« Barbecue géant halal » à Dijon : la mairie socialiste crée la polémique

par William Castel
samedi 26 juin 2010

François Rebsamen, le maire de Dijon, ancien numéro 2 du PS sous l’ère Hollande, a décidé d’organiser un barbecue géant halal, alors même que vient d’être interdit, il y a une semaine, un apéro géant « Saucisson et Pinard » à Paris. Au-delà de la provocation que peut constituer un tel geste, il s’agit surtout d’une entorse au principe de laïcité.

Jeudi, Vikash Dhorasoo affirmait que le staff des Bleus réclamait des menus halal pour tous les joueurs de l’équipe de France de football. L’ancien footballeur, aux convictions politiques (socialistes) connues, se disait choqué par cette entrave à la laïcité et aux valeurs républicaines. Si rien ne prouve la véracité des propos de Dhorasoo, qui se base sur ceux de l’humoriste Frédéric Chau, une nouvelle information vient de tomber, toujours dans le milieu du football, qui, elle, ne fait aucun doute. Pour célébrer la fin du "Mondial de foot à 7" à Dijon, la mairie socialiste, dirigée par François Rebsamen, organise un "barbecue géant halal". De quoi faire frémir Vikash Dhorasoo...
 
Alors que la Coupe du Monde est finie pour les Bleus, "Dijon fait sa coupe du monde". Du 9 juin au 9 juillet, le "Mondial de football à 7 de la jeunesse dijonnaise" met aux prises 24 équipes de jeunes footballeurs âgés de 8 à 11 ans, "issues des accueils de loisirs sans hébergement (ALSH), des MJC, du dispositif « Animation sportive de quartier », des centres sociaux et des clubs de football dijonnais". L’événement est organisé par la ville de Dijon en partenariat avec l’Office municipal du Sport de Dijon, le Dijon Football Côte d’Or (DFCO) et Divia. La mairie de Dijon précise que "chacune de ces structures a été, par tirage au sort, associée à 24 des 32 pays participant à la coupe du Monde de football Sud-africaine dont elle s’appropriera la culture au travers, d’une part, d’un travail pédagogique effectué par les animateurs et les éducateurs et, d’autre part, de repas à thème réalisés par la restauration municipale en juin et en juillet." La compétition a donc une dimension éducative, qui permet aux enfants de s’ouvrir aux cultures du monde. Jusqu’ici tout va bien.
 
Mais sur le site du Dijon Football Côte d’Or, on apprend que "le 9 juillet aura lieu la petite finale, et la finale de ce mondial à 7 de la jeunesse dijonnaise, suivi d’un match de gala des professionnels du DFCO et d’un barbecue géant hallal. Tous les participants (24 équipes) accompagnés de leurs parents et leurs coaches sont conviés à assister à ces rencontres et à partager ce barbecue géant." Le sénateur-maire de Dijon et président du Grand Dijon, François Rebsamen, sera présent à cette grande fête.
Pourquoi la mairie de Dijon propose-t-elle de la nourriture halal, non pas comme un choix parmi d’autres, ce que l’on pourrait admettre, mais comme une obligation pour tous ? L’article 2 de la loi de 1905 énonce pourtant : "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte". Autrement dit, la République n’en privilégie et n’en discrimine aucun. Un républicain ne peut donc qu’être choqué par l’imposition par une mairie d’un repas halal pour tous les participants à une manifestation festive.
 
Rappelons les propos de Vikash Dhorasoo, lorsqu’il déplora que l’équipe de Domenech exigeait du halal pour tous les joueurs : "On est un pays laïc, républicain, à l’école on ne demande pas une cantine halal (...), on fait un buffet pour tout le monde, avec des différenciations, mais on ne va pas faire un buffet halal dans la République française ! Moi, ça me choque". C’est exactement la même indignation que l’on peut éprouver concernant le barbecue géant halal de Dijon.
 
