Alzheimer, cancer et les champs magnétiques
par Bernard Dugué
lundi 7 octobre 2019
Les champs magnétiques pourraient-ils être employés pour « traiter » des pathologies comme Alzheimer ou le cancer ? Je n’ai sais rien mais je connais la situation du scientifique dont la seule certitude est celle du chercheur d’or. Lorsque l’on cherche les filons d’or, on n’est jamais certain d’en trouver mais on est sûr d’une chose, c’est qu’en ne cherchant pas, on ne trouve rien. Si les champs magnétiques avaient une utilité, il faut trouver pourquoi et comment. Qu’est-ce qui fait dire que les champs pourraient agir ou du moins jouer d’une influence car le propre d’un champ est d’influencer tout ce qui passe dans sa zone d’influence ? Pour le savoir, il faut faire des recherches sur les processus de la vie.
Si Pasteur est l’archétype du grand savant, le biologiste contemporain ressemble plus à la figure de McGyver. La médecine conçoit l’organisme humain comme un ensemble de mécanismes cellulaires et moléculaires interreliées. A agit sur B qui agit sur C. Les biologistes cherchent depuis des décennies les mécanismes responsables de la dégénérescence des cellules nerveuses chez les patient Alzheimer et dans le cadre du cancer, ils étudient ce qui pousse les cellules tumorales à se diviser de manière incontrôlée, en échappant aux surveillances immunitaires. Les stratégies thérapeutiques sont distinctes. Pour Alzheimer, le principe est de corriger ce qui peut l’être en utilisant des molécules capables d’interférer avec les mécanismes cellulaires présentant des anomalies. Les résultats sont maigres et la maladie n’est pas enrayée. Le sort du cancer est contrasté. La méthode la plus efficace reste l’extraction de la tumeur. La stratégie contre le cancer est guerrière. Il s’agit de tuer les cellules tumorales, avec des rayons ou des molécules qui vont détruire chaque cellule. Ou plus récemment, de mobiliser les défenses immunitaires qui elles aussi, vont attaquer chaque cellule. Le principe utilisé en médecine est celui de la mécanique, qu’elle soit chirurgicale, radiative ou moléculaire. Un seul objectif, détruire la tumeur. Ou affaiblir l’ennemi. Pour Alzheimer, c’est tout autre chose puisqu’il n’y a y pas d’ennemi. Juste un organisme qui dépérit peu à peu. La seule stratégie serait le renflouement mais il n’y a pour l’instant aucune solution. Le problème étant que l’on ne connaît pas les causes. On croit incriminer la protéine tau ou une autre molécule en pensant qu’un type de composant dégénère alors que la vision systémique voit plutôt un champ moléculaire exprimant les signes d’un dysfonctionnement, si bien que la protéine tau serait la conséquence et non pas la cause de la dégénérescence. Dans le même ordre d’idée, le désordre génomique n’est pas la cause mais la conséquence du cancer.
L’approche mécaniste est devenue maintenant une impasse. L’approche globaliste reste une illusion pour les uns, une promesse pour les autres. Face à un mirage dans le désert, illusion d’optique ou promesse d’oasis, le seul moyen de trancher est de se diriger vers le mirage. La recherche incline elle aussi à s’approcher du mirage, à voir de près ce qu’il en est des champs. A la différence près que ce n’est pas l’œil sensible mais l’œil de la connaissance qui permet de voir ce qu’il est possible de comprendre.
Le champ magnétique règle plusieurs processus physiques. La propagation des ondes électromagnétiques, les processus électromécaniques, artificiels dans le moteur électrique ou naturels avec la force musculaire. Les particules possèdent un moment magnétique. Pour faire simple, toute la matière est réglée par le magnétisme mais nous ne savons pas comment utiliser le magnétisme à des fins thérapeutiques. La seule chose que nous savons faire, c’est d’envoyer une impulsion dans un corps plongé dans un champ magnétique dont les noyaux sont capables de réagir. C’est le principe de la résonance magnétique nucléaire utilisée en laboratoire ou en médecine avec l’IRM.
L’utilisation du magnétisme en médecine est appelée magnétothérapie. Elle est déconsidérée par les autorités française et qualifiée parfois de fake medecine, ou de pseudoscience. Néanmoins, quelques pays continuent à explorer ce domaine. La magnétothérapie en champs pulsés est étudiée aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne et en Russie. La plupart des recherches sont réalisées empiriquement. Si la médecine conventionnelle a tant de succès, c’est qu’elle est d’une part efficace dans son champ d’efficacité plutôt vaste et que d’autre part, ses effets ont une explication mécaniste. En revanche, la magnétothérapie semble peu efficace et de plus, elle n’a pas de fondement théorique. Il semble que le magnétisme reste une grande énigme, échappant à la compréhension scientifique, alors que la gravité n’a plus de secrets, sauf lorsqu’elle est quantique.
La magnétothérapie restera sans avenir sauf si une théorie en donne l’explication. L’histoire des sciences montre que presque toutes les avancées théoriques découlent d’observations et d’anomalies inexpliquées avec les cadres formels disponibles. Autrement dit, si l’expérience sort du cadre, alors il faut changer le cadre ! Sortir des cadres n’est pas une chose facile pour les professionnels de la recherche affairés à produire des résultats, publier et remplir des formulaires pour demander des crédits.
Les machines magnétiques n’ont pas réussi mais en revanche, ceux qu’on appelle guérisseurs et coupeurs de feu ont montré une efficacité. On est certain d’une chose, c’est que l’explication de ces phénomènes n’est pas mécaniste, autrement dit causé par une forme matérielle qui agit sur une autre forme matérielle. Ces phénomènes étranges reposent sur un mécanisme non matériel de type champ. Mais alors quel champ ? Je n’en sais rien mais remerciez-moi d’avoir posé la question ! Quoique, ce champ se propageant devrait être ou bien d’essence électromagnétique, ou alors d’une autre essence, gravifique. Il n’y a pas trop de choix. Gravité et magnétisme sont les seules explications des effets se propageant à distance. Une recherche sur ces phénomènes impose de faire sortir de leur laboratoire des médecins, des biologistes, des physiciens, pour confronter leurs savoirs tout en impliquant ces « sorciers de la médecine » pour réaliser des études scientifiques ainsi qu’échanger des points de vue, des questions, des idées.
La recherche en magnétothérapie se distingue de la recherche scientifique ordinaire car elle nécessite un travail théorique conséquent pour la justifier. Les avancées scientifiques du passé découlaient de résultats dont l’explication ou la description était accessible à la rationalité. Ce n’est pas le cas pour la magnétothérapie. S’il y a une découverte dans ce domaine, elle sera réalisée par des cercles de chercheurs qui savent sortir des cadres conventionnels.
« Les grands problèmes sont complexes et transdisciplinaires. Il faut former les gens à la possibilité de l'erreur, à l'affrontement des incertitudes de la vie. Une révolution pédagogique est à faire pour mieux armer les esprits. » (Edgard Morin)
« Avoir un esprit scientifique, c’est d’abord respecter les faits consensuels qui résultent de générations de résolutions de conflits, mais c’est aussi être attentif à ce qui demeure inconnu. Il est indispensable de rester humble et de garder à l’esprit la notion d’un mystère essentiel du monde. Plus nous les examinons de près, plus les aspects connus deviennent mystérieux : plus on en sait, plus c’est étrange. Rien, dans la nature, n’est suffisamment ordinaire pour que sa contemplation ne puisse conduire vers un sentiment d’émerveillement et de gratitude de faire partie de tout cela. » (Lee Smolin)