Appel à la dénonciation dans l’Essonne

par Georges Moréas
lundi 21 septembre 2009

Confidentialité garantie, nous dit le commissaire Borel-Garin. En appelant à la dénonciation anonyme, on peut dire qu’il a au moins réussi à sortir de l’anonymat… Il souhaite que les habitants du département aident la police nationale en transmettant témoignages, photos, vidéos, par courrier électronique. Alors, que faut-il en penser ?

En dehors de son aspect discutable sur le plan de l’éthique, cette démarche amène à réfléchir à quelques difficultés d’applications.

À partir des informations reçues, et s’il y a des éléments d’infraction, le policier doit avertir le procureur de la République et dresser une procédure d’enquête préliminaire. Or imaginons qu’un renseignement parvenu par voie de mail (qui laisse donc des traces) ne soit pas convenablement exploité et qu’il soit par la suite suivi d’effets graves, comme un meurtre ou des sévices à enfants… Quelle serait la responsabilité des fonctionnaires de police ? Mais comment trier dans le fatras de mails qui peuvent ainsi parvenir à la police ? Comment être sûr de ne pas passer à côté de la bonne info ?

Ensuite, avant de cliquer sur sa souris, « l’informateur » doit être conscient que la dénonciation calomnieuse est visée par l’art. 226-10 du CP. La peine encourue est de 5 ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende. Il est vrai que la fausseté des propos doit être entérinée par une autorité compétente.

Mais à défaut d’utiliser ce texte, le simple fait d’avoir déclenché d’inutiles recherches par des allégations mensongères est un délit punissable de 6 mois d’emprisonnement et 7.500 € d’amende.

Enfin, pour aller plus loin dans ce domaine, il est bon de se rappeler qu’en France il n’y a pas d’obligation à dénoncer un crime ou un délit qui a été commis. Il en va différemment lorsqu’il existe une possibilité d’empêcher le crime ou le délit, ou d’en limiter ses effets, ou encore d’empêcher qu’il ne se renouvelle. Dans ces cas, le fait de ne pas avoir prévenu les autorités judiciaires peut entraîner une peine de 3 ans d’emprisonnement (C. pén., art. 434-1). Sont exclus de cette obligation les personnes astreintes au secret professionnel et les parents, conjoints, etc., de l’auteur du crime - sauf si la victime est un mineur de 15 ans. Donc ici, pas question de mail anonyme.

Il est des cas cependant où le législateur encourage à la dénonciation. Comme dans les affaires de stupéfiants, où les auteurs ou complices peuvent voir leur peine réduite de moitié si leurs confidences permettent de mettre fin au trafic et/ou d’arrêter les autres coupables. Ou en matière d’attentat ou de complot…

Il existe même la possibilité pour un détenu d’obtenir une réduction jusqu’au tiers de sa peine (loi du 9 mars 2004), s’il dénonce les infractions commises par d’autres détenus. Ainsi, si un compagnon de prison avait dénoncé les intentions de Jean-Pierre Treiber, il aurait pu bénéficier de cette loi.

Ce marchandage du législateur est souvent contesté car il encourage une démarche immorale : la délation. Mais il est vrai qu’il peut se révéler utile et éviter l’aboutissement d’un projet criminel.

Alors, cet appel à la dénonciation publique relève-t-il « d’une police d’une autre époque  », comme le dit Jean-Claude Delage, secrétaire général du syndicat Alliance, ou bien « faut-il vivre avec son temps », comme lui répond le commissaire Borel-Garin ?

En fait, la véritable question est de savoir s’il faut sacrifier ses principes sur l’autel de l’efficacité ! Personnellement, je ne le crois pas.


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