 
Dans le contexte actuel, on peut même se demander s’il ne s’agit pas là d’une provocation ; en effet, comment comprendre que l’on interdise un apéro géant "Saucisson et Pinard" à la Goutte d’or, et que l’on organise dans la foulée un barbecue géant halal à Dijon ? Que le maire socialiste du XVIIIe arrondissement de Paris, Daniel Vaillant, réclame et obtienne l’interdiction du premier événement, quand le maire socialiste de Dijon, François Rebsamen, organise lui-même le second ? L’apéro "saucisson et pinard" était jugé discriminatoire, car il excluait les musulmans voulant rester fidèles aux préceptes de leur religion ; mais le barbecue halal n’est-il pas à son tour discriminatoire ? N’exclut-il pas les "laïcards" (comme on dit aujourd’hui péjorativement) qui ne veulent pas subventionner indirectement le culte musulman ? 
 
Polémique récurrente
 
C’est, au fond, le débat sur les Quick 100% Halal qui revient : déjà on s’était offusqué de cette absence de choix. Déjà, on jugeait anormal que tous les gens qui viennent au Quick soient obligés, par l’intermédiaire de la viande halal, de verser une taxe aux organismes islamiques de certification. Sur Le Post, le 15 février, Kamel Chibout, président de la fédération régionale du Grand Est, de la Grande Mosquée de Paris, avait lui-même déploré l’initiative de Quick : "C’est malheureux que Quick ne fasse plus de sandwich au bacon. Je comprends les consommateurs qui ne sont pas musulmans et qui ne sont pas contents. Il faut que Quick soit équitable vis-à-vis de tous les consommateurs, même les non musulmans. (...) Je dis à Quick de remettre le sandwich au bacon sur le marché, par respect envers tous les consommateurs."
 
Même jugement de René Vandierendonck, le maire socialiste de Roubaix, où le seul fast-food de centre-ville est un Quick halal ; s’il n’était pas gêné "qu’il y ait une offre halal", il jugeait néanmoins "discriminatoire" le fait de ne proposer que cela. Il menaçait même à l’époque de saisir la Halde, la Haute autorité de lutte contre les discriminations. En revanche, d’après le Télégramme du 18 février, "à Argenteuil (Val-d’Oise), la mairie socialiste, qui défend le « vivre ensemble », n’est pas opposée à cette offre puisqu’elle complète l’offre classique du McDonald’s voisin".
 
Autre affaire concomitante : le 19 février, on apprenait dans Lyon Mag que la mairie socialiste de Saint-Priest, dirigée par Martine David, proposait au personnel municipal un menu halal lors du repas des voeux de la mairie. Interpellé par le député UMP du Rhône, Philippe Meunier, qui estimait que cette initiative bafouait les valeurs républicaines, la maire de Saint-Priest avait concédé avoir commis une "maladresse".
 
Il y a bien un clivage au sein même de la gauche au sujet de la laïcité, entre les "conciliants" et les "intransigeants". Un clivage bien exprimé dans l’article de l’intransigeant Pierre Régnier, "Ceux de la "Gauche" qui ne veulent pas de la riposte laïque", publié le 23 juin sur AgoraVox. Extrait : "Ils soutiennent le pire des obscurantismes et ils se disent de gauche

. Au sein de l’islam ils soutiennent ceux qui méprisent le plus ouvertement la laïcité républicaine et ils se disent de gauche

. (...) Ils soutiennent ceux qui prennent les rues pour y faire leurs prières et ils se disent de gauche

. Ils soutiennent ceux qui veulent éliminer la nourriture traditionnelle dans les quartiers qu’ils envahissent et ils se disent de gauche

. Ils soutiennent ceux qui veulent imposer la nourriture exigée par leur dieu dans les cantines des écoles de la République et ils se disent de gauche (...). ILS SONT le "gauchisme d’extrême-droite", ce nouveau monstre politique aveugle et stupide qui marche sur la tête en se répétant inlassablement ses âneries et en les assénant aux autres comme des vérités d’évidence."
 
