Agriculture : Les contes défaits
par paysandeparis
samedi 28 juin 2008
Entre les livres pour enfants, les contes, l’infantilisation publicitaire, et la propension naturelle au passéisme, l’agriculture dans l’imaginaire des citadins est souvent à des années lumière de la réalité. Qui elle n’est pas forcément rose. L’explication de la hausse du prix des matières premières s’empêtre dans ces clichés.
Une poule sur un mur qui picotait du pain dur ..., un cochon qui barbotte dans la mare, la vache dans les près et les lapins grignotant leurs carottes, ce sont des clichés de la ferme de notre enfance ? Pas si sûr ! De Paris, à Gentilly, à Asnières, à Athis-Mons, à Fontainbleau... je n’en finis pas de croiser des cadres, des profs, des intellectuels qui sont pas loin de penser que c’est ainsi que l’élevage se pratique ! Démonstration !
En tant qu’agronome, on m’interpelle sur les causes de la hausse des matières premières et l’on me taquine sur les agrocarburants. Et mes amis ou mes relations sont bien souvent tentés de crier avec les loups "Casse cou l’éthanol et le diester ! " - "L’agriculture affame le monde"... ou au mieux qui doutent du bien fondé des bio-énergies. Des affirmations prononcées parfois alors qu’ils garent leur 4x4 dans une rue de la capitale ! Mais à force de patience, j’arrive à leur glisser en forme de provocation "n’oubliez pas aussi celui qui met dorénavant une patte de poulet dans son riz" !
Mais quel est le rapport entre le poulet et les céréales, s’écrient-ils ! La vérité les laisse pantois, les poulets consomment donc du blé ? La majeure partie des céréales consommées en France est le fait de l’alimentation animale ? Ces deux faits sont souvent une révélation décevante pour mes interlocuteurs. La plupart d’entre-eux ne s’est jamais posée la question de savoir comment était produite la viande. Bien entendu, tous on entendu parler des poulets en batterie, des élevages de porc en Bretagne… mais leur information est fragmentée. Qui se soucie de ce mange la poule pourvu qu’elle ne soit pas trop serrée ! Les citadins pensent-ils encore que les vaches mangent de l’herbe, que les cochons boivent l’eau de la mare et que les poulets picorent dans la cour de la ferme ! Sans doute un peu, aidés en cela par l’imaginaire des publicités, produites souvent pour des coopératives agricoles !
On se rappelle alors une ancienne pub "c’est ki fo l’attraper l’animal", nous confiait un gros balourd, censé incarner un éleveur de poulets label ! Malheureusement, le poulet ne court plus beaucoup. Idem avec le camembert, un vieux rustre qui ne veut pas donner de suite sa fille en mariage est censé symboliser l’éleveur et la lente maturation du fromage ! Toutefois, cela ne semble gêner personne !
Le 8 juillet va se décider le sort de l’Aficar, agence créée par les Pouvoirs Public pour soutenir l’image et la communication du monde agricole. Mais son sort est entre les mains des producteurs qui rechignent à l’abonder. Pourtant il va falloir l’attraper l’animal !!! Car il a déjà beaucoup couru. La distance qui sépare l’agriculture de la société civile, il va falloir cavaler pour la réduire. Ce ne sont pas les moyens qui manquent, le montant total des publicités financées par des fonds interprofessionnels atteint au moins 150millions d’euros. L’Aficar se contenterait bien de 5% de cette manne ! Mais la volonté des diverses familles agricoles de verser au pot commun est ténue ! Après tout, on a l’image qu’on mérite !
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