Augustin Legrand, enfant prodigue des Don Quichotte

par Henry Moreigne
jeudi 23 octobre 2008

Les enfants de Don Quichotte sont de retour. Dans la rue et sur les écrans de cinéma. La figure emblématique de l’association, Augustin Legrand, coréalise avec Mathieu Kassovitz un film documentaire sur les coulisses de l’action en faveur des défavorisés (Enfants de Don Quichotte Acte I). Un long métrage engagé présenté comme un acte de résistance.

A l’origine, un coup médiatique réussi durant l’hiver 2006-2007. Augustin Legrand et ses amis établissent un campement de tentes pour sans-abri, canal Saint-Martin à Paris. L’action est récompensée quelques mois plus tard par l’adoption de la loi dite Dalo (Droit au logement opposable).

Une avancée, mais pas une réalité. Dans son film, Augustin Legrand dresse surtout la liste des promesses non tenues. En décembre 2006, Nicolas Sarkozy déclarait : « Je veux, si je suis élu, que d’ici deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir. » A l’échéance fatidique, le constat est sévère. Augustin Legrand n’épargne pas le chef de l’Etat. « Nous n’existons pas pour Nicolas Sarkozy qui, durant sa campagne, avait pourtant repris nos arguments. Avec un collectif d’associations, on s’est entretenu trois fois avec François Fillon en un an. La dernière, c’était il y a quinze jours. Ses conseillers nous disent qu’ils ne sont pas entendus par l’Elysée. »


Christine Boutin n’est pas épargnée. « On demande de vrais investissements, pas des rallonges pour faire du rafistolage. Dans le projet de loi sur le logement de la ministre actuellement examiné au Sénat, le logement très social n’est pas là. Les centres d’hébergement restent saturés. Des demandes sont refusées tous les soirs. Le budget 2009 consacré au logement est en baisse de 7 %. Pour les SDF, c’est la crise tous les jours. »

Dans un entretien accordé au JDD Augustin Legrand rappelle que « Christine Boutin est venue sur le canal les larmes aux yeux en disant que notre cause était la sienne depuis quinze ans, qu’elle portait ce combat depuis longtemps à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, elle est ministre et prétend avoir les moyens d’agir alors que le budget du logement est sacrifié. »

Celui qu’on qualifie de porte-voix des SDF conserve une mauvaise image des politiques. Toujours dans les colonnes du JDD, il confie qu’il y a eu des moments terribles « comme celui où j’ai réalisé que j’avais été piégé par Jean-Louis Borloo. Il m’a poussé à communiquer à la place de son ministère sur son plan d’action en faveur des sans-abri. J’aurais dû le laisser faire les annonces lui-même. C’est une erreur de ma part et en même temps la preuve de ma sincérité. »

 L’intermittent du spectacle a conscience que la réussite de ses actions dépend de leur médiatisation. En décembre 2007, l’installation de tentes près de Notre-Dame se solde par un échec. « Alors qu’en 2006, les médias nous ont aidés en relayant notre action, ils s’en sont désintéressés l’année d’après. Pourquoi ? Parce que le jour où on se fait évacuer, Nicolas Sarkozy présente Carla Bruni à Eurodisney. Résultat, au lieu de faire les titres des journaux télé, on se retrouve relégués en fin d’édition. »

Les échecs ne lui font pas baisser les bras, mais sont au contraire l’occasion de se remettre en question et de faire mieux. « On n’obtiendra rien sans action. Il y a deux ans, il n’y avait que 300 tentes. Trois mille tentes, c’est demain envisageable, il y a 3 millions de mal-logés en France… Comme les promesses ne sont pas tenues, on va être beaucoup plus structuré qu’avant. »

Comédien de profession, Augustin veut se servir du 7e art pour défendre ceux qui n’ont rien et attaquer ceux qui ne font rien. De la charité-tendresse qui tranche avec la charité business qui tend à se développer depuis quelques années. Tous les bénéfices du film seront reversés à l’association, pour tourner l’acte 2, mais aussi, pour acheter des tentes, à monter des baraquements pour lancer de nouveaux campements cet hiver et mettre à l’abri les SDF.

Malgré les difficultés, le fils spirituel de l’Abbé Pierre conserve la foi chevillée au corps. « Je crois que l’action collective de toutes les associations a fait évoluer leur état d’esprit. Maintenant, les mal-logés savent que l’Etat est responsable, ils sont moins ignorants de leurs droits. Ils ont moins tendance à penser que tout est de leur faute. Il y a une révolte qui commence à naître chez eux, une révolte du bon sens, de l’intelligence. Au-delà du cas des SDF, je crois que le combat a sensibilisé l’opinion publique sur la crise du logement. Les médias en parlent plus. Les gens ont l’espoir que de nouvelles politiques publiques soient possibles. C’est une guerre d’usure contre la misère qui a été lancée. »

Source : Le JDD


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