Plus récemment, on se souvient encore que des CRS avaient protesté contre des menus halal qui leur étaient servis à leur insu. Le 28 avril, Le Figaro rapportait qu’un tract avait été rédigé par une section locale d’Unité SGP police FO (premier syndicat de gardiens de la paix) et affiché dans une caserne de CRS à Rouen, qui dénonçait en termes très virulents le fait que de la viande halal ait figuré au menu des policiers : "Dans ce tract en date du 6 avril (...), le bureau local de ce syndicat écrit au commandant de la compagnie de CRS 31 basée à Rouen. Il lui signale que les CRS, de passage en région parisienne et cantonnés à Pondorly (Val-de-Marne), mangent de la viande halal au mess "et ceci à notre insu". Il lui demande de mettre fin "à des approvisionnements au rituel étranger à nos coutumes" (...). "Il serait inutile de vous rappeler que tout musulman qui entre dans notre corporation se voit proposer un régime au regard des us et coutumes de sa religion", écrit ainsi le bureau local. (...) Le tract ajoute que "manger halal c’est payer l’impôt islamiste" et précise : "Nous ne voulons pas être complices de cette déviance, et nous ne voulons plus manger Halal à l’avenir"."
 
L’initiative de ces CRS avait été condamnée par leur direction, qui avait jugé le tract "très indélicat" et exigé son retrait. Nicolas Comte, secrétaire général d’Unité SGP police-FO, s’était totalement démarqué de cette initiative "locale" qui n’était pas, avait-il précisé, "la position de notre organisation profondément laïque et républicaine". Exiger de ne pas manger de la nourriture religieusement marquée serait donc anti-laïque et anti-républicain ? On s’y perd...
 
Quoi qu’il en soit, le barbecue géant halal de Dijon, annoncé hier et prévu pour le 9 juillet, va très certainement susciter dans les jours qui viennent une vague de protestation de la part de ceux-là mêmes qui se sont vus interdire leur apéro géant "Saucisson et Pinard". Une question va alors très vite se poser : le barbecue doit-il être à son tour interdit ? Pour le moins, il serait judicieux que la mairie de Dijon prévoie un barbecue mixte qui satisfasse tous les participants.
 
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MAJ : Christine Tasin, ancienne militante au PS, aujourd’hui présidente de Résistance Républicaine, lance ce jour une opération "non au halal" : "La Mairie de Dijon organise un barbecue géant halal à l’occasion d’un tournoi de foot-ball ! Nous vous invitons à dire votre façon de penser au Maire socialiste, François Rebsamen, à protester auprès de tous les socialistes que vous connaissez et à laisser un message rue de Solferino."
 
Florian Lauquin, Secrétaire à la propagande FN en Côte-d’Or, écrit une lettre ouverte au maire de Dijon et demande l’annulation du barbecue halal : "De part cette manifestation, c’est la loi de 1905 sur la laicité que vous piétinez sans vergogne ! C’est aussi un flagrant délit de clientélisme communautaire financé avec l’argent du contribuable dijonnais dans son ensemble ! (...) Je vous serais gré de bien vouloir annuler ce barbecue halal portant atteintes à une loi fondatrice de la République ainsi qu’aux principes fondamentaux du "vivre ensemble" si cher à votre coeur habituellement... !"
 
Lundi matin, le Dijon Football Côte d’Or publie un communiqué, qui précise que le barbecue halal ne sera qu’une option, et s’excuse pour l’imprécision de son invitation initiale : "L’organisation souhaite présenter ses excuses à l’ensemble des populations heurtées par le manque de précisions apporté quant au barbecue géant du 9 juillet prochain. La prestation pour se restaurer sera un barbecue pour tous, il est simplement prévu de proposer un stand de viande Hallal pour toutes les personnes qui le souhaiteront." Le terme "halal" a d’ailleurs été retiré, à présent, de l’invitation au barbecue.
Le site de France 3 rend compte de la polémique, suite au communiqué du DFCO, en titrant "Dijon : Le barbecue ne sera pas halal". Il eut mieux valu titrer : "Dijon : Le barbecue ne sera pas complètement halal".

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