Jean-Pierre Elkabbach vendredi matin, Robert Redeker leur a lancé un appel à l’aide.

Pour s’expliquer dans un couple, il est quelquefois plus judicieux de décrire ce que l’on ressent plutôt que d’accuser le partenaire, plus constructif de dire « je » que « tu ». Alors oui, nous souffrons de voir la menace de mort entraver le débat des idées. Nous souffrons de la censure rétroactive d’un metteur en scène de Mozart. Nous souhaitons que les pouvoirs politiques, économiques et religieux n’entravent pas notre liberté d’expression. Chaque citoyen français est libre de pratiquer un culte. Mais il est tout aussi libre de critiquer, de se moquer, de caricaturer, de pratiquer la satire, de raconter des bêtises, de se tromper ou d’être de mauvaise foi.

Sous le sens constitutionnel, la France est qualifiée d’Etat de droit, pas d’Etat de respect. Nos seules limites d’expression sont les lois de la République. N’en déplaise.


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