Boulangerie : la menace coréenne

par Fergus
lundi 18 août 2014

« Tout fout le camp, ma bonne dame ! » Ainsi pourrait s’exprimer un Parisien, stupéfait de voir surgir la baguette coréenne au cœur de la capitale. Après les bistrots traditionnels menacés par l’invasion de l’enseigne étasunienne Starbucks, voilà les boulangeries artisanales confrontées à la menace asiatique...

Paris Baguette (photo Metronews)

A priori, pas de différence visible entre Paris Baguette et les autres boulangeries du quartier Saint-Germain-l’Auxerrois (1er arrondissement). Ouverte le 31 juillet, cette nouvelle enseigne, implantée à l’angle de la rue Jean Lantier et de la rue des Lavandières-Sainte-Opportune (entre la rue de Rivoli et le quai de la Mégisserie), constitue pourtant une menace bien réelle pour les boulangers traditionnels, eu égard à ses énormes moyens et à son potentiel marketing redoutable. Les enseignes industrielles comme Paul (300 points de vente), La mie câline (200 points de vente) ou Marie Blachère (60 points de vente) ont peut-être elles-mêmes du souci à se faire face à l’offensive coréenne. L’avenir le dira.

Dans l’immédiat, la curiosité aidant, les clients se pressent nombreux dans la boulangerie de la rue Jean-Lantier. En investisseurs avisés, soucieux de conquérir la clientèle locale, les Coréens ont choisi la carte de la discrétion. D’une part, avec une offre traditionnelle, faite de pains, de viennoiseries et de gâteaux au goût français, sans recours aux exotiques ingrédients de patate douce ou de haricots rouges, très prisés en Asie. D’autre part, en faisant assurer le service par un personnel sobrement vêtu, sans le béret et la marinière imposés dans les boutiques asiatiques du groupe pour donner l’illusion d’un label français. La Tour Eiffel elle-même, qui figure pourtant sur les logos de l’entreprise depuis sa création, est absente de la devanture parisienne qui se contente d’un sobre « PB ».

Les promoteurs de Paris Baguette réussiront-ils leur implantation dans la capitale française ? Difficile à dire. Mais en choisissant de se fondre dans la ville et en mettant en vente des produits d’une bonne qualité et conformes aux attentes de la majorité des Parisiens, ils ont assurément fait les bons choix marketing et industriel.

Ajoutons à cela que les énormes moyens financiers du groupe SPC et de son patron, le milliardaire Hur Young-In, devraient leur permettre de faire face sans difficulté à la concurrence. Issue de la marque Paris Croissant, créée en 1986, Paris Baguette, née en 1988, fêtait son 100e magasin sur la planète dès 1996 et son 1800e en 2008. Aujourd’hui, le nombre des points de vente s’établit à plus de 2000 ! C’est donc une véritable machine de guerre alimentaire qui s’attaque désormais au marché français, et il ne fait aucun doute que les Coréens feront tout pour gagner cette bataille. À la clé, un enjeu de première grandeur en vue des futurs développements : se prévaloir, partout dans le monde, d’être plébiscités par l’exigeante clientèle de Paris.

Face à ce cheval de Troie, les artisans-boulangers traditionnels vont, plus que jamais, devoir lutter pour maintenir la qualité de leurs produits et assurer la pérennité de leur activité dans un univers concurrentiel de plus en plus rude. Or, tous ne peuvent bénéficier de l’image d’un Ganachaud, d’un Khader (le préféré de François Hollande) ou celle, plus ancienne, d’un Poilâne. L’offensive coréenne, ajoutée aux stratégies de conquête des autres groupes ou franchises industriels, pourrait se révéler fatale à quelques-uns, au grand dam des amateurs qui placent le pain de tradition au sommet des composantes incontournables de la gastronomie française. À suivre...

En attendant, et pour sourire un peu, disons que le comble pour les boulangers coréens serait de se faire traiter de « bâtards » par les artisans français victimes d’une offensive difficile à brider !


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