Bac : mention danger avec Blanquer
par Laurent Herblay
samedi 25 novembre 2017
Il était le (petit) coin de ciel bleu de ce gouvernement, prenant le contre-pied de tant de déclarations ou de décisions du passé, semblant vouloir rétablir la qualité de notre système éducatif. Patatras ! La direction prise pour la réforme du baccalauréat, qui reprend les mauvaises idées des anciennes majorités, est très inquiétante, un début de déconstruction de cet examen fondamental.
Toujours cette mauvaise pente anglo-saxonne ?
Au Parisien, Jean-Michel Blanquer a déclaré « on voit bien que le bac tel qu’il existe aujourd’hui est arrivé à la fin d’une époque et qu’il faut passer à autre chose. Il faut en finir avec le bachotage, pour lui redonner du sens. Qu’il soit un tremplin vers le supérieur pour les élèves ». Que d’éléments critiquables en si peu de mots ! D’abord, le ministre nous inflige cette rengaine insupportable selon laquelle le baccalauréat serait un peu poussiéreux, ce refus du débat des ayatollahs pseudo modernistes qui habillent tout débat en querelle entre anciens et modernistes où les seconds auraient forcément raison… Cette même quête de modernité qui a produit une hausse de 70% des fautes d’orthographe.
Ensuite, en quoi le bac ne serait pas déjà un tremplin vers le supérieur aujourd’hui ? En quoi manquerait-il de sens, alors, au contraire, que son caractère d’examen national passé par tous les élèves de terminale lui donne justement le statut de juge de paix, la mention bien d’un élève de ZEP valant plus que la mention assez bien du lycée le plus huppé. Le baccalauréat actuel a beaucoup de sens : c’est un rituel de passage à la vie adulte, un sésame pleinement comparable sur l’ensemble du territoire, et c’est aussi un passeport pour les études supérieures. Enfin, pourquoi faudrait-il en finir avec le bachotage ? Une déclaration d’autant plus étrange de la part de l’ancien président de l’ESSEC…
Comme le rapporte cruellement le Point, les pistes de réformes avancées par le ministre ont un goût de déjà-vu. Déjà, en 2005, Fillon voulait limiter le nombre d’épreuves à six. Aujourd’hui, Blanquer en évoque seulement quatre… Déjà, en 2007, Darcos proposait de supprimer les sections S, ES et L et les remplacer par un tronc commun complété par des options. L’argument du coût est absolument désolant tant il s’agit d’une goutte d’eau par rapport à ce que représente cet examen, une chance unique de comparaison la plus égale possible entre tous les jeunes d’une même classe d’âge, les mettant davantage sur un pied d’égalité que sans doute à aucun autre moment de leur vie.
La remise en question du principe de l’examen et son remplacement partiel par le contrôle continu posent de graves dangers. Le baccalauréat commencerait ainsi à perdre son caractère pleinement universel et comparable puisqu’une partie de la note viendrait d’un contrôle continu dont il difficile d’imaginer comment il serait possible de le rendre pleinement universel. Le danger ? En l’absence d’une seule norme totalement commune, claire et simple d’interprétation, le risque est que les lieux d’étude finissent par gagner une place plus importante et que la mention assez-bien d’un bon lycée finisse par valoir plus que la mention bien d’un lycée de ZEP, qui pourrait paraître moins exigeant.
Même s’il n’est sans doute pas parfait, les réformes évoquées par le ministre sont calamiteuses et il suffit de regarder ce qui se passe dans les pays qui fonctionnent de la sorte pour y voir le recul de la République et l’accélération du cloisonnement de la société, comme cela se passe aux Etats-Unis, où il n’y a pas d’examen et seulement du contrôle continu, et où l’argent devient la seule boussole.