Bernard Maris, le libre-penseur
par Laurent Herblay
mardi 11 août 2015
Le livre de Bernard Maris n’est pas seulement une magnifique déclaration d’amour à la France, d’un homme qui semble avoir pleinement ouvert les yeux sur le sens de notre patrimoine commun sur le tard. C’est aussi une analyse politique qui révèle une rare capacité à aller au-delà des idées de son camp.
Savoir penser comme les préjugés de son camp
Pour un anarchiste internationaliste, il démontre une belle ouverture d’esprit. Outre Todd et Le Bras, il corrige les chiffres de l’immigration d’Attali par ceux de Tribalat et note que « ces flux d’immigrés ne sont plus des flux de travailleurs attirés par un emploi local, mais des ‘regroupés familiaux’ très peu qualifiés ». Il cite Finkielkraut pour qui « les bobos typiques célèbrent le métissage et vivent dans des forteresses ». Pour lui, les brûleurs de voiture « sont la loi de la jungle, la pire, c’est à dire l’absence de loi. Comme la Mafia, ils ne connaissent que la famille, et jamais le pays ». Il dénonce ceux qui sifflent la Marseillaise, qui « participent d’un internationalisme tout à fait en phase avec le crime ».
Sur les émeutes de Villiers Le Bel, il rend hommage à « la police républicain (qui) s’est remarquablement comportée, un commissaire a été lynché en essayant de ramener le calme », comme un étrange écho au rassemblement des Français derrière nos forces de l’ordre après les massacres de janvier. Il dénonçe aussi les intellectuels qui ont soutenu les inculpés dans Libération. Il dénonce le communautarisme des mairies socialistes qui accordent des horaires de piscine aux femmes. En réalité, sur bien des questions, il rejoint le point de vue défendu par les chevènementistes et les gaullistes, une évolution qui peut paraître surprenante, mais qui est aussi un formidable vecteur d’espoir pour l’avenir.
Des banlieues et de la question sociale
Pour lui, « jamais les violences urbaines ou les émeutes n’ont débouché sur une quelconque remise en cause du système économique ». Il reprend les « Fractures françaises » de Christophe Guilluy : « comme il ne s’y passe rien, pas d’ascenseur social, pas de réussite scolaire, et pas d’emploi. Le périurbain est occupé par des personnes qui ont quitté la banlieue, laissée aux immigrés de première, deuxième, ou troisième génération », en faisant les zones « de la déchéance industrielle et des plans sociaux », plus le territoire de l’exclusion que la banlieue : « la France pavillonnaire ne profite pas ou plus de l’ascenseur social ». Il note que « si les investissements publics vont vers la banlieue et les quartiers sensibles, ils ne vont pas ailleurs… Or 85% des pauvres ne vivent pas dans ces quartiers ».
Il reprend encore Guilluy en concluant : « Est-ce que les élites, les puissants, n’auraient pas intérêt à transformer la question sociale en question ethnique, à voir un conflit de communautés là où il n’y aurait qu’un conflit social ? ». Pour Maris, « par un cynisme sans doute inconscient, les catégories supérieures, celles qui profitent de la mondialisation (…) ont caché la question sociale sous la question ethnique, plus vague, plus morale, plus lointaine. La lutte pour l’égalité laisse place à celle pour la diversité ». Mais, bien heureusement, il conclut en citant Guilluy, « au regard de l’universalisme républicain, le développement du séparatisme sonne évidemment comme un échec, mais la faiblesse relative des tensions interculturelles confirme aussi un profond attachement aux valeurs républicaines ».
Par ce livre, Bernard Maris rappelle que l’éloge de la diversité et du communautarisme produit un oubli de la question sociale, rejoignant les analyses des Lordon, Sapir ou Todd qui font le procès de la trahison sociale de la gauche et développe une pensée patriote progressiste que je développerai demain.
Source : Bernard Maris, « Et si on aimait la France », Grasset