Amour et pardon contre tolérance et neutralité

par Geneste
lundi 28 décembre 2009

Bien que Jacques Chirac en particulier se soit opposé à faire apparaître une quelconque allusion aux racines chrétiennes de l’Europe dans le traité constitutionnel, il va de soi, comme un fait, que les racines de la civilisation européenne sont en grande partie chrétiennes. Si on y ajoute les racines grecques et romaines, on a là un tour quasi-complet de notre culture profonde.

L’arrivée du christianisme a changé beaucoup de choses, mais, à mon avis, le christianisme a inséré dans la société deux valeurs fondamentales qui sont l’amour du prochain et le pardon. L’amour du prochain est fondamental en ce sens qu’il est un devoir du chrétien envers chaque homme, quelle que soit sa race et il porte donc en lui-même le fondement du non-racisme[1]. Il est aussi le prélude à une forme de diplomatie basée sur la confiance en l’autre a priori ce qui facilite, objectivement, les rapports. Le pardon, lui, est essentiel dans la vie courante, tout simplement parce que, le monde n’étant pas parfait, seul le pardon permet de repartir de zéro et de reconstruire. Il en va ainsi de la vie de couple en passant par les rapports d’amitié jusqu’aux rapports entre états. Concernant ces derniers, L’Europe s’est globalement et mutuellement pardonnée les exactions de la dernière guerre voire des guerres précédentes et a pu commencer à se construire. On peut mettre cette réconciliation, en grande partie, sur le compte des racines chrétiennes des nations européennes, le pardon, encore une fois, étant une des valeurs fondamentales de notre société. A l’opposé, Israël et la Palestine, s’ils veulent un jour vivre en paix, auront bien du mal, le pardon n’étant pas une valeur fondamentale de l’Islam ni du judaïsme. Et pourtant, la guerre ne pourra pas être éternelle entre ces deux entités…

Néanmoins, essentiellement depuis l’après-guerre, la société européenne a dérivé moralement pour épouser aujourd’hui deux « nouvelles » valeurs, en substitut, que sont  la tolérance et la neutralité. Commençons par la tolérance qui est dans toutes les bouches, politiques en particulier. Mais que dire d’une société qui écarte, officiellement, plus de 9% de sa population[2] et probablement le double objectivement ? Est-ce cela une société tolérante ? Mais faisons fi des critiques et prenons comme acquis que la tolérance est prônée comme une valeur fondamentale de notre société. Y gagnons-nous par rapport à l’amour du prochain ou y perdons-nous ? La réponse est hélas triviale. Tolérer ne veut pas dire aimer et, par exemple aux Etats-Unis, le melting-pot n’est que la juxtaposition de communautés qui se tolèrent… Mais s’ignorent ! Et l’Europe est partie actuellement pour répliquer ce triste modèle. La perte est donc énorme et cela à plusieurs niveaux. Au niveau sociétal d’une part puisque les communautés défendent alors des intérêts potentiellement divergents et au niveau du pays globalement qui n’a pas et ne peut avoir de réelle unité, s’affaiblissant donc par là-même.

Traitons maintenant le cas de la neutralité. J’ai dit neutralité mais le fondement de cette doctrine est la laïcité née au début du vingtième siècle. Cette laïcité, en réalité, est une neutralité vis-à-vis des religions et il nous faut comparer cette neutralité avec le pardon. Le chemin à suivre ici peut ne pas sembler évident, et pourtant… La neutralité revient à jouer, en quelque sorte, à Ponce Pilate, qui dit « je m’en lave les mains ». Pourquoi ? Parce que dans une société démocratique, c’est la loi du nombre qui l’emporte. Que demain une majorité de nos concitoyens soit en faveur du crime organisé et porte au pouvoir ce qu’on appelle communément aujourd’hui un « populiste » et le crime organisé sera installé (n’est-ce pas ce qui a cours en Italie ?). Et il en va ainsi de chaque thème sociétal imaginable. Mais il y a plus. La neutralité, c’est refuser de trancher entre des valeurs. La Suisse, par exemple, avec sa position de neutralité pendant la deuxième guerre mondiale n’a pas tranché entre le nazisme et les autres valeurs qui avaient cours dans le reste de l’Europe. De même, pendant la guerre froide, la Finlande, neutre, n’a pas tranché entre le communisme et la démocratie occidentale. De même en conséquence, la laïcité ne tranche pas entre les différentes religions, les estimant équivalentes du moment que chacun se conforme à la loi démocratique. Or, clairement, toutes les religions ne sont pas équivalentes.

Le débat actuel sur les minarets est en réalité un débat à fleurets mouchetés sur une question fondamentale de notre société et ses valeurs. La question du pardon y est centrale. Prenons-en un exemple emblématique. Doit-on faire comme le fit Jésus dans les évangiles, à savoir, dire à la femme adultère « va et ne pèche plus »  ou bien faut-il faire comme le commande Mahomet dans le Coran et lapider la même femme adultère ? Ce qui est demandé par les peuples européens de culture chrétienne, c’est un arbitrage qui tarde à venir des politiques car ces derniers sont prisonniers de la démocratie, cette démocratie qui les fait vivre car ces personnes vivent exclusivement de l’élection et ne peuvent donc pas déplaire à trop de monde si elles veulent garder leur place, serait-ce au prix de non-décisions sur un des fondements de notre société.

Le lecteur l’aura donc bien compris à ce stade, je ne suis pas pour le remplacement de l’amour du prochain et du pardon au bénéfice de la tolérance et de la neutralité. L’identité d’une nation ou d’un groupe de peuples passe par des valeurs fortes. Ni la tolérance ni la neutralité ne sont des valeurs fortes. Et je terminerai par cette réflexion que me faisait récemment mon fils aîné. Dans la vie de tous les jours, non seulement l’amour du prochain est bien absent mais le pardon aussi, tant dans les relations sociales que professionnelles. Le remplacement de ces deux valeurs, encore une fois fondamentales, par la tolérance et la neutralité, sont une perte considérable tant en termes de civilisation que de bien-être potentiel.

Tant qu’à prendre de bonnes résolutions pour 2010, voilà qui devrait inspirer chacun, hommes politiques compris.



[1] Et non de l’antiracisme qui est une construction contemporaine sans fondement et vouée à l’échec.

[2] Il s’agit des chômeurs. Les normes ayant évolué avec le temps, on ne comptabilise pas tout le monde loin s’en faut et en conséquence l’auteur estime qu’il faut doubler le chiffre officiel pour avoir une vue objective de la situation réelle.